III. La rémunération
A. Des salaires en hausse ?
La rémunération que l'employeur consent à
verser dépend de plusieurs facteurs dont les plus
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essentiels sont : « le statut social du travail
domestique, l'âge, le sexe, la situation matrimoniale, la
résistance à l'effort (la corpulence), l'expérience...
mais c'est également, à travers les coutumes, les normes
sociales, les pressions des groupes sociaux que nous arrivons à
comprendre la formation des prix22 ». La cartographie des
rémunérations, en fonction de la structure des quartiers qui est
un élément important de la recherche de travail, fait
apparaître des zones à risque où les conflits sont
susceptibles de subvenir pour défaut de versement ou versement
irrégulier du salaire. C'est le cas de certains quartiers populaires et
périphériques durement affectés par la
désindustrialisation, avec ses conséquences en termes de perte
d'emploi et de diminution du pouvoir d'achat qui fait que certains engagements
ne peuvent être tenus que difficilement. Car, mieux vaut le dire toute
suite, toutes les familles qui font appel à une main-d'oeuvre domestique
salariée n'en n'ont pas toujours les moyens. Ce facteur
économique, conjugué à une mauvaise volonté, est la
cause directe des retards et du fractionnement du salaire que certaines de nos
interlocutrices ont déploré, et dont ils n'ont pas beaucoup
d'emprise, en raison de l'importance de l'offre dans cette branche dont nous
avons parlé dans les développements précédents.
Les entretiens ont montré que les salaires ont subi une
hausse face à la cherté de la vie mais ils ne se
présentent pas de manière homogène, mais prennent en
compte les déterminants salariaux mentionnés plus haut. Ils se
présentent comme suit au niveau de Dakar- ville :
? 20 000 F CFA pour les petites filles de 15, 16 et 17 ans.
? 30 000, 35 000, 40 000 avec un plafond de 60 000 F CFA pour
les plus expérimentées ayant donc une certaine ancienneté
incluant le transport et les repas pour un travail important comme par exemple
le ménage d'une maison à étage du rez de chaussée
en haut quotidiennement. Il a été même noté des
contrats de 65 000 F CFA, certes rarissimes, pour des conditions de travail
analogue.
Peuvent être considérés comme
complément du salaire les avantages en nature dont l'employé
bénéficie le plus souvent gratuitement de son employeur tels que
: le repas du soir, l'utilisation de certains de ses biens, à savoir :
savon, eau, les repas servis à celles qui passent la nuit et le logement
etc. Par rapport à cette rémunération
complémentaire, il faut noter que rares sont les
22 Gassama A., Les marchés du travail
domestique au Sénégal, p. 171-184
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employeurs qui font des retenues à ce titre, même
s'ils arrivent dans certains cas que le petit-déjeuner ne soit pas
fourni, ou qu'il soit en quantité insuffisante.
D'après les entretiens, le règlement des
salaires est un vrai casse-tête pour les employés de maison. Si au
niveau des zones résidentielles, les salaires tombent au plus tard le 5
du mois de travail, tel n'est pas le cas dans les quartiers populaires.
Malgré le fait qu'on n'y trouve les salaires les plus modiques, ceux-ci
sont payés souvent avec retard et de manière fractionnelle. Les
retards atteignent parfois 3 à 4 mois. Dans ce cas, il faut
l'intervention du courtier, d'un parent pour que l'employeur s'exécute,
c'est souvent le cas à la veille du retour au village. Les moins
chanceuses qui ne peuvent pas grand-chose devant l'incurie de leur employeur se
remettent à Dieu. C'est le cas d'une fille rencontrée à
Liberté 6 qui a déclaré avoir travaillé pendant un
an moyennant un salaire de 50 000 CFA pour un couple. Malheureusement, elle n'a
été payée qu'une fois en plus d'une avance de 15 000 CFA.
Elle est restée pendant tout ce temps « par dignité »
selon elle. La dame prétextait le fait que son mari, un ancien maire
fût déchu. Elle court toujours pour recouvrer les 150 000 FCA
qu'on lui doit.
Généralement, ce sont les femmes qui
gèrent les employés de maison depuis l'embauche. Elles
négocient le salaire, fixent les tâches à faire et
naturellement versent les salaires que le mari leur donne. C'est ce qui
explique souvent le reproche qu'on leur fait de détourner la paie
à d'autres fins, de verser le salaire de manière
fractionnée souvent à l'insu du mari. Les hommes sont
censés être de meilleurs employeurs que leurs compagnes et les cas
de retard de salaire sont rares avec eux.
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