L'Union Africaine face aux graves violations des droits de l'homme.par Paul Sékou YARADOUNO Université générale Lansana Conté Sonfonia-Conakry Guinée - Master droits de l'homme et droits humanitaires 2019 |
B - la portée du droit d'intervention de l'UALe droit d'intervention de l'Union implique au regard de ses manifestations, la responsabilité de protéger depuis l'apparition de l'expression « droit d'ingérence » sous la plume de Mario Béttati188(*) et de Kouchner189(*) en voulant s'opposer à la théorie archaïque de la souveraineté des Etats sacralisé en protection des massacres190(*), qui est d'ailleurs nécessairement l'un des éléments sur lequel le droit d'intervention de l'Union s'appuie malgré les imprécisions dans l'expression des conditions de mise en oeuvre dans le droit régional africain. En effet, l'assistance humanitaire impliquera à la fois un droit et un devoir. D'autant plus que dans les situations où l'intervention est possible, ne pas mourir et avoir la vie sauve est un droit indéniable et inhérent à chaque être humain. Dès lors, pour atteindre une unité sur les questions fondamentales de principes et de procédure relatifs aux droits de l'homme, KOFI ANNAN, alors Secrétaire général lançait à l'Assemblée générale des Nations Unies, en 1999 puis en 2000 « si l'intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible à la souveraineté, comment devons-nous réagir face à des situations comme celles dont nous avons été témoins au Rwanda ou à Srebrenica, devant des violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l'homme, qui vont à l'encontre de tous les principes sur lesquels est fondée notre condition d'êtres humains ? »191(*). Cet appel de l'ex Secrétaire général de l'ONU est d'une importance qu'il a engendré une prise de conscience collective pour protéger les droits les plus fondamentaux de l'homme bien que son implication est liée à la nécessité de concilier de part et d'autre le principe de souveraineté et l'intervention en cas de violation grave des droits de l'homme. Identiquement, pour un nombre observateur africains, le foisonnement des interventions depuis la consécration de cette intervention dans l'acte constitutif, témoigne d'une prise de conscience collective qui s'est en fin manifesté au niveau africain, alors que pour d'autres, c'est un phénomène menaçant l'ordre régional fondé sur la souveraineté des Etats et l'inviolabilité de leur territoire. En sus, le principe de souveraineté trouve son origine dans les fameux traités de Westphalie de 1648, dans lesquels les parties192(*) ont exprimé une reconnaissance mutuelle à l'orée de la guerre des trente ans, frontières, indépendance et ainsi souveraineté. Ce principe a donc été consacré à l'article 2§1 de la Charte des Nations Unies au lendemain de la seconde guerre mondiale comme étant l'un des points essentiels du système onusien193(*). Conscient donc de l'importance que revêt ce principe, l'UA se garde de le remettre en question. Bien au contraire, elle souligne son importance à l'article 4§1 de son Acte constitutif pour parvenir à l'instauration d'un système africain cohérent et pacifique face à la question des graves violations des droits de l'homme. Loin donc de l'unanimité autour de la notion, celle-ci a été rappelé dans l'une des décisions de la Cour internationale de justice. Ainsi, dans sa décision du 14 février 2002 relative au mandat d'arrêt international émis par un tribunal belge contre le ministre d'affaires étrangères de la République démocratique du Congo, la CIJ a reconnu, en vertu du droit international coutumier, le droit à l'immunité juridictionnel d'un ministre d'affaires extérieures en exercice. D'après la majorité, cette immunité existe malgré les nombreuses conventions internationales qui obligent aux Etats, le droit et le devoir d'étendre leur juridiction nationale afin de réprimer et de punir les crimes sérieux. Toujours selon la cour, ces textes ne portent atteinte en rien au droit coutumier accordant l'immunité aux ministres des affaires extérieures, pendant l'exercice car l'immunité est destinée à donner la possibilité aux Etats de poursuivre les relations internationales194(*). Ensuite, le « droit » ou le « devoir d'ingérence humanitaire »195(*) qui met en parallèle les humanistes caressant l'aspiration idéale de faire respecter partout les droits fondamentaux de l'homme et les juristes face à cette idée noble. La modification n'est donc pas simplement sémantique puisqu'en se rapportant à la responsabilité de protéger, l'on se place du point de vue de ceux qui demandent et nécessitent un soutien et non plus de ceux qui veulent intervenir. La responsabilité de protéger doit donc être assimilée comme un ensemble constitué de trois éléments : tout d'abord, le devoir de prévenir en cas de catastrophe humanitaires, ensuite de réagir à de telles catastrophes et pour terminer, celui de reconstruire surtout après une intervention militaire aux fins de protection humaine. Car, l'intervention peut certes revêtir le caractère militaire mais le terme humanitaire lui, désigne « l'action qui vise à préserver la vie dans le respect de la dignité, à restaurer dans leur capacité de choix des hommes qui en sont par les circonstances. Elle est mise en oeuvre pacifiquement et sans discrimination, en toute indépendance, neutralité et impartialité »196(*). C'est pour justement préserver cet acquis humanitaire que l'UA a fait du droit d'intervention l'un des principes sacro-saint de son champ et des raisons d'existence de son Conseil de paix et de sécurité pour limiter les violations graves et massives des droits de l'homme dans le cadre régional africain. C'est pourquoi, pour l'UA s'assigne un objectif extrêmement ambitieux en ayant dans son viseur le but d'endiguer les causes des conflits en Afrique car, à l'origine de ces crises les raisons sont souvent multiples et complexes et tout en distinguant les causes directes de celles profondes197(*). Celles-ci peuvent être liées à la pauvreté, la répression politique, le manque d'intégrité ou d'indépendance du pouvoir judiciaire, mais aussi à la corruption ou à l'absence d'institutions démocratiques. Pour donc atteindre une prévention efficace, l'UA envisage certains paramètres nécessaires : l'outillage préventif, l'alerte rapide et la volonté politique. En clair, les deux premiers dépendent nécessairement du troisième qui, reste toujours plus problématique, le problème réside non pas dans l'absence d'alerte rapide, mais dans l'absence de volonté politique de réagir rapidement. Etant une condition préalable à l'éventuelle inter ventions de l'UA malgré qu'elle ne peut empêcher un conflit ou une catastrophe, comme les autres aspects de la responsabilité de protéger elle incombe à l'Etat lui-même avant la communauté internationale. Ensuite, dès lors que les mesures préventives n'ont servi à améliorer la situation ni à éviter qu'elle ne détériore, la responsabilité de protéger suppose une obligation de réagir lorsque la protection humaine apparait comme une impérieuse nécessité198(*). Ce qui revient à dire que lorsque l'Etat ne veut ou ne peut redresser la situation, le devoir d'intervenir en prenant les mesures qui s'imposent reviendra à la communauté internationale. D'autant plus que ces mesures peuvent être politiques, économiques ou judiciaires et dans les situations extrêmes, elles peuvent prendre la forme d'une intervention militaire devant avoir pour but de mettre fin ou d'éviter « des pertes considérables en vies humaines, effectives ou appréhendées, qu'il y ait ou non intention génocidaire, qui résultent soit de l'action délibérée de l'Etat, soit de sa négligence ou de son incapacité à agir, soit encore d'une défaillance dont il est responsable ; ou un nettoyage ethnique à grande échelle, effectif ou appréhendé, qu'il soit perpétré par des tueries, l'expulsion forcée, la terreur ou le viol »199(*). A ces deux éléments caractéristiques, vient se greffer l'obligation de reconstruire assimilée comme une phase primordiale et aussi une stratégie post-intervention pour éviter que les préposés qui ont suscité l'intervention ne réapparaissent200(*). Par conséquent la consolidation de la paix à l'image du rapport onusien sur « les causses des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique »201(*) de 1998, l'UA a dans ses objectifs la consolidation de la paix dans chaque territoire des Etats membres ravagés d'une manière ou d'une autre par la violence, la guerre ou toutes formes crises qui, ont à un moment donné mis en branle les droits de l'homme. Pour être précis, la consolidation de la paix peut se faire de bien des manières ; le renforcement des institutions nationales, le désarmement des combattants, la surveillance des élections, le renforcement du système judiciaire. * 188 BETTATI. M, professeur de droit international public à l'Université Paris II. * 189 KOUCHNER. B, homme politique français, l'un des fondateurs de Médecins sans frontières. * 190 CORTEN. O, «Les ambiguïtés du droit d'ingérence humanitaire», Le Courrier de l'Unesco, Juin 1999 dans Association Internet pour la défense et la promotion des droits de l'homme, Le Forum des droits de l'homme, p. 1. Adresse URL [en ligne] : http://www.droitshumains. org/Forum/Ethique_01.htm. * 191 ANNAN. K., Nous les peuple. Le rôle des Nations Unies au XXIe siècle, Rapport du millénaire du Secrétaire général des Nations Unies, doc. ONU A/54/2000, § 217. * 192 Il s'agit de l'Espagne, des provinces-Unies, de l'empire germanique et de la France * 193Le système onusien est fondé sur le principe de légale souveraineté des Etats. Les corolaires sont les principes de non-intervention et de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats voir art.2§1 et 7 de la Charte * 194 La Cour a pris le soin de déclarer qu'il faut distinguer la question de compétence juridictionnelle nationale de la question d'immunité. L'immunité des ministres des affaires extérieures en office ne veut pas dire l'impunité ; l'immunité est limitée. Notamment, elle peut être levée si le ministre est poursuivi devant les tribunaux de son pays, si l'État renonce à l'immunité, si le ministre ne bénéficie pas de l'immunité après son terme d'office, ou si le ministre est traduit devant un tribunal international ayant la compétence requise. * 195 KOUCHNER. B, le malheur des autres, Odile. J, Paris, 1991, BETTATI. M « Un droit d'ingérence ? », RGDIP, 1991 * 196 BRAUMAN.R, ancien président de médecins sans frontières- France, cité par RENAUD J., in : Militaires, Humanitaires, à chacun son rôle, complexe, Bruxelles, 2002 p.17. * 197 Pour plus de détails sur la distinction entre les causes directes et les causes profondes, voir le rapport de la commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats note 2, § 3-19 ss. * 198 Ibid., § 4.1 * 199 Ibid. pp. 4-19 * 200 Ibid. note 2, §. 5-3 * 201 Rapport du secrétaire général des Nations Unies sur les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique, doc. ONU A/52/871/S/1998/318 (1998). |
|