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L'Union Africaine face aux graves violations des droits de l'homme.


par Paul Sékou YARADOUNO
Université générale Lansana Conté Sonfonia-Conakry Guinée  - Master droits de l'homme et droits humanitaires 2019
  

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CONCLUSION GENERALE

Au terme de la présente étude sur le sujet intitulé « l'UA face aux graves violations des droits de l'homme » notre préoccupation était non seulement d'évaluer les efforts fournie par l'UA dans la prévention et la punition des auteurs de graves violations des droits de l'homme telles les crimes contre l'humanité, le crime de génocide et les crimes de guerre perpétrés en Afrique mais aussi la possibilité de mise en oeuvre des actions menées par l'UA afin d'aboutir à la protection des droits de l'homme contre les atteintes éventuelles, à l'analyse de ses textes régionaux et ses organes de contrôle.

Pour cela, le chapitre premier intitulé les mesures prises par l'UA face aux graves des droits de l'homme a donné une clarté sur les avancées normatives et institutionnelles de l'UA en dépit des crises. Le deuxième chapitre nommé l'effectivité des actions de l'UA face aux graves violations des droits de l'homme a expliqué clairement le caractère du droit d'intervention de l'UA et l'inefficacité des moyens juridique par rapport à l'effectivité des actions entreprises. Le troisième chapitre titré les difficultés juridiques de mise en oeuvre des mesures adoptées, a donné une lumière sur les insuffisances des moyens financiers et humains et les ambigüités du mécanisme instauré par le système africain de protection des droits de l'homme. Le quatrième chapitre fait allusion aux difficultés pratiques, et a permis de faire comprendre l'insuffisance de moyens matériels devant les conflits armés, la lutte contre le terrorisme et la primauté des intérêts étatiques sur les droits de l'homme.

Ainsi, il a été démontré dans le premier chapitre que dans le cadre des mesures prises par l'UA face aux graves violations des droits de l'homme, nous notons la mention faite sur les avancées de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de ses Protocoles. Cette dernière d'ailleurs prévoit un mécanisme qui confie la responsabilité de la supervision et de la sauvegarde des droits de l'homme à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, la Conférence des chefs et à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples plus tard la Cour africaine de justice et des droits de l'homme.

Dès lors, il convient de noter que la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples est l'instrument principal de protection des droits de l'homme en Afrique311(*), même si le système africain de protection des droits de l'homme est fondé, selon les articles 60 et 61 de la Charte africaine, sur l'application du droit international relatif aux droits de l'homme qui renvoie aux instruments internationaux dûment ratifiés par les Etats africains et aux autres textes régionaux africains. Selon ses « pères fondateurs », le système africain de protection des droits de l'homme devrait être non seulement en adéquation avec son environnement politique et socioculturel, mais il devrait aussi avoir une cohérence juridique qui découle d'une « conception globalisante des droits de l'homme »312(*) prescrivant l'équilibre entre les droits et les devoirs d'une part et l'individu et la communauté d'autre part.

En outre, ils pensaient à tort que l'Afrique devrait privilégier la conciliation au contentieux des droits de l'homme au motif que dans la conception africaine « les conflits sont tranchés non pas par une procédure contentieuse mais par la conciliation qui aboutit à un consensus et qui ne fait ni vainqueur ni vaincu »313(*). Perçu plutôt à l'origine comme « un nouvel ordre humanitaire régional en Afrique »314(*) que comme un système juridictionnel, le système africain est-il suffisamment effectif pour ceux dont les droits sont régulièrement violés et dont les mécanismes internes ne sont ni efficaces, ni disponibles ou impartiaux ?

A la lumière de ce qui précède, l'UA a enregistré un progrès normatif et institutionnel majeur par rapport à l'OUA. Son Acte constitutif a apporté un changement significatif majeur de doctrine en matière de promotion et de protection des droits de l'homme y compris en matière de paix et de sécurité dans le cadre régional africain. A noter également le rôle du Conseil de paix et de sécurité de l'UA mais aussi, l'instauration d'un régime de sanction par l'intervention de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour africaine de justice et des droits de l'hommes. Cette évolution normative et institutionnelle opérée par l'UA intègre les questions des droits de l'homme. Ainsi, le strict du principe de non-ingérence inscrit aux principes de la Charte a fait que l'ancienne Organisation régionale africaine a brillé par son absence dans le règlement des conflits en Afrique.

En se libérant donc des obstacles que posait avec rigueur la défunte OUA avec la non-ingérence dans les affaires intérieures de ses Etats membres, l'Afrique a quitté ses vieux habits et la nouvelle Organisation continentale (UA) se montre plus ambitieuse et résolu. Il faut noter que l'avènement de l'UA ouvre la voie pour la stabilité du continent. Et, on ne peut que se réjouir des actions entreprises par l'UA face aux graves violations des droits de l'homme au regard des avancées normatives et institutionnelles déjà mise en évidence dans le droit régional africain. Au-delà de ce facteur, nous pouvons comprendre et observer que quelques facteurs qui nuancent et anéantissent les mesures sérieuses prises par les organes de l'Union dans la lignée du mécanisme instauré par le système africain de promotion et de protection des droits de l'homme. C'est pourquoi, malgré ces avancées de l'UA, la question de l'effectivité des actions entreprise par les organes de contrôle rencontre quelques difficultés. Cela s'explique par l'influence des mesures politiques dans le domaine judiciaire africain mais aussi, l'impact de l'organe suprême et principal de l'UA qu'est la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement qui, constitue un véritable obstacle aux décisions de la Commission africaine. Bref, en dépit de ces insuffisances que révèle le mécanisme institué par le système africain de promotion et de protection des droits de l'homme. Les initiateurs de l'Union africaine sont allés plus loin, dans la perspective d'une meilleure protection des droits de l'homme, en consacrant le droit de l'Union d'intervenir dans un Etat membre sur décision de la conférence, dans certaines circonstances graves, telles que le génocide315(*).

