Le temps dans la justice pénale au Togo.par Solim Aimée SONDOU Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2018 |
§.2- L'aménagement des règles de la prescription des peinesLa prescription étant la règle, il est nécessaire pour lui concéder sa modernité que le législateur tient véritablement compte de toutes les mesures qui accompagnent une peine et qu'elle ne peut emporter (B) sans toutefois oublier de référencer l'imprescriptibilité des peines les plus graves en droit pénal togolais (A). A- L'imprescriptibilité des peines les plus gravesLes crimes les plus graves sont : le crime de génocide349, les crimes de guerre350 les crimes contre l'humanité351 et le crime d'apartheid352. Ces crimes sont rendus imprescriptibles par le législateur togolais353. En parlant d'imprescriptibilité, le législateur évoque les poursuites. L'imprescriptibilité en question se fonde sur le caractère particulièrement odieux des actes commis par leur auteur. Toutefois, l'imprescriptibilité des infractions porte aussi bien sur les poursuites que les peines354. Cependant, qu'est-ce que l'imprescriptibilité des peines prononcées contre les crimes les plus graves ? C'est le défi auquel, le législateur doit relever. Il est temps pour le législateur de formaliser expressément l'imprescriptibilité des peines prononcées contre les crimes les plus graves dans le Code de Procédure Pénale puisque, actuellement, il ne s'agit que d'une imprescriptibilité de fait. En légalisant l'imprescriptibilité de ces infractions, il sera au diapason des conventions internationales et de son homologue français qui a déjà rendu imprescriptibles les peines prononcées pour les crimes contre l'humanité355. Cependant, il est important de chercher à connaitre la définition de l'imprescriptibilité des peines. En effet, l'imprescriptibilité des peines signifie que la sanction pénale peut être exécutée aussi longtemps que vit le criminel. 349Article 143 CPT 350Article 145 CPT 351Article 149 CPT 352Article 152 CPT 353 Article 164 CPT 354Conv. des Nations Unies, art. IV ; conv. du Conseil de l'Europe, art. 1er 355Art. 211-1 à 212-3CPF . SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 90 De manière générale, l'imprescriptibilité veut dire ce qui n'est pas soumis à la prescription. C'est le « Terme de droit signifiant qui n'est pas susceptible de prescription [...], c'est-à-dire que n'atteint ou n'altère aucune condition de temps ou de lieu »356. On peut expliquer l'imprescriptibilité par des motifs partielle à en croire Christophe HUBERT en se basant sur deux pistes : d'une part, selon lui, pour DURKHEIM, les règles pénales ne sont que le reflet en négatif des valeurs d'une société humaine puisque le droit pénal a pour vocation de réprimer les actes qui ont un effet nuisible ou préjudiciable à ces valeurs qui sont collectives357. D'autre part, Pierre LEGENDRE attristé par exemple par le crime contre l'humanité révèle qu'il relève de l'indicible358. Avec l'imprescriptibilité des peines prononcées contre les crimes les plus graves, il n'y aura ni point de départ ni point d'arriver puisque ces deux notions ne sont applicable qu'à la prescription afin de pouvoir calculer le délai requis soit pour l'exercice de l'action publique soit pour l'exécution de la peines prononcées par le juge. Consacrer l'imprescriptibilité des peines veut dire qu'aucun oubli ni pardon ne devra être tolérée à l'antipode de la prescription. C'est dans ce sens que c'était inscrit Francis RICHARD lorsqu'il écrivait que « L'imprescriptibilité me semble donc caractéristique de notre époque : pas d'oubli, pas de pardon, donc, également, pas de rédemption possible, pas de miséricorde, qui semblent réservées au seul Tout-Puissant et à l'Au-delà »359. Il est clair que grâce à l'imprescriptibilité, les peines prononcées contre les crimes graves peuvent être exécutées sans être paralysées par le seul écoulement du temps. Ce qi veut dire qu'ils ne sont donc pas soumis à la prescription extinctive360. Au regard de leur caractères odieux, les peines encourues par les auteurs des crimes les plus graves ne peuvent en aucun cas s'éteindre par le seul écoulement du temps. C'est à juste titre que MERTENS affirmait qu'« On ne conçoit pas d'application de la 'loi de l'oubli' pour des crimes qui ont été perpétrés contre la communauté des nations et l'humanité en tant que telles. Ces crimes sont imprescriptibles par nature »361. On ne saura parler de la prescription des peines sans pour autant intercéder pour une précision 356CALVO (Ch.), Dictionnaire de droit international public et privé, Paris/Berlin, Pédone, Guillaumin Rousseau/Puttkammer&Mühl-brecht, 1885, tome I, p. 387. 357HUBERT (C.), « Le temps de l'imprescriptibilité », Revue Juridique de l'Ouest, 202, p.342. 358LEGENDRE (P.), Le désir politique de Dieu (Leçon VII) et le crime du caporal Lortie (Lecon VIII), Edition FAYARD 1988 et 1989. 359 RICHARD (F.), « L'imprescriptibilité en matière pénale ne devrait pas exister », www.francisrichard.net,26 novembre 2008. 360 LA ROSA (A.-M.), Imprescriptible, Dictionnaire de droit international pénal, p.50 361 MERTENS (P.), L'imprescriptibilité des crimes de guerre et contre l'humanité. Ed. de l'Université de Bruxelles, 1974, p. 226. SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 91 claire de l'absence d'effet de la prescription des peines sur certaines mesures qui accompagnent les peines. |
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