5) L'Italie de Matteo Salvini : 1 million d'euros vaut plus
que des vies
La décision de fermeture des ports italiens
étant, il faut bien le dire, pas réellement efficace, Matteo
Salvini a fait voter un décret « anti-migrants » sur les
mesures et les peines encourues pour tous ceux venant en aide aux migrants et
notamment pour les ONG qui souhaitent accoster dans les ports italiens pour y
déposer les rescapés. L'entrée dans les eaux italiennes
par les navires de secours est désormais interdite. Le texte de lois
semble avoir été élaboré en réponse à
l'abandon des poursuites envers Carola Rackete qui avait accosté de
force en juin 2019 après des semaines d'errance en
Méditerrané. Dans les peines encourues énoncées :
jusqu'à 10 ans
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d'emprisonnement en cas de résistance d'un navire
humanitaire s'étant fait intercepté par les autorités
italiennes, des amendes pouvant aller de 150 000 euros à 1 million
d'euros pour les ONG de sauvetage qui forceraient le débarquement dans
les ports italiens et le retrait temporaire, voire même définitif,
des navires de sauvetage. Cette décision est lourde de
conséquences pour les ONG qui continuent leurs missions de sauvetage en
Méditerranée et qui bataillent à chaque fois pour trouver
un port où débarquer les migrants.
6) L'affaire Carola Rackete : arrêtée pour
avoir sauvé des vies
Le 29 juin 2019, le navire humanitaire Sea Watch 3 force
l'entrée dans le port de Lampedusa et accoste afin de laisser les 40
migrants à son bord débarquer sur la terme ferme après 17
jours d'errance en Méditerranée et après avoir
demandé maintes fois une autorisation d'accoster d'urgence. La capitaine
du navire Carola Rackete est arrêtée par une vingtaine de
policiers dès que son navire est amarré et qu'elle pose le pied
sur le sol italien. Le 18 juillet 2019, elle fut entendue par les juges
italiens : elle était poursuivie pour avoir accosté de force
à Lampedusa alors que Matteo Salvini, ministre italien de
l'Intérieur, le lui avait interdit. Le 2 juillet 2019, les poursuites
sont abandonnées et l'arrestation invalidée, les juges estimant
que Carola avait forcé l'entrée pour sauver des vies.
L'affaire Carola Rackete, en plus d'avoir eu un retentissement
médiatique très fort, a marqué un tournant dans les
rapports entre Union européenne et ONG de sauvetage quant à leur
division sur la question migratoire. Il ne s'agit plus seulement de sauver des
migrants en détresse en Méditerranée et de les
déposer sains et saufs dans des ports européens, les ONG sont
maintenant obligées de demander l'autorisation plusieurs fois pour
accoster, d'errer dans les eaux pendant des semaines, de négocier, de
rendre des comptes, de forcer l'entrée. L'UE, de par ses
décisions et sa posture de refoulement et rejet des migrants, fait
basculer les ONG dans la criminalité pour aide à «
l'immigration clandestine ». Cependant, une immigration ne peut être
qualifiée de clandestine si le dossier et la cause de fuite du migrant
n'est pas correctement étudié. Toute personne fuyant conflits et
persécutions a le droit de partir et d'entrer dans un autre pays pour sa
survie (article 13 de la DUDH) et a le droit à ce que son cas soit
examiné pour obtenir le statut de réfugié. L'arrestation
de Carola Rackete a entraîné une importante mobilisation citoyenne
avec notamment rassemblement citoyen, manifestation, pétition pour
demander sa libération, lettre ouverte adressée aux politiques,
etc. L'indignation générale était de mise et pour cause :
Carola fut arrêtée et poursuivie alors qu'elle n'a fait que
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son devoir, sauver des vies en mer, ce devoir
complètement délaissé et jeté aux oubliettes par
l'Europe. Il parait impensable aujourd'hui de courir le risque de se faire
arrêter pour avoir sauvé des vies ou pour avoir aidé des
migrants dans le besoin (affaire Cédric Herrou) en Europe, continent
censé être celui des Droits de l'Homme. Désormais, les
situations comme celle du Sea Watch ayant accosté de force ne cesseront
de se reproduire, le besoin de sauvetage des migrants en
Méditerranée étant plus important que jamais.
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