Trente-deux (32) ans après l'entrée en vigueur de la Charte africaine et avec l'avènement d'une Cour africaine, il est légitime et opportun de s'interroger sur l'effectivité du système africain de protection des droits de l'homme316(*).  Son fonctionnement et ses résultats sont-ils efficaces pour attirer un grand nombre de justiciables et, face à la concurrence du système universel (comité des droits de l'homme, comité contre la torture, etc.), peut-il être privilégié par les victimes des violations des droits de l'homme en Afrique ? Ce système n'aurait-il que le mérite d'exister ou contribue-t-il à une amélioration substantielle des bonnes pratiques étatiques pour le renforcement de la démocratie, de la bonne gouvernance et de la sécurité humaine en Afrique ?

Force est donc de constater qu'il est difficile d'avouer que depuis son avènement, l'UA est restée sans rien faire pour lutter contre les graves violations aux droits de l'homme. Cependant, en dépit d'adopter des mesures pratiques d'ordre juridique permettant de lutter contre les graves violations par le biais des conflits armés, du terrorisme, des changements anticonstitutionnels de gouvernement, l'organisation panafricaine peine à assurer effectivement une meilleure protection des droits les plus fondamentaux de l'homme au niveau régional africain.

Ce discrédit est renforcé par le problème du financement de l'U.A. En 2011, un rapport du Senat français notait que sur un budget total de 250 millions de dollars, seuls 45 millions provenaient des Etats-membres. Le reste de l'argent provient en grande partie de l'Union européenne et d'Etats européens. Or, ces 45 millions eux-mêmes étaient versés par un club de cinq pays : le Nigeria, l'Afrique du Sud, la Libye, l'Egypte et l'Algérie317(*).

De même, à défaut de revenir sur la décision prise par les chefs d'Etat, il nous semble pertinent d'ambitionner une Cour aux compétences plus élargies qui prendrait en compte des situations de violations graves des droits de l'homme en Afrique. Une telle évolution est souhaitable pour peu que l'Union africaine place les droits de l'homme au coeur du panafricanisme, qu'elle prétend réaliser pour préserver les peuples africains des fléaux de la guerre, de la peur et de la misère.

En outre, les juridictions internes devraient participer à l'oeuvre de socialisation de la Charte africaine et des autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Au-delà des problèmes de formation et d'information des juges et des avocats, c'est une invitation à mettre la Charte au coeur des pratiques judiciaires et universitaires. Car les Etats africains ne peuvent se résoudre à ignorer leurs propres engagements internationaux et proclamations officielles318(*). Certes la priorité est accordée à la satisfaction des besoins essentiels des populations qui sont dans des conditions de pauvreté. Mais, il est quasiment impossible de sortir de la pauvreté sans une réelle jouissance des droits de l'homme garantis par une justice interne et internationale indépendante.

Dix-sept ans après sa fondation, tout semble indiquer qu'il est temps de réfléchir, de manière réaliste, au rôle que peut jouer cette institution et de la reformer de manière à ce qu'elle puisse assumer les tâches qui lui seront définies face aux graves violations des droits de l'homme.

* 311 TAVERNIER. P (éd), Recueil juridique des droits de l'homme en Afrique (1996-2000), Bruxelles, Bruylant, Collection du Crédo (vol.2), 2002.

* 312 YEMET V. E, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Paris, L'Harmattan, 1996, p.370

* 313 MBAYE. K., Les droits de l'homme en Afrique, 2ème édition, Paris, Pédone, 2002, p.28

* 314 OUGUERGOUZ. F, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Une approche juridique des droits de l'homme entre tradition et modernité, Paris, PUF, 1993, p. 393

* 315 Article 4 (h) de l'Acte constitutif de l'union Africaine.

* 316 KABA. S, L'avenir des droits de l'homme en Afrique au XXIe siècle, Dakar, Le nouvel Horizon, 1996 ; C.M. Eya Nchama, Développement et droits de l'homme en Afrique, Paris, Publisud, 1991 ; KABANGU T. M, « Les droits de l'homme en Afrique : énoncé, garanties et obligations », in : Les droits de l'homme à l'aube du XXIe siècle. Karel Vasak Amicorum Liber, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 633-654 ; R. Dégni-Ségui, Les droits de l'homme en Afrique francophone. Théories et réalités, Abidjan, CEDA, 2001, 343 p. ; KODJO E., « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », RUDH, vol.1, 1989, pp. 29-34 ; J. Fierens, « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », RTDH, vol.1, 1990, pp. 235-248.

* 317 http://www.slateafrique.com/81965/union-africaine-renaitre-mourir-jean-ping« Union Africaine : Renaitre ou mourir » en ligne 2012. Consulte le 29/03/2019 à 22h

* 318 BOUKONGOU J. D. & Maugenest D., (dir), Vers une société de droit en Afrique centrale, Yaoundé, PUCAC, 2001, p. 396

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault