Le phénomène migratoire en mer méditerranée depuis 2013. Enjeux d'une frontière meurtrière aux portes de l'Europe.par AnaàƒÂ«lle TOUTOUNJI Ecole Supérieure de Commerce et Développement 3A Paris - Master 2 Manager de projets internationaux, parcours Coopération et Action Humanitaire 2019 |
Conclusion de la sous-partie« Quoi qu'il arrive, tant qu'il y aura des personne qui traversent et se noient, on sera sur place. Je ne veux pas parler au nom des autres ONG de sauvetage mais en tout cas nous, tant qu'il y aura des morts, nous serons là » déclare Coralie Carvin. Malgré les difficultés qui se multiplient et le durcissement des politiques migratoires européennes, les ONG tiennent bon. Si l'avenir des conditions d'accueil des migrants en Europe est pour l'instant indécis, celui des ONG l'est encore moins. Entre reconnaissance professionnelle et criminalisation médiatisée, les ONG subissent l'indécision et la pression de l'Europe qui ne sait elle-même pas où se positionner et comment réellement aborder la question migratoire en s'adaptant à ses nouvelles caractéristiques. La médiatisation grandissante des drames en Méditerranée représente à la fois un atout qui donne de la visibilité aux ONG et aux conséquences tragiques de l'inaction de l'Europe, et à la fois un frein puisque les navires de secours sont vus comme les potentiels complices des passeurs. La liste des 10 obstacles que rencontrent les ONG dans leurs missions quotidiennes démontre que l'Europe n'a pas procédé à une passation de ses responsabilités quant au sauvetage des migrants en détresse, mais qu'elle s'est retirée subitement après avoir signé les accords avec la Turquie et la Libye en pensant régler le « problème » migratoire. Actuellement, il est clair qu'elle entrave même complètement le travail des ONG, considérant qu'elles vont à l'encontre des axes définis par sa politique migratoire qui consiste à externaliser ses frontières, refouler au maximum et déléguer la gestion des migrants à la Turquie et à la Libye. « Ce qui est le plus inquiétant aujourd'hui, c'est que l'UE n'arrive pas à s'entendre sur une politique migratoire digne de ce nom. Il s'agit d'externaliser toujours plus les frontières pour que les personnes n'arrivent pas sur le sol européen. On délègue la gestion de nos frontières à d'autres entités, en l'occurrence, la Turquie ou Libye. On finance des entités qui ne sont même pas européennes, par exemple un corps de garde-côtes libyens, c'est une externalisation à son max. On [l'Europe] a aussi un regard sur ce qu'il se passe et on s`assure que le refoulement est bien mis en oeuvre. » - Coralie Carvin 72 C) Difficulté d'un consensus européen sur la gestion des flux migratoires et perspectives d'avenir en MéditerranéeLa célèbre phrase « L'union fait la force » s'avère véridique dans de nombreux cas. Au fond, ne serait-ce pas le manque d'unité et d'accord commun qui divise l'Europe sur la question migratoire ? Chaque État adopte un certain positionnement vis-à-vis des migrations selon ses propres intérêts à une période donnée. L'orientation politique de chaque État joue également dans ce positionnement, les mouvements de droite, par exemple, adoptant plutôt un discours de rejet envers les migrants. Certains clament haut et fort leur posture anti-migrants comme l'Italie, d'autres répondent aux appels, lorsqu'il y en a, en permettant aux ONG d'accoster dans leurs ports comme l'Espagne, ou encore d'autres ne se prononcent pas réellement sur la question migratoire comme la France. Dans un monde où il est nécessaire de concilier souveraineté nationale et respect des principes des conventions internationales ratifiées, le juste équilibre est parfois difficile à trouver. C'est le cas des États d'Europe qui, divisés entre devoir de solidarité et défense des intérêts nationaux, ne parviennent pas à s'accorder sur un positionnement commun. Lors de l'explosion des arrivées des demandeurs d'asile en 2015, l'Europe a remis en question le principe de libre circulation en son sein ainsi que l'abolition des frontières instaurés par l'accord de Schengen en 1985, signé par la France, l'Allemagne et le Benelux, et appliqué en 1995. Si l'affranchissement des frontières et la libre circulation des biens et personnes sont au coeur de la création de l'Europe et en font une entité unique au monde (26 États qui décident, entre autre, de s'allier et de se soutenir mutuellement), ils sont aujourd'hui grandement ébranlés étant donné la redéfinition de certaines frontières internes et des contrôles renforcés. En juin 2015, par exemple, la frontière entre la France et l'Italie fut fermée, probablement dans un souci de ne pas laisser entrer les flux de migrants en France qui arrivent par milliers en Italie. Il y a d'autres exemples comme la fermeture de la frontière entre la Serbie et la Hongrie (qui a érigé un haut mur de grillages en guise de frontière), et celle entre la Slovénie et la Croatie dans les années qui suivirent. En 2003, la France et le Royaume-Uni avaient signé le Traité de Touquet dont l'objectif était la surveillance des frontières et des ports maritimes dans la zone de la Manche et entre le Nord de la France et le Royaume-Uni. De multiples exemples d'actions peuvent être encore cités pour démontrer la remise en question du principe de libre circulation au sein de l'espace Schengen, remise en question causée par l'augmentation progressive des arrivées de migrants en Europe et de la montée d'une méfiance envers eux. Seulement, force 73 est de constater que ce sont les migrants qui ont subi les difficultés d'une libre circulation au sein de l'UE et le rétablissement de frontières internes entre certains États. Si l'Europe tente de renvoyer l'image d'elle étant une entité dont tous les États sont unifiés et sur la même longueur d'ondes, la crise de l'accueil des migrants de 2015 a démontré tout l'inverse. Loin d'être unifiée, les États ont, de par les traités et initiatives intra-européennes citées plus haut, appliqué leur principe de souveraineté nationale en protégeant leurs propres frontières et en renforçant leur contrôle sans s'accorder sur une politique migratoire commune. Les moments où les États européens se sont « retrouvés » par rapport à la question de la gestion des flux migratoires, furent lors de la proposition d'un Agenda européen proposé par la Commission européenne des droits de l'homme en 2015 et lors de la signature des accords avec la Turquie en 2016 et la Libye en 2017. Par conséquent, des moments de « retrouvailles » pour approuver des mesures répressives aux frontières et l'externalisation des flux migratoires. Cependant, rien de tout cela ne dissuade et n'empêche les migrants de traverser la Méditerranée dans le but d'atteindre les frontières européennes. Bien au contraire, les migrants risquent leur vie, tentent la traversée des mers Méditerranée, Égée et de la Manche, escaladent les murs et clôtures de Ceuta et Melilla, tout cela pour soit fuir les persécutions et conflits auxquels leur pays est en proie, soit pour fuir les conditions inhumaines dans lesquelles ils vivent dans les camps de détention en Libye. Le nombre croissant de décès en Méditerranée devrait interpeller les gouvernements européens et les interroger sur l'efficacité des mesures répressives issues de leur politique migratoire actuelle. La volonté initiale de dissuader et de mettre à distance a laissé place à une réalité bien plus dramatique : les frontières européennes tuent les migrants. Alors pourquoi cette difficulté de consensus européen sur la gestion des flux migratoires ? Plusieurs facteurs expliquent que les politiques aient du mal à se mettre d'accord depuis des années. Premièrement, la position géographique de chaque État joue grandement dans leur prise de position et de décision. En effet, les pays au Sud de l'Europe et bordés par la Méditerranée comme l'Italie et la Grèce, étant les pays qui reçoivent en premier tous les flux de migrants arrivant de la Méditerranée depuis 2013, n'auront d'autre choix que de choisir l'une des deux postures suivantes : il s'agit pour eux de soit s'habituer et d'accueillir les migrants sur le long terme étant les premiers pays de l'UE à la frontière, soit, comme l'Italie, de refuser de continuer à endosser la responsabilité de l'arrivée et de la prise en charge de tous les migrants. Les pays dits au « centre » de l'Europe comme la France, l'Allemagne, le Benelux, etc. sont des pays qui ont, jusqu'à maintenant, accueilli un grand nombre de migrants (comparé aux autres pays de l'UE bien sûr et non comparable du tout avec les pays comme la Turquie, la 74 Jordanie ou le Liban) sans pour autant se prononcer plus que cela sur la question migratoire. Il s'agit de terres d'accueil et d'immigration depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque la main d'oeuvre peu qualifiée venait du Sud de l'Europe (Italie, Espagne, Portugal) et de la rive Sud de la Méditerranée (Maghreb) aider à la reconstruction de l'Europe. Selon le site d'Eurostat, les trois pays ayant le plus accueilli de demandeurs d'asile en 2018 sont l'Allemagne (161 900), la France (111 400) et la Grèce (65 000). A contrario, les pays de l'Europe de l'Est comme la Hongrie, la Slovaquie ou la Pologne, sont plutôt des pays d'émigration, et sont ceux accueillant le moins de migrants. L'ouvrage collectif Les réfugiés sont notre avenir (2019) souligne d'ailleurs bien qu'il s'agit de pays dont la population vieillit le plus et que le taux de fécondité y est très bas ce qui pourrait expliquer un certain conservatisme de ces pays et un rejet des « étrangers ». Leur passé historique joue aussi un certain rôle dans la xénophobie prononcée des pays de l'Est. Les pays nordiques, comme le Danemark, la Suède et la Finlande qui ont accueilli des migrants ces dernières années ont finalement basculé dans un durcissement de leurs contrôles frontaliers et de l'octroi du statut de réfugié aux demandeurs d'asile. Ainsi, selon la position géographique et peut-être aussi selon leur passé historique, les pays de l'UE s'ouvrent ou non à un accueil des demandeurs d'asile. Le deuxième facteur pouvant expliquer la difficulté d'un accord commun de l'Europe sur la question migratoire est celui des intérêts nationaux. Car avant d'être un État européen, ce sont des États à part entière, disposant d'une souveraineté nationale et donc du pouvoir de décision sur leur pays et le bien-être de leur peuple. Face au défi migratoire qui s'amplifie aux portes de l'Europe depuis 2015, les États semblent vouloir parler en leur nom et ne pas s'engager lors de décisions prises pour accueillir des migrants rescapés en Méditerranée par exemple ou accepter d'octroyer le statut de réfugié à plus de personnes. C'est pour cela que l'on assiste, depuis 2015 et peut-être même avant pour certains, à un rétablissement de frontières dites « invisibles » pour les citoyens européens mais bel et bien existantes et contraignantes pour les migrants, à un durcissement des contrôles frontaliers, à une restriction de l'octroi du statut de réfugié, et même à des refoulements opérés par les autorités étatiques. Aujourd'hui, les États consacrent une grande part de leur budget à la sécurité de leurs frontières (en Hongrie : un mur érigé en fils barbelés), en plus de financer l'agence Frontex tous les mois, alors que cette part de leur budget pourrait profiter aux demandeurs d'asile qu'ils accueillent. Chaque pays aspire bien évidemment à avoir une économie florissante, un taux de chômage le plus bas possible, un peuple heureux, une politique exemplaire en termes de démocratie et de respect des droits de l'Homme. Et par-dessus tout, chaque pays aspire à la sécurité : la sécurité de son 75 territoire, de ses ressources, de son peuple. En somme, n'est-ce- pas cet intérêt que certains États européens souhaitent défendre ardemment en renforçant leurs frontières ? L'arrivée des migrants depuis 2015 qualifiée « d'envahissement » dans les médias et alimentée avec des chiffres faussés ont provoqué, voire renforcé, un sentiment d'insécurité de quelques États qui se sont alors sentis contraints de protéger leur pays et leur peuple face à cette « horde » d'étrangers qu'il fallait à tout prix repousser. Les actes de terrorisme de ces dernières années en Europe (France, Allemagne, Belgique) ont renforcé davantage la méfiance envers les migrants, souvent assimilés, à tort et pour des raisons peu claires, à des terroristes. L'Allemagne est probablement le seul pays d'Europe à clamer les bienfaits de la migration et les avantages qu'elle apporte avec elle : compétences, culture, etc. Selon elle, les migrations semblent représenter un intérêt national plus fort et plus intéressant que la sécurité et le contrôle des frontières. Enfin, le troisième facteur concerne la position politique la plus influente de chaque État. En Italie, terre d'immigration depuis toujours, ferme peu à peu ses ports depuis l'élection de son ministre de l'Intérieur d'extrême droite Matteo Salvini qui exprime sans retenue son rejet envers les migrants et sa volonté de ne plus en accueillir sur le sol italien. Les décisions récentes de fermer les ports (Lampedusa) et d'infliger des amendes aux ONG qui braveraient cette interdiction (allant jusqu'à 1 million d'euros) ont été initiées par Matteo Salvini qui n'a pas pris la peine de consulter les autres États membres, estimant que son pays avait suffisamment endossé la responsabilité et le poids des migrations depuis 2013. Pourtant, l'Italie est une démocratie prônant de fortes valeurs et vantant les bienfaits de l'immigration. L'arrivée de Matteo Salvini en tête des sondages et son élection ont prouvé que la voix des citoyens joue aussi dans la prise de position d'un État quant à la question migratoire. Les pays de l'Europe de l'Est et de l'Europe orientale (Pologne, Hongrie, Lettonie, Slovaquie, Bulgarie etc.) sont régis par un certain conservatisme et attachés à leur mode de vie culturel depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Selon l'article35 Politique migratoire : comment l'Europe de l'Est a préféré la tranquillité à l'enrichissement culturel prôné par l'Ouest du média web Valeurs actuelles, les « Pays d'Europe centrale et orientale » (PECO) sont actuellement emprunts à une économie florissante, à une baisse progressive du chômage et à une augmentation des salaires 35 Edery, P. (2019, 9 Août). Politique migratoire : comment l'Europe de l'Est a préféré la tranquillité à l'enrichissement culturel prôné par l'Ouest. Récupéré le 25 Août, 2019, sur https://www.valeursactuelles.com/monde/politique-migratoire-comment-leurope-de-lest-prefere-la-tranquillite-lenrichissement-culturel-prone-par-louest-109834 76 ce qui a conduit la Pologne à ouvrir ses portes à une immigration sélective en 2016. La différence avec les pays de l'Ouest qui accueillent ? Selon ce même article, les migrants accueillis en Europe de l'Est sont plus âgés et trouvent rapidement un travail grâce aux compétences qu'ils ont acquis dans leur pays d'origine. De plus, leurs axes politiques, de par leur passé historique et leur position géographique, sont davantage orientés sur l'accueil des migrants chrétiens que musulmans ce qui limite grandement l'entrée sur leur territoire. Les pays comme l'Espagne et le Portugal qui ont une tendance politique sociale semblent peu réticents à l'accueil des migrants dans leur pays. Pour cause, l'Espagne a été le premier pays à répondre à l'appel de l'Open Arms qui a erré pendant des semaines en Méditerranée sans pouvoir accoster dans un port européen en août 2019. Ainsi, plusieurs facteurs expliquent la prise de position des États européens sur la question migratoire : géographique, défense des intérêts nationaux, tendance politiques et confessionnelles. Il s'agit, en un sens, d'une fragmentation de l'unité que l'Europe est censée représenter et prôner entre tous ses États. Si la difficulté d'un consensus perdure depuis des années, les accords signés en 2016 avec la Turquie n'arrangent en rien la situation, bien au contraire : les décès en Méditerranée ne cessent d'augmenter depuis 2016 et la responsabilité de l'Europe n'en est que plus évidente. La nécessité de redéfinir les axes de la politique migratoire européenne s'impose de plus en plus mais en parallèle de cela, les États se renferment sur eux-mêmes en jouissant de leur principe de souveraineté nationale. Rétablissement de frontières au sein-même de l'espace Schengen, érige de murs, clôtures, barrières hautes, fils barbelés et électrifiés, Police aux frontières (PAF), refoulement, etc., il s'agit actuellement des mesures prises par de nombreux États en réponse à l'intensification des flux migratoires depuis 2015. Les perspectives d'avenir du sauvetage en Méditerranée Il est difficile d'anticiper les changements politiques et sociaux de l'Europe dans les années à venir même si la montée de mouvements d'extrême droit et xénophobes semble présager un renforcement des mesures répressives aux frontières et une externalisation toujours plus importante des flux migratoires. Cependant, avec l'augmentation des conflits et persécutions dans le monde et les changements climatiques qui poussent les peuples à partir de leurs pays, les migrations sont plus que jamais au coeur des débats internationaux. Les naufrages 77 en Méditerranée et les décès aux frontières européennes sont la conséquence de la difficulté, qui perdure depuis des années, d'un consensus entre tous les États européens. Davantage orientés vers le renforcement du contrôle des frontières, avec le financement colossal de l'agence Frontex, et l'externalisation des flux migratoires, de par les accords signés avec la Turquie et la Libye, l'Europe est pourtant consciente de l'aspect meurtrier de ses frontières et n'y remédie pas. À ce jour, les opérations de sauvetage menées en mer sont assurées par les ONG de sauvetage, les garde-côtes libyens (on parle plutôt d'interception que de sauvetage dans ce cas-là), des autorités maritimes étatiques de temps en temps, et quelques navires de pêche présents au moment des naufrages. Aucune initiative européenne n'a été prise depuis les opérations Mare Nosrum, Triton et Sophia alors que les personnes continuent encore à se noyer en traversant la Méditerranée. En déléguant la responsabilité de la gestion des migrants à la Turquie et à la Libye, l'Europe pensait pouvoir stopper les naufrages et noyades mais ce fut tout le contraire : malgré une baisse enregistrée des arrivées de migrants en Europe depuis 2017, les tentatives de traversées de la Méditerranée, elles, restent plus ou moins constantes, des pics ayant été enregistrés à certains moments donnés. Par exemple, il y eut une augmentation des traversées alors que le monde ouvrait les yeux sur les conditions de détention en Libye courant 2017 : traitements inhumains et dégradants poussent les migrants à fuir la Libye et à risquer leur vie en Méditerranée malgré les dangers et l'incertitude de la traversée. Cela n'a pourtant pas suffit à ce que l'Europe reconsidère les accords signés en février 2017 avec la Libye. Bien au contraire, la formation des garde-côtes libyens a été plus accélérée que jamais par les autorités maritimes italiennes. En gardant le silence face aux actes de la Libye envers les migrants, l'Europe les cautionne et se rend complice des actes de meurtre, torture, viol et autres traitements infligés. Il s'agit donc d'une violation des droits de l'homme et de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Les ONG qui assurent les sauvetages en mer se voient quotidiennement entravés dans leur travail : altercations avec les garde-côtes libyens, victimes de menaces et d'agressions verbales et physiques, errance prolongée en Méditerranée, fermeture des ports européens, amendes de 1 million d'euros, emprisonnement, etc. Elles tiennent bon malgré ces difficultés, mais pour combien de temps encore ? Si tous les ports européens venaient à se fermer aux migrants, où déposer les rescapés ? Certainement pas en Libye bien sûr, ce qui reviendrait à continuer d'errer en Méditerranée pendant des jours, des semaines, des mois même peut-être ? Ces suppositions sont inquiétantes et alarment sur la gravité de la situation : si les ONG ne 78 pourront bientôt plus se rendre en mer, qui sauvera les migrants en détresse ? Les garde-côtes libyens sont davantage dans l'optique de les intercepter violemment et de les ramener de force en Libye alors les migrants cherchent à la fuir. L'avenir en Méditerranée reste incertain. Aujourd'hui, plus que jamais, ce sont les États européens qui ont le pouvoir décisionnel sur le sauvetage et le sort des migrants. Les traversées ne feront que continuer, voire même s'intensifier, car l'instinct de survie et la volonté de trouver refuge et protection, et de fuir loin de la Libye, représentent des raisons suffisantes pour les migrants qui tentent la traversée au péril de leur vie. Certains ont même déclaré « Je préfère mourir que de rester en Libye ». Les déclarations qui accusent les ONG de créer un « appel d'air » et d'inciter les migrants à traverser de par la présence de leurs navires en Méditerranée qui sont ainsi assurés d'être secourus sont nombreuses et démontrent encore une fois les conséquences de la politique de criminalisation des ONG. Fuir pour survivre représente une solution pour beaucoup de personnes, et ONG de sauvetage en mer ou pas, elles tentent la traversée et ne se posent que très peu la question du risque qu'elles encourent pour leur vie. L'horreur de la situation et les réactions peu vives de l'Europe ne présagent rien de bon pour le futur. La création d'une nouvelle entité européenne pour le sauvetage des migrants en détresse serait-elle envisageable ? Non pas une entité qui mènerait des opérations comme Triton mais plutôt une opération semblable à Mare Nostrum, cette fois financée par tous les États membres de l'UE et pas seulement par l'Italie ? Une entité gérée par les politiques et les ONG à la fois et dont la coordination permettrait le sauvetage de millier de personnes. Les idées sont nombreuses et les initiatives proposées par les ONG et citoyens sensibles à la cause migratoire n'attendent que d'être appliquées. Il s'agit maintenant de savoir si l'Europe répondra à l'appel d'une Méditerranée en détresse, qui demeure sans réponse depuis maintenant plusieurs années. 79 |
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