WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

PCA et crise sanitaire


par Mathieu Giusiano
Université Aix-Marseille  - Master Qualité et Gestion des Risques 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

SECTION 2

55

Démarche empirique et résolutions managériales

I. Analyse de terrain : le défi de l'application du PCA dans le cadre

56

de la crise sanitaire de la COVID-19

A. La crise sanitaire de la COVID-19

La crise sanitaire du COVID-19 a pu être un sujet d'étude afin d'apprécier l'applicabilité d'un PCA en temps de crise sanitaire. Il convient néanmoins de définir le contexte d'étude de cette pandémie.

Le 31 décembre 2019, la Commission sanitaire de Wuhan, une ville chinoise d'environ 10 millions d'habitants, signale un groupe de personne atteintes de pneumonie. Quelques jours plus tard, le 11 janvier 2020, la Chine communique publiquement la séquence génétique du virus COVID-19. Le virus correspond à un syndrome respiratoire aigu sévère (Sras). Rapidement, le phénomène prend de l'ampleur, des cas sont détectés dans les pays frontaliers à la Chine. Pour prévenir l'épidémie, le ministère de la santé en France alerte les ARS avec comme objectif d'« assurer la réponse opérationnelle aux urgences sanitaires grâce à une équipe de médecins, de pharmaciens, d'ingénieurs spécialisés en santé publique et de gestionnaires de crise ». Le 20 janvier 2020, le pneumologue Zhong Nanshan, responsable de la découverte du virus, révèle que ce dernier est transmissible entre les humains. Dès le lendemain, l'ensemble des habitants de la région du Hubei en Chine, soit plus de 50 millions d'habitants, sont placés en confinement afin d'enrayer la propagation de l'épidémie. C'est le 30 janvier 2020, soit plus d'un mois après la détection du premier patient touché par le virus que l'Organisation Mondiale de la Santé qualifie l'épidémie d'urgence sanitaire publique. Cela signifie que la situation sanitaire met en péril la santé de la population et à ce titre, des mesures exceptionnelles peuvent être prises. Des évènements de foules telles que le rassemblement religieux qui s'est tenu à Mulhouse le 15 février 2020 ou encore le match de football opposant l'Atalanta et Valence sont perçus comme des « bombes biologiques », véritables vecteurs favorisant la propagation du virus. La revue Science déclare par le biais de spécialistes, que le virus est inarrêtable et la pandémie inévitable. Début mars on compte plus de 100 000 contaminés selon l'OMS. Pour se prémunir, les pays ferment leurs frontières, le 9 mars la population italienne se voit confinée et la France la rejoint quelques jours plus tard, le 17 mars. Dans son discours le président français Emmanuel Macron aura répété six fois « nous sommes en guerres ». Dans le même temps l'Europe devient le nouveau foyer principal de la pandémie. Puis ce sera au tour des Etats-Unis

57

d'être touché par le virus. En réponse à cela, le président américain Donal Trump remet en cause l'OMS déclarant qu'elle s'est « complètement plantée ». Pour appuyer sa déclaration, les Etats-Unis ont déclenché début juillet 2020 la procédure de retrait de l'OMS qui sera effective le 6 juillet 2021. Fin juillet, on compte plus de 600 000 décès pour un total de 15 millions de personnes infectés par le virus1.

Bien que la pandémie de la COVID-19 ait une ampleur mondiale et que de nombreux scientifiques se penchent sur le sujet, de grandes zones d'ombres persistent encore. Sur son origine tout d'abord, les recherches suggèrent que le virus proviendrait de chauves-souris mais on ne sait pas encore par quel moyen il a atteint l'homme. On ne sait pas non plus comment se transmet le virus entre les humains, combien de temps il perdure sur différentes surfaces, mais également sa sévérité. Plusieurs études ont cherché à comprendre pourquoi le virus pouvait être particulièrement virulent chez un individu mais anodin pour un autre. Il est néanmoins apparu qu'il est possible de mettre en relation l'âge avancé d'un patient et le risque de mortalité. Une étude britannique parue dans la revue médicale « The Lancet » a démontré que la COVID-19 est particulièrement redoutable pour les personnes de plus de 60 ans avec un taux de mortalité de 6,4% dont un taux de mortalité de 13,4% pour les personnes de plus de 80 ans. Pour les moins de 60 ans, le taux de mortalité ne serait que de 0.32%. Enfin, ce qui rend la maitrise de la pandémie délicate c'est qu'aucune prescription médicale efficace n'est connue encore à ce jour. L'office fédéral de la santé publique en Suisse écrit sur son site qu' « à ce jour, il n'existe aucun traitement spécifique contre les infections dues aux coronavirus. Les possibilités thérapeutiques se limitent à traiter les symptômes ».

Que ce soit en raison de la rapide propagation de la pandémie et la méconnaissance sur le virus en lui-même, les mesures exceptionnelles prises pour préserver l'état de santé des populations a engendré un véritable ralentissement économique. Les mesures de confinement prises dans de nombreux pays dans le monde provoque des conséquences économiques de grandes ampleurs. La Banque Centrale Européenne estime que le Produit Intérieur Brut de l'Union Européen devrait chuter de 7,4% dans l'année 2020. Les pays les plus touchés tels que l'Espagne et l'Italie pourrait connaître une récession de plus de 9%. Ce constat s'apparente d'un fort taux de chômage. Aux Etats-Unis, le nombre de demandeurs d'emploi a fait un bond de 3 millions de personnes en quelques semaines.

1 Etude Statista.com ; 23 juillet 2020

58

A partir de ces différents éléments, il semble pertinent de se demander si l'application d'un PCA dans une entreprise permet de minimiser les conséquences d'une crise sanitaire telle que celle de la COVID-19. En effet, son élaboration pourrait-il de maintenir les activités critiques de l'organisation en préservant l'état de santé des salariés, assurer sa pérennité et faire face à la crise. Pour étudier cela, nous avons réalisé des entretiens semi directifs dont nous allons faire état.

B. Méthode utilisée : les entretiens semi directifs

1. Choix de la méthode

Nous avons constaté précédemment que la crise de la COVID-19, bien qu'elle ait touchée l'ensemble de la population en raison des mesures drastiques prises par le gouvernement, a pu être perçue et vécue différemment selon les individus. Il est en de même pour les entreprises en France. A ce titre, on suppose que la mise en application du PCA en réponse à la crise sanitaire que nous traversons peut varier selon les organisations. Pour ces raisons et afin de cerner véritablement les enjeux de l'élaboration d'un PCA nous avons choisi d'interviewer des personnes travaillant dans différents secteurs d'activité.

Il existe de nombreux types de collecte d'information tels que l'observation directe, l'analyse de documents, les questionnaires ou encore les entretiens. Dans le cadre de nos travaux nous avons opté pour la réalisation d'entretien pour plusieurs raisons. Tout d'abord nous souhaitions avoir des réponses détaillées quant à l'élaboration du PCA au sein des entreprises des répondants. A ce titre, les entretiens semblent être la forme de collecte d'informations la plus pertinente. En effet, il permet la formulation de questions qui n'étaient initialement pas prévues dans le guide d'entretien. Par ailleurs, outre les informations communiquées explicitement, l'entretien facilite la compréhension et la dimension des réponses grâce à l'attitude des répondants, leur comportement lors de la formulation des questions. Autrement dit, l'entretien semi-directif permet la collecte d'informations orale de manière qualitative et, contrairement à un entretien non directif, est suffisamment structuré pour pouvoir le cadrer. La réalisation d'un guide a ainsi pu servir de fil rouge lors des entretiens. Il a permis de définir selon un certain ordre les thèmes abordés mais a également été amené à évoluer lors de la réalisation des entretiens.

59

Nous avons ainsi pris contact avec trois entreprises de secteurs économiques différents dont l'activité était impactée à différents niveaux par la crise. La première, Sodexo, société française de sous-traitance de service assure des prestations diverses principalement des services de restauration et de maintenance technique. Au sein de cette entreprise, nous avons eu l'opportunité de réaliser un entretien avec le facility manager du site des Pennes Mirabeau. Sa mission consiste à prendre en charge l'ensemble des services liés à la gestion des prestations du client Coca Cola et notamment celles concernant la restauration et la sécurité. Il nous semblait intéressant d'analyser comment une multinationale telle que Sodexo, l'un des plus gros fournisseurs mondiaux de services de restauration collective au capital de 15 milliards d'euros et coté à la Bourse de Paris depuis 1983 a appréhendé la crise sanitaire de la COVID-19 et comment l'entreprise a déployé son PCA au niveau local.

Le deuxième entretien s'est effectué auprès de l'Etablissement Français du Sang (EFS). Cet établissement public administratif sous statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) assure une mission de service public en matière de transfusion sanguine. En effet, l'EFS assure l'autosuffisance de la France en produits sanguins et, à ce titre, est chargé de collecter, préparer, qualifier et distribuer ces produits sanguins labiles en vue de leur transfusion. Du fait de son statut, l'EFS se doit de respecter le principe de continuité de service public. Cela signifie que l'EFS doit répondre aux besoins d'intérêt général et cela sans interruption. En ce sens, il nous semblait pertinent d'interroger la personne en charge du plan de continuité d'activité au sein de cet établissement afin d'apprécier son élaboration et son déploiement en réponse à la crise sanitaire actuelle. Cette interview est d'autant plus intéressante puisqu'elle concerne le secteur médical, véritable acteur au cours de la gestion de la pandémie en France.

Enfin, dans le souhait d'avoir une vision la plus exhaustive possible de la réponse des entreprises pour lutter contre la crise sanitaire, il nous a semblé judicieux de contacter une enseigne du secteur alimentaire. En effet, nous savons que ce secteur était considéré parmi les entreprises dites « en première ligne » dès le début de la pandémie et de manière exponentielle durant le confinement. C'est la raison pour laquelle nous avons pris contact avec le magasin Netto situé à Fuveau. Cette enseigne appartient au groupe Intermarché dont nous savons que la part de marché a augmenté de 1,7% en mars et avril 2020, progression nette jamais vu selon les

60

experts, représentant désormais 16,7% du secteur1. C'est pour cela que nous avons joint le responsable du magasin de Netto à Fuveau, dans l'objectif de comprendre comment l'enseigne a pu assurer le surcroit de leur activité en cette période de pandémie. Alors que prédominait un ralentissement économique dès le mois de mars 2020 avec des échanges commerciaux internationaux fortement impactés, la distribution des magasins d'alimentation en a de fait été perturbée tandis que la demande des consommateurs a quant à elle augmenté durant la même période.

2. Déroulement des entretiens semi directifs

Dans un premier temps, il nous semblait primordial que les entretiens se déroulent dans un climat favorable, le plus calme et serein possible. C'est la raison pour laquelle nous avions planifié le rendez-vous quelques jours en avance afin que les répondants ne soient pas déstabilisés et puissent se préparer à leur manière à l'entrevue. Il ne s'agissait pas non plus de prendre les interviewés de court et que cela ne s'apparente à un moment stressant s'ajoutant à leur planning, mais bel et bien un instant d'échange sur le sujet. Les entretiens ont eu lieu dans des espaces isolés afin de limiter le passage et la coupure de l'interview par la présence de tierces personnes.

Avant le déroulement de chaque entretien, lors de la prise de rendez-vous, nous avons expliqué le cadre de notre démarche. En effet, nous avons fait part aux répondants de la raison qui nous a amené à les interroger, et plus précisément notre sujet d'étude ainsi que la problématique que nous avons soulevée. A cette étape nous avons également insisté sur le caractère anonyme des entretiens, cela dans le souhait de rassurer les répondants et de favoriser un climat de confiance. En prémisse des entretiens, en sus de rappeler l'anonymat de leur réponse, nous avons évoqué les thèmes abordés afin d'être transparent et pour que les répondants sachent sur quelle thématique peuvent porter les questions. Concernant le recueil de données, les interviews ont été enregistrées dans le souhait d'assurer une meilleure retranscription. De plus, cela a permis d'alimenter la discussion et non de rester figé sur le guide d'entretien ou sur la prise de notes uniquement.

1 Etude de l'Institut Kantar, 30/07/2020

61

Bien que nous nous soyons limités à trois entretiens, cela ne constitue pas un véritable problème quant à l'analyse et la qualité des données recueillies. En effet, selon Karl E. Weick, à partir de sa théorie du sensemaking, il est possible d'établir des théories en partant de l'analyse d'un seul cas1. Ainsi, l'intervention de trois répondants nous a permis de relever des données de qualités de manière suffisante pour obtenir une analyse exploitable et non biaisée.

Chacun des entretiens a duré entre 15 et 30 minutes selon les répondants. Pour permettre le traitement des données qualitatives et leurs analyses de manière précise, nous avons choisi de les coder. Pour cela, nous avons retenu la phrase comme unité de codage pour ensuite entamer la phase d'élaboration de la grille de codage.

C. Analyse des résultats

Dans le cadre de l'analyse, nous serons amenés à retranscrire les propos des différentes personnes interviewées à savoir, le facility manager de la société Sodexo (Répondant 1), le responsable qualité au sein de l'Etablissement Français du Sang (Répondant 2) et la responsable du magasin Netto (Répondant 3).

1. Le PCA en réponse à la crise COVID-19

Nous pouvons constater en premier lieu que chacune des structures contactées a effectivement mis en place un Plan de Continuité d'Activité pour pallier les conséquences de la crise sanitaire de la COVID-19. Il semble de fait que le PCA soit un outil de management pertinent et adapté aux situations de crise, et en l'occurrence aux particularités d'une crise sanitaire. En effet, en matière de crise sanitaire, le PCA peut apporter des solutions aux organisations qui doivent faire face non seulement à leurs indisponibilités mais aussi aux impacts plus globaux, économiques, sociaux et sanitaires. Nous pouvons ainsi remarquer, que pour deux répondants, le PCA a été conçu en réponse immédiate à la situation sanitaire actuelle de coronavirus. La responsable du magasin Netto explique que son élaboration s'est faite « dès le début de la crise sanitaire ». Le répondant 1 déclare quant à lui avoir « mis en place un PCA au moins d'avril ». Ce dernier

1 Karl WEICK, dans Sensemaking in Organizations, Californie, « Sage Publication », 1995

62

ajoute que la mise en oeuvre de l'outil s'est faite en « KO ». L'importance et la gravité de ce terme met en exergue la soudaineté et la nécessité de répondre à l'urgence de l'évènement dans le but de maintenir les activités critiques de l'entreprise tout en préservant le personnel. L'interviewé 3 insiste à ce propos en spécifiant que l'entreprise a « essayé de vite combler les manques, [...] d'être le plus réactif possible ». Nous remarquons que ces deux entreprises, dans la nécessité de prendre des décisions rapidement, ont utilisé le PCA qui s'est avéré être l'outil le plus approprié face à l'urgence de la situation. En complément de cette réponse à l'urgence, le PCA apparait comme un dispositif d'anticipation de besoins. A ce titre, le répondant 1 explique que le PCA a permis d' « anticiper éventuellement une demande ».

Suite à cela, nous avons questionné les interviewés sur l'efficacité même de l'instrument en réponse à la crise de la COVID-19. Une fois encore, les répondants 1 et 3 ont été affirmatifs à ce sujet, le facility manager de Sodexo répondant « tout à fait, oui ! » et la responsable du magasin Netto « Oui ! Ah oui ! ». Cette dernière précise que « on est l'un des magasins qui s'en est le mieux sorti déjà par rapport au groupe à nous car on est quatre magasins sur le même PDG, puis par rapport à nos concurrents autour ». Bien qu'ayant élaboré le PCA en urgence dès l'apparition de la crise et bien que ce dispositif n'ait pas fait l'objet d'une élaboration au préalable, nous constatons que l'entreprise est parvenue à tirer profit des atouts de cet outil et de fait à maintenir son activité. Toutefois, les réponses de l'interviewé 2 ont soulevé une problématique en matière de maintien de l'activité par le biais d'un PCA. Il s'avère en effet que l'EFS dispose de cet outil depuis plusieurs années. En cela, le responsable qualité déclare « on en a depuis des années, c'est pas quelque chose de nouveau car ça fait partie de nos exigences règlementaires ». On pourrait supposer que l'outil soit alors connu, maitrisé et facilement applicable par les gestionnaires et leurs collaborateurs. Or cela n'a visiblement pas été le cas. En effet, lorsque nous avons été amenés à lui demander si l'application de l'outil a contribué au bon maintien de l'activité tel qu'ils l'auraient imaginé, le répondant 2 admet que « par le PCA en lui-même je te dirai que non ». Il rajoute à cela « Non c'est pas notre PCA qui nous a permis de fonctionner la preuve pendant une semaine on nous a dit que tout le monde rentre chez eux ». Force est de constater que dans ce cas l'activité a été véritablement interrompue alors même qu'il s'agit d'un EPIC, ce statut exigeant la continuité du service public. Nous relevons ainsi qu'une entreprise qui dispose déjà d'un PCA bien en amont d'une crise ne peut se prémunir de l'arrêt de son activité. Cela est d'autant vrai dans le cadre d'une crise sanitaire du fait de son aspect multidimensionnel tant sur les activités mêmes de l'entreprise que sur les relations avec les différents acteurs. L'interviewé 2 insiste à ce sujet déclarant que « on a un

63

PCA qui s'appelle Pandémie et qu'on va devoir remettre à jour hein, ça va être le nouveau projet de l'année ». Nous sommes donc amenés à nous demander si les méthodes d'élaboration du PCA par l'EFS et les procédures de mise en oeuvre qui en découlent ne sont pas trop rigides et ne révèlent pas une potentielle absence d'agilité de la part de l'établissement. Il peut apparaitre un risque de manque de souplesse dans les processus et donc une difficulté d'adapter l'outil au caractère inédit intrinsèque à une crise.

Afin de bénéficier du réel potentiel de l'outil, la norme ISO 22 301 préconise de réaliser des tests et des exercices. En effet, cela permet de familiariser les collaborateurs avec les procédures à suivre en période de crise pour qu'ils aient la capacité de les adapter sans difficulté. C'est aussi l'opportunité de relever les points forts et les points faibles du dispositif liés aux aléas de la continuité d'activité et de réviser les process le cas échéant. Cela ne semble pas être un point évident et prioritaire à ce jour pour les entreprises. Pour les entreprises des répondants 1 et 3 qui ne disposaient pas d'un PCA jusqu'alors, la mise à jour de l'outil n'est à ce stade qu'envisagée. La responsable du magasin Netto précise à ce sujet « Oui ! Parce que même si c'est pas le COVID, ça peut servir ». Alors que l'EFS dispose de PCA depuis quelques années ceux-ci, selon le répondant 2, « sont mis à jour autant que besoin. Là, le COVID ça nous le faire mettre à jour ». On constate que l'EFS ne semble mettre à jour l'outil uniquement en réponse à un évènement générant des problèmes organisationnels. Il ne s'agit donc a priori pas d'une réelle mise à jour telle que le préconise la norme ISO 22 301. Cela peut être une des raisons pour laquelle le PCA Pandémie de l'EFS n'a pas su répondre pleinement aux enjeux de la crise sanitaire de la COVID-19. A ce titre, le responsable qualité ajoute « la crise nous montre que notre PCA n'est pas adapté à telle ou telle crise et bien on enrichira le PCA par de nouvelles façons de faire ».

2. La conduite de projet du PCA

Dans le but de cerner les enjeux liés à l'élaboration même du PCA au sein de chacune des organisations interrogées, nous avons posé différentes questions relevant de la conduite effective du PCA.

Dans un premier temps, nous avons souhaité connaitre les acteurs ayant participé à l'élaboration de l'outil. En effet, parmi les facteurs de réussite du PCA il est fait état de l'importance d'impliquer l'ensemble de l'organisation au niveau horizontal. Le PCA est un dispositif

64

transversal qui repose sur la nécessité d'un travail collaboratif des parties prenantes. Globalement, les entreprises interviewées semblent avoir conscience de cette nécessité. Le répondant 1, en charge d'une petite équipe de seulement 3 personnes a, pour sa part, travaillé en autonomie. Il disposait d'une marge de manoeuvre et une flexibilité facilitant la mise en oeuvre du PCA. En effet, il déclare à ce propos « J'ai un petit restaurant avec trois personnes. Donc c'est assez facile de dégrader la prestation. Et j'ai dégradé que légèrement par rapport à ce qu'on fait d'habitude ». Lorsque nous avons interrogé le responsable qualité de l'EFS sur le sujet, ce dernier a répondu que « tous les métiers » ont participé à son élaboration. Il ajoute que « chacun a produit sa stratégie de continuité d'activité ». De son côté, le répondant 3 a également précisé que de nombreux acteurs ont participé à l'élaboration du PCA. A ce titre, elle déclare « on s'est tous unis pour que le magasin continue à fonctionner correctement ». Que l'élaboration de l'outil se soit faite en amont ou en réponse immédiate à la crise, il s'avère que les principaux acteurs ont été mobilisés de façon effective autour de ce projet.

Par la suite, il nous a semblé intéressant de s'attarder sur le volet communication, à savoir comment le PCA est les plans d'actions qui en découlent ont-ils été présentés au personnel. Ce point revêt une réelle importance car, en période de crise, il est primordial que le personnel ait une lisibilité sur les actions menées, puisse comprendre l'ensemble des process et les méthodes utilisées. A contrario, une mauvaise communication de l'outil peut apparaitre comme un frein à sa mise en oeuvre et engendrer des effets négatifs qui entravent la bonne continuité de l'activité. L'EFS de par ses nombreux collaborateurs et ses nombreuses activités dispose d'outils collaboratifs via lesquels il diffuse les informations. L'un de ses principaux canaux de communication est GEDEON (Gestion Electronique des Documents En Organisation Nationale). Les différentes procédures relevant des PCA ont été enregistrées sur cet outil. Le répondant 2 assure en ce sens que « tout le monde peut y avoir accès ». Par ailleurs, les PCA sont directement transmis auprès de « 181 personnes qui sont concernés pour l'appliquer ». On constate de fait que l'EFS n'a pas négligé cette stratégie de communication, travail facilité par le fait que l'établissement est doté de logiciels adaptés. De son côté, le répondant 3, responsable d'une équipe de 8 personnes, a privilégié les échanges directs et informels principalement sur les conduites à tenir. Elle rappelle ainsi que « on en parlait régulièrement surtout au niveau des pauses, [...] surtout de tout ce qui est hygiène/désinfection, le port du masque, bien veiller à communiquer avec les clients ». Néanmoins, afin de ne pas générer davantage de stress qu'implique l'activité lors de cette période de pandémie, la responsable du magasin rajoute « on en a parlé mais après on a essayé de penser à autre chose... Pas de focaliser non plus

65

dessus ». En raison de la spécificité de l'activité de distribution alimentaire, du statut des employés et de l'intensité accrue de leurs tâches lors de la période de confinement, la responsable, par ce choix, a souhaité préserver ses collaborateurs.

Au cours de nos recherches, nous avons relevé certaines limites quant à l'usage du PCA dans les entreprises. Parmi elles, nous nous sommes interrogés sur le rôle et la responsabilité du dirigeant depuis l'élaboration jusqu'à son application. En effet, nous avons appris que pour assurer son bon fonctionnement, un responsable se doit d'être identifié. Cela s'opère par une délégation de pouvoir du dirigeant vers un de ses collaborateurs et de façon concomitante d'une délégation de responsabilité. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité questionner les répondants précisément sur la responsabilité prise par les dirigeants lors de cette crise sanitaire. Le répondant 1 de Sodexo ayant été interviewé en amont de ce questionnement, n'a pas pu apporter des éléments de réponse sur le sujet. De leur côté, les répondants 2 et 3 ont insisté sur l'implication et la prise de responsabilité de leur dirigeant au cours de la pandémie. Le responsable qualité de l'EFS déclare en ce sens que « la Direction a pris sa responsabilité plein pot. Ils étaient sans arrêt en train d'évaluer la situation, de voir comment on pouvait modifier les pratiques, comment on pouvait réajuster au quotidien presque... ». Pour le magasin Netto, la responsable rapporte que concernant le PDG de l'enseigne, celui-ci a « tout suivi ! De près comme de loin [...], toujours présent ne serait-ce que par mail, par téléphone, pour savoir si on avait besoin de quelque chose en particulier, si on allait bien... ». Nous savons que le leadership et l'implication de la Direction dans l'élaboration et la mise en place d'un PCA constitue un facteur de réussite. Nous constatons que cet aspect primordial a été assumé par les dirigeants des deux entreprises concernées. Au regard de la réussite du maintien de leur activité, cela démontre de façon concrète et effective que l'implication des dirigeants est essentielle et indispensable.

3. Retour d'expérience de mise en oeuvre d'un PCA face à la crise de la

COVID-19

L'entretien semi-directif a pour avantage, au-delà de répondre aux questions issues du guide d'entretien, de faire émerger des ressentis professionnels et personnels, voire des éléments d'informations complémentaires permettant d'étoffer notre analyse. C'est ainsi que plusieurs points ont pu être évoqués et développés.

66

Tout d'abord, il apparait que la crise sanitaire de la COVID-19 et des mesures exceptionnelles qui ont été prises au niveau national, notamment par le confinement, a démontré que le télétravail peut très souvent constituer un mode de travail pertinent en matière de continuité d'activité. Au sein de l'EFS, cette pratique n'existait pas. L'établissement a dû mettre en place dans l'urgence ce nouveau mode de fonctionnement. A ce titre, le responsable qualité s'avance à promouvoir cela en disant que « même le télétravail, ça il faudra qu'on le mette ». Cela semble d'autant plus important que la mise en place du télétravail au sein des processus support va permettre la continuité des activités des processus de réalisation et, in fine, de maintenir les activités de l'organisation.

Le répondant 2 poursuit en insistant sur les limites relatives au PCA et plus précisément sur l'établissement des différents scénarii envisagés par l'entreprise. En effet, selon lui il n'est pas possible de concevoir de façon exhaustive des plans d'actions pour toutes les situations de crise pouvant survenir. En cela, le PCA semble répondre à des situations déjà connues. Toutefois, par définition une crise revêt un caractère inédit et inconnu. Il déclare en ce sens « il y a des limites... et les limites ce sont les connaissances qu'on a quoi. Les connaissances et l'expérience qu'on a d'une situation de crise ». Pour insister sur cette idée, il rajoute « tant que tu es pas confronté à la situation tu peux pas imaginer. On peut l'imaginer mais on s'appelle pas tous Steven Spielberg ». Ainsi, selon le responsable qualité de l'EFS, le PCA apparait comme l'outil idéal pour prémunir une organisation d'une crise connue et anticipée. En revanche, il ne semble adapté à des situations totalement inédites. Pour étayer son propos, il s'exprime ainsi, « Parce qu'on peut pardonner de ne pas être prêt face à une situation qu'on ne connaissait pas, mais on peut pas pardonner le fait de se retrouver... de pas être prêt devant une situation qu'on connaissait ».

En dernier lieu, le répondant 1, facility manager de Sodexo, apporte sa vision du PCA pour une application dans le futur au regard des expériences vécues lors de la pandémie de la COVID-19. A son avis, a propos du PCA « si on veut que ça s'applique il faudrait que ça devienne une obligation ». Selon lui, il est un instrument qui apportera des solutions dans les crises futures, qui même parcellaires, pourront bénéficier à l'entreprise et au maintien de son activité et par ricochet à ses partenaires. Le répondant 1 et le répondant 2 s'accordent par ailleurs pour dire que le PCA revêt des « enjeux stratégique [...], financier », cela pour deux raisons. D'un point de vue positif, le PCA pourrait constituer un avantage concurrentiel pour les organisations. En effet, cela permettrait de faciliter les échanges et les partenariats, détenir un PCA serait un gage de sécurité pour les partenaires commerciaux et financiers. D'un point de vue négatif,

67

l'entreprise peut être amenée à faire appel à un cabinet spécialisé pour l'élaboration d'un PCA, prestation représente un coût pour l'entreprise et qui peut constituer un frein à sa mise en place.

II. Préconisations managériales en vue d'une évolution du PCA en

matière de crise sanitaire

A. Dimension humaine

Il apparait que la mise en application des procédures issues d'un PCA en réponse à une crise ne peut se faire sans une intervention et une implication effective de l'ensemble des collaborateurs d'une organisation. C'est la raison pour laquelle nous proposerons dans cette partie des préconisations managériales en matière d'élaboration et d'application du PCA par le biais de la gestion des ressources humaines en réponse à une crise sanitaire.

1. Le capital humain

Chaque individu dispose de connaissances, compétences, expériences et savoir-être qui lui sont propres. Gary Becker, prix Nobel d'économie en 1992 définit ce capital humain comme « l'ensemble des capacités productives qu'un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc. »1. A ce titre, il représente une véritable richesse pour les organisations. En ce sens, l'auteur démontre qu'une bonne gestion du capital humain permet d'assurer une meilleure productivité et de rendre l'entreprise efficiente. Toutefois, une crise sanitaire qui touche autant les organisations que les individus au niveau professionnel mais aussi personnel, peut fragiliser le capital humain en cette période critique. La situation inédite et incertaine d'une crise sanitaire conduit l'entreprise à poursuivre son activité en mode dégradé. De fait, le capital humain peut ne pas être pleinement sollicité au

1 G.S.BECKER, (1964), « Human Capital, a theoretical and empirical analysis », Columbia University Press for the National Bureau of Economic Research.

68

cours de cette crise. Or, le maintien de l'activité de l'entreprise dépend de cet investissement humain.

Les enquêtes qualitatives que nous avons réalisées ont démontré que la réussite de l'application du PCA a été en partie assuré par la capacité des collaborateurs à adapter leurs compétences en période anormale d'activité. La connaissance du métier, de l'organisation ou les tâches à accomplir facilite l'agilité et la flexibilité du personnel en vue de poursuivre de manière efficiente l'activité