L'Union Africaine face aux graves violations des droits de l'homme.par Paul Sékou YARADOUNO Université générale Lansana Conté Sonfonia-Conakry Guinée - Master droits de l'homme et droits humanitaires 2019 |
B - L'Affaiblissement du système judiciaireLa mise en oeuvre au sens large, qui inclut le respect, le contrôle du respect et la répression des violations est le point faible bien connu du droit international. Elle parait encore plus difficile en droit international des droits de l'homme car cette branche vise à protéger l'individu contre l'Etat, rapport par nature inégalitaire. En Afrique particulièrement, plusieurs obstacles juridiques, structurels et même politiques obstruent l'effectivité de la protection des droits de l'homme. Ils affectent tout aussi bien la Charte que ses mécanismes de sauvegarde et de contrôle qui sont, principalement, la Commission et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. Le système judiciaire africain connait du jour au lendemain un affaiblissement dans son fonctionnement et dans la mise en oeuvre des règles visant à protéger les éventuelles violations ou atteinte aux droits de l'homme au niveau régional africain à travers l'UA même. En effet, l'affaiblissement du système judiciaire africain est lié non seulement à une imprécision instaurée par le mécanisme de protection entre les compétences de la Cour et de celles de la Commission mais surtout à sa composition et à surtout l'insuffisance de fonds alloué à son budget de fonctionnement. Ainsi, nous remarquons que contrairement aux systèmes américain et européen de protection des droits de l'homme, celui régional africain n'a établi aucune précision entre d'une part la Cour et la Commission d'autre. D'où l'on parle des difficultés de cohabitation entre elles car, elles sont aux yeux de certains observateurs « antinomique ». En parlant de l'effectivité des compétences dévolues à la Commission, il s'avère juridiquement vrai que celle-là est engloutie par l'organe suprême de l'UA dans la mise en oeuvre du système judiciaire africain. Fonctionnant dans un environnement chargé d'une telle contrainte dont la pesanteur est imprimée par la pression de la conférence, la Commission ne peut disposer que des pouvoirs limités, sinon nuls, pour sanctionner les violations des droits de l'homme perpétrées par les Etats. Elle est de toute évidence, présidentialisée. Principalement créée dans l'optique de régler les conflits à l'amiable dans un souci de sauvegarde de la souveraineté de chaque Etat partie251(*), la Commission peine à condamner les Etats pour les violations des droits de l'homme, même les plus avérées. Le système repose sur la bonne foi de l'Etat reconnu coupable de violations des droits de l'homme qui devrait s'exécuter conformément à son engagement souverain à respecter les décisions des instances africaines : « L'absence d'un cadre de suivi et d'évaluation systématique de la mise en oeuvre des décisions, résolutions et recommandations par les Etats parties, rend impossible la réunion des données précises et exhaustives à ce sujet » affirme Germain Baricako, après une dizaine d'année à la tête du secrétariat de la Commission africaine252(*). Le Secrétariat de la Commission Africaine envoie des lettres de rappel aux Etats dont la violation des dispositions de la Charte a été établie, en leur demandant d'honorer leurs engagements au titre de l'article 1er de la Charte, qui veut qu'ils : « Reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et adoptent des mesures législatives ou autres pour les appliquer ». Les premières lettres sont envoyées immédiatement après l'adoption du Rapport annuel d'activités par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union Africaine et les autres sont envoyées le plus souvent possible. Il en va de même pour l'indemnisation des victimes, car c'est la législation de l'Etat défaillant qui est la norme (Communication 59/91, Affaire Embga Mekongo c Cameroun). Ce retour aux procédures internes déjà épuisées sans succès ne peut que susciter un désintérêt pour le système régional de protection des droits de l'homme en Afrique253(*). Ne serait-il pas opportun de désigner un rapporteur spécial chargé du suivi des décisions des instances régionales africaines en matière des droits de l'homme qui aurait le pouvoir d'offrir sa médiation entre l'Etat défaillant et la victime pour une bonne exécution de la décision ? Il arrive que la victime soit devenue réfugiée à l'étranger. Comment dès lors, croire à une réparation satisfaisante si l'Etat qu'il a fui l'empêche d'y retourner au moyen d'une intimidation voilée ? Certes, certaines recommandations de la Commission ont donné lieu à une exécution de bonne foi de la part de l'Etat défaillant, mais à quoi sert une décision pour un justiciable si rien ne permet de garantir véritablement son exécution ? Egalement, s'agissant de la Cour, les veuleries viennent à partir du moment où le Protocol relatif à la création de la Cour africaine ne ré-conceptualise pas et ne réorganise pas le système judiciaire africain de protection des droits de la personne. Celui-ci ne fait que rassemblé un contrôle judiciaire basé sur la Commission et la Conférence, sans jamais prévoir des règles de fond autorisant ou permettant d'assurer une complémentarité ou de toute évidence une harmonie entre les deux. D'une part rien n'est vraisemblablement prévu par le Protocole en ce qui concerne la répartition des compétences entre la Commission et la Cour, afin de dire en clair que celle-ci serait au sommet d'un système désormais judiciaire. D'autre part cette judiciarisassions trouve son principal handicap dans le fait que la Conférence, organe politique de l'Union, occupe toujours une place centrale pouvant concurrencer directement avec la Cour. Comme susmentionné, la Commission dispose de prérogatives dans le cadre de la Charte mais, le Protocole ne précise pas 254(*)comment ces dernières s'articulent avec celles de la Cour. Se contentant sur ce point de les renvoyer au Règlement intérieur de celle-ci. Il importe de comprendre qu'au-delà de ce que reflète le mécanisme mis en place par la Charte face à la protection des droits de l'homme dans le cadre de l'UA, figure en bonne place les délicatesses financières qui, obscurcissent également son efficacité. Cette insuffisance est de nature à influer sur la fiabilité des ressources humaine au sein des instances judiciaires et entache du coup les garanties d'un procès équitable surtout, en lien avec le personnel. La relation entre la Cour et la Commission africaine semble avoir eu raison des pronostics pessimistes des uns et des autres quant au tumulte qui pourrait précipiter le sort tragique de leur coexistence. Leur relation n'a pas été à l'image d'un long fleuve tranquille et elle est aujourd'hui l'une des causes d'affaiblissement du système mis en place et à cela s'ajoute l'insuffisance de moyens humains. * 251 La tendance qui a prévalu, lors de la rédaction de la Charte, avait écarté l'idée de la création d'une Cour au profit d'une Commission, au nom du respect des traditions juridiques africaines privilégiant la conciliation au règlement judiciaire. Voir Mutoy Mubiala, la Cour africaine, op. cit. * 252 BARICAKO. G, « La mise en oeuvre des décisions de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples par les autorités nationales », in J.-F. FLAUSS et ABDELGAWAD E. L, L'application nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ; Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 214. * 253 AMOAH. P, « The African Charter on Human and Peoples `Rights, an, Effective Weapon for Human Rights? », in Revue Africaine de Droit international et comparé, SADIC, 1992, p. 229. * 254 Protocole relatif à la création de la Cour africaine, art.8 |
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