10) Médaille et cause nationale : une réelle
reconnaissance des ONG ?
Il est étonnant de comparer ce qui est dit dans le
point 9) sur la complicité prônée entre ONG et passeurs et
les révélations de Coralie Carvin. En effet, elle explique que
l'association SOS Méditerranée a reçu plusieurs prix
(UNESCO) et distinctions en récompense à son travail de sauvetage
en Méditerrané et qu'elle a une certaine reconnaissance
professionnelle. L'association a notamment été reconnue Cause
Nationale en 2017 en France. Plus récemment, la Mairie de Paris a
décidé d'accorder 100 000€ à SOS pour qu'elle
continue le sauvetage en
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mer. Coralie Carvin explique, en parlant de ces distinctions :
« Cela peut faire sourire quand même quand on voit aujourd'hui
publiquement qu'on n'est pas du tout soutenus ». En effet, pourquoi une
telle criminalisation des ONG et leur assimilation à des passeurs alors
qu'elles reçoivent des subventions pour mener à bien leurs
missions et que leur travail est reconnu par des prix et distinctions ? Il peut
s'agir d'une question d'échelle : à l'échelle
européenne, les ONG sont souvent freinées dans leur travail
à cause des décisions politiques prises comme la fermeture des
ports italiens et maltais ou encore l'interdiction de ravitaillement en fuel
sur la terre ferme. Même si ces décisions sont prises par un
État de l'UE au nom de tous, et au vu de sa souveraineté
nationale bien sûr, les autres pays, en ne réagissant pas,
approuvent en silence d'une certaine manière. Aucun État ne s'est
par exemple opposé à la décision de Matteo Salvini de
fermer ses ports italiens. Il s'agit donc d'un accord commun, bien que non
déclaré, de tous les États de l'UE sur leur politique
migratoire. À l'échelle nationale et même régionale,
les choses peuvent varier. Si la France ne se prononce que très peu sur
la question migratoire en Méditerranée, la Mairie de Paris, elle,
et particulièrement Anne Hidalgo, se montrent favorables et encouragent
les sauvetages de migrants en détresse. C'est pour cette raison que SOS
Méditerranée a obtenu une subvention de 100 000€ en 2019. De
manière générale, la France ne semble pas s'opposer
à l'accueil de migrants mais d'un côté, elle ne fait rien
de plus à l'échelle européenne pour négocier des
apporter des solutions et négocier des décisions.
Ainsi, peut-on parler d'une certaine hypocrisie ? Remettre un
prix à une ONG pour la féliciter de ses sauvetages en mer et par
la suite l'accuser de complicité avec les passeurs est sans aucun doute
représentatif de la mentalité actuelle de l'Europe sur la
question migratoire. À la fois tiraillée par son devoir de
solidarité en tant que continent des droits de l'homme et par ses
obligations politiques de plus en plus orientées vers la fermeture des
frontières et le rejet des « étrangers », l'Europe ne
parvient pas à trouver un équilibre qui concile ce qu'elle
prône et ce qu'elle fait en réalité. Comme l'explique
Claire Rodier dans l'ouvrage Migrants & Réfugiés,
Réponse aux indécis, aux inquiets et aux réticents
(2018), « [...] l'Europe est un espace compliqué, elle est
vieillissante, en crise économique, ses capacités d'accueil sont
limitées, etc. ». Comment l'Europe envisage-t-elle de
répondre au défi migratoire de notre temps ? Comment
compte-t-elle redéfinir sa politique migratoire de manière
efficace et équitable ?
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