D. La vulnérabilité des employés de
maison
Les travailleuses domestiques sont vulnérables en ce
sens qu'elles sont entre l'enclume d'une réglementation qui peine
à leur forger un statut véritable dans l'univers des travailleurs
et le marteau du diktat des employeurs qui retardent encore leur aspiration
à gagner leur vie avec dignité. Cette situation découle de
la conjonction de plusieurs facteurs notamment leur situation de femmes
(filles) migrantes issues du milieu rural, analphabètes ou
déscolarisées dont l'unique espoir reste le louage de leur
savoir-faire et leur savoir-être dans un marché du travail
saturé, très ouvert car n'exigeant pas de qualification
poussée, d'autant moins que c'est « un travail de femme
42». Cette vulnérabilité est accentuée par
l'absence de leurs parents biologiques surtout chez les plus jeunes, et
l'absence de réseaux de soutien à même de faire un lobbying
à leur faveur, donc elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes.
La non prise en compte du travail domestique dans beaucoup de pays, le fait
qu'il ne peut pas encore se départir d'une dimension servile qui avait
prévalu à une certaine époque, l'absence de protection
sociale, bref tout ces « déficits de droits » sont liés
à une question de genre : les femmes étant toujours victimes de
discriminations nonobstant les campagnes tapageuses pour l'émancipation
et la parité. On avait évoqué l'isolement, la
dépendance et le cloisonnement qui caractérisent
l'activité domestique qui font de ces travailleuses des proies faciles
face à des employeurs malintentionnés en ce qui concerne des abus
physiques, psychologiques, sexuels ou moraux. Le journal,
Walf'Grand-place43 est revenu sur l'affaire
opposant une domestique à son employeur, polygame vivant seul à
Ouest-Foire, qu'elle a accusé de viol. Ce dernier l'avait trouvée
au rond-point Liberté 6 et ils étaient tombés d'accord sur
un salaire de 30.000 FCFA. Le plus grave c'est que ce monsieur est un
récidiviste puisqu'il avait été condamné à
six mois de prison ferme en septembre 2008 pour une accusation de viol sur une
domestique. Dans cette seconde affaire, il a expliqué que
c'étaient des rapports consentants pour flouer le tribunal. Des
scandales pareils ne sont pas rares au niveau des familles employeuses mais
l'on opte souvent pour le règlement à l'amiable ou la
dénégation, ce qui rend la fourniture de preuve très ardue
pour les victimes qui finissent par ne plus se perdre
42 Travail domestique des enfants en Ouganda,
Tanzanie, Zambie et au Kenya, op cit p. 71
43 Walf'Grand-place, N° 1015, vendredi 24 avril
2009
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
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dans les dédales de la justice. C'est dire que quand
une affaire s'ébruite, il y'en a des dizaines tues. Ainsi, il faudrait
nécessairement qu'une structure d'assistance judiciaire soit mise en
place pour que de tels abus cessent.
Ce n'est donc pas un hasard si l'on constate au niveau des
domestiques une proportion élevée de
mère-célibataires, de grossesses précoces et une forte
propension à l'infanticide voire l'avortement clandestin car un enfant
sur le dos ne rime pas avec un bon rendement dans le travail, si l'on se met
à la place de l'employeur. Celles qui, malgré tout, trouvent du
travail doivent se contenter d'un salaire dévalué.
Peut-être qu'une éducation à la santé de la
reproduction, sur la prévention du VIH serait tout à fait
indiquée pour cette cible pour éviter ces déboires.
A coté des conditions de travail peu enviables, il faut
souligner que les conditions de vie sont aussi déplorables. Plus de 3/4
des travailleuses domestiques logent par groupe de 11 personnes, en moyenne.
Elles s'entassent dans des pièces mal aérées sommairement
équipées, loin de sanitaires, sans accès directe à
l'eau courante, dans des quartiers mal famés, puisque ce sont les seules
habitations à portée de leurs maigres avoirs. C'est pourquoi
beaucoup préfèrent habiter chez l'employeur, ce qui leur permet
de faire des économies sur le transport, le loyer et la nourriture,
même si le travail n'y connaît pas de répit.
En outre, s''il est vrai que le harcèlement sexuel est
courant dans le monde fermé du travail domestique, il ne faudrait pas
toujours jeter l'anathème sur les employeurs, car il existe de filles,
une minorité je présume, qui sèment le trouble dans de
paisibles ménages par des pratiques moralement détestables, si
l'on en croit aux dires de Tata Michelle, une intermédiaire qui a pignon
sur rue au rond-point Liberté 6. Cela nous emmène à nous
interroger sur la connaissance des prescriptions légales incombant aux
deux parties.
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