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Le temps dans la justice pénale au Togo.


par Solim Aimée SONDOU
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2018
  

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B. Le disfonctionnement lié aux personnels judiciaires et à leurs conditions de travail

Toutes les juridictions pénales sont confrontées au problème de la lenteur qui est partiellement due au disfonctionnement lié aux personnels judiciaires et à leurs conditions de travail.

S'agissant du disfonctionnement lié aux personnels judiciaires, il est question à titre principal des magistrats, et de leurs collaborateurs. Relativement aux magistrats, d'abord la lenteur de la justice pénale est souvent due à la non élucidation de certaines affaires. C'est précisément le cas de l'affaire de monsieur Atsutsè AGBOBLI (historien, politologue, journaliste, ancien ministre et président du MODENA, un parti politique de l'opposition), qui avait été retrouvé mort à la plage de Lomé102.

Ensuite, la rétention d'informations et le refus obstiné de certains Procureurs de la République de donner suite à des plaintes qui portent sur une même affaire. Il s'agit à titre illustratif du Procureur de la République près du Tribunal de Première Instance de Lomé Monsieur Essolisam POYODI qui refusent de donner suite aux nombreuses plaintes relatives aux mauvais traitements infligés à un paraplégique103.

En outre, certaines juridictions inférieures refusent d'exécuter les décisions rendues par les instances supérieures. En exemple, dans l'affaire AGBA Bertin, le juge du 4ème cabinet d'instruction s'est refusé d'exécuter la décision de la chambre judiciaire de la Cour suprême aux motifs que : «Attendu que la Cour suprême dans son arrêt en cassant partiellement l'arrêt de la Chambre d'Accusation a prononcé deux décisions qui revenaient au procureur Général d'appliquer : Procéder à la mise en liberté provisoire de l'inculpé Sow Bertin AGBA contre payement d'une caution de 150.000.000F CFA ; Auditionner et confronter les parties ; Qu'il apparaît indéniable que toute confrontation après que l'inculpé en détention ait été mis en liberté est inutile du fait des connivences et subornations susceptibles de se faire ; Que c'est pourquoi en toute logique le Procureur Général a fait retour au Juge d'instruction afin que ces actes indispensasbles soient pris avant toute libération ; Que le non accomplissement à ce jour de ces auditions et confrontations est le fait des conseils des personnes mise en cause qui, par des alchimies procédurales bloquent l'avancée de l'information »104.

Enfin, le refus de la justice d'exécuter un arrêt rendu par une juridiction communautaire. Il s'agit à titre indicatif de l'arrêt rendu par la Cour de Justice de la CEDEAO dans l'affaire d'escroquerie internationale. En effet, La Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO), saisit par les avocats de l'ancien ministre Pascal

102 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Togo, Op cit, p.32.

103 Abbé Faria, Liberté n°2871 du lundi 04 mars 2019.

104 Ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté provisoire (28 septembre 2012), Juge d'instruction du 4ème cabinet du Tribunal de 1ère instance de Première Classe de Lomé.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 28

Akoussoulèlou BODJONA, avait le 24 avril 2015 rendu un arrêt qui a souligné le caractère « illégal de sa détention ». Elle a par ailleurs recommandé à la justice togolaise de procéder à la libération ou au jugement de M. Pascal BODJONA. Dans le prolongement de la même décision de justice, le Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et Amnesty International avaient réitéré les recommandations de la Cour de justice sous régionale.

D'autre part, excepté le manque de magistrats, il faut noter que la lenteur est également imputable aux greffiers et des secrétaires de parquet. En effet, il est difficile d'obtenir des décisions rendues puisque très souvent, ceux-ci conditionnent la délivrance des copies de décision de justice à exécuter au versement de pourboires. Ce qui constitue en fait une corruption. Pourtant ils estiment que cela est dû à la pénurie du matériel de travail et de personnel judiciaire.

La lenteur de la justice pénale est due à un contrôle très insuffisant du personnel judicaire. En effet, peu de contrôle sont effectués dans le système judiciaire pénal togolais. Il s'agit du contrôle des magistrats, des greffiers et même de la police judiciaire. Le nombre très insuffisant des inspecteurs au Togo n'est pas de nature à rassurer. Ceci au regard de la quantité des tâches qui leur incombent.

Le non-respect des délais pénaux est un véritable obstacle à la célérité de la justice pénale. Le non-respect de la procédure d'instruction rend ladite procédure lourde et cause sa lenteur. Il en est ainsi du manque de diligence dans l'envoi des dossiers après la clôture de l'information et la prise de réquisitions écrites par le Procureur Général. La lenteur imputable au juge d'instruction procède des circonstances externes. En exemple, les dénonciations calomnieuses, l'absence de délivrance de mandat de justice et la lenteur du Procureur de la République dans l'accomplissement de certaines formalités nécessaires à la suite de la procédure pénale105. Le Ministère Public est donc auteur de la lenteur de l'instruction lorsque le temps imparti pour la qualification des faits se révèle trop long.

La réglementation de la garde à vue par les articles 52106 et suivants du Code de procédure pénale, a du mal à être respecté dans la pratique. En effet, il est constant qu'au Togo, les Officiers de Police Judiciaire (OPJ) ont l'habitude d'outrepasser largement le délai réglementaire de la garde à vue avant de déferrer la personne mise en cause devant le Procureur de la République. Cette situation constitue la violation de l'article 9 alinéa 4

105 YAKE (P. B. A.), ibidem

106Voir supra, bas de page 72, p. 17.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 29

PIDCP107. Le respect des délais de la garde à vue souffre d'un triple mal : primo, il faut relever l'absence d'information du parquet par les OPJ ; cette situation justifie le fait que les mesures de garde à vue échappent totalement au contrôle du ministère public108. Secundo, il faut noter la violation des principes de l'indépendance de la justice pénale à cause de la constante « ingérence de la hiérarchie policière, militaire, politique et administrative, qui complique le travail des OPJ dans la mesure où ceux-ci sont parfois soumis à des pressions ou reçoivent des ordres et instructions contradictoires donnés, soit par le parquet, soit par leurs supérieurs hiérarchiques »109. Tertio, il faut dire que malgré la ratification du PIDCP par l'Etat Togolais, la violation de son article 11110 continue en raison des détentions pour dettes qui sont toujours courantes dans certaines brigades et certains postes de police111.

Au Togo la violation permanente des règles de la détention préventive est quasi récurrente. En effet, étant une mesure exceptionnelle112, lorsque la détention préventive est ordonnée certaines règles doivent être observées113. Malheureusement, l'irrespect de ces règles aussi bien en matière correctionnelle que criminelle, fait perdurer la procédure pénale114.

Les conditions de travail du personnel judiciaire se rapportent, tant à l'exercice de leur profession qu'à leur situation financière. Primo, il faut relever que les conditions d'exercice des magistrats togolais sont particulièrement difficiles puisqu'ils exercent le plus souvent dans des locaux pas assez propices. En effet, malgré la modernisation de la justice togolaise entamée, il est constant que certains tribunaux rencontrent d'importantes difficultés matérielles et financières pour assurer une justice rapide, efficace et accessible à tous les citoyens. Sur le plan matériel, « on relève l'insuffisance et l'inadaptation des infrastructures dans certaines juridictions du système judiciaire. Ce phénomène est beaucoup plus visible au niveau de la police judiciaire de même que dans des brigades de gendarmerie et des postes de police »115. En dépit des palais de justices construit à Atakpamé et à Sokodé, les Cours d'Appel de Lomé et Kara et la rénovation du tribunal de première instance de première classe de Lomé, on note l'absence de palais de justice ou de locaux adéquats pouvant loger les services administratifs judiciaires et de salles d'audiences adéquates puisque ces juridictions sont abritées par des bâtiments de location qui ne répondent aucunement aux exigences d'un palais de justice moderne. Les équipements sont primordiaux pour un bon fonctionnement de

107 «Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

108 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Togo, Op cit, p. 27

109 Idem

110 Article 11 : «Nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu'il n'est pas en mesure d'exécuter une obligation contractuelle».

111 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Togo, Op cit, p. 27 112Art. 112 CPPT

113 Articles 113-124 CPPT

114 Supra, p.19 ;

115 Idem, p. 37.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 30

la justice, or force est de constater que la justice pénale togolaise fonctionne dans un état de pénurie. A cet effet, à la liste d'insuffisances relevée plus haut il faut ajouter le manque de connexions internet dans la plupart des juridictions. Cette carence limite l'utilisation de la documentation juridique (textes de loi, recueils de jurisprudence) en format numérique.

Secundo, la situation financière du personnel judiciaire n'est pas tout à fait satisfaisante. En effet, même si le salaire des magistrats a été augmenté116, il ne répond pas aux besoins de plus d'un. C'est d'ailleurs ce qui justifie leur grève de 04 jours du 12 au 15 juin 2018, pour réclamer notamment la conversion des trente (30) mille FCFA que le gouvernement avait accordé aux employés émargeant sur le budget de l'Etat, en points d'indice et des meilleures conditions de vie et de travail. Pendant le débrayage, les audiences correctionnelles et les actes d'instructions étaient suspendues ; de même que les audiences civiles, commerciales, administratives. Ce qui porte un véritable coup à la justice pénale et à la justice dans son ensemble déjà minée par la lenteur. La situation financière des greffiers n'a connu aucune évolue notable jusqu'à ce jour ; ce qui justifie les constantes grèves relevant de leur corporation. Cette situation financière des magistrats et surtout des greffiers n'est pas de nature à leur permettre d'avoir un niveau de vie décent. Ce qui constitue d'ailleurs une réelle démotivation pour eux et l'une des causes principales de leur vulnérabilité à la corruption. En effet, la corruption gangrène la justice togolaise117 et tend à lui enlever sa valeur éthique, voire son sens de troisième pouvoir dans l'Etat comme disait Montesquieu. Ce phénomène de la corruption résulte aussi de l'étroite dépendance de certains magistrats du pouvoir exécutif et législatif et du phénomène des intermédiaires de justice.

A l'instar des pesanteurs internes, la justice pénale est également confrontée aux obstacles externes.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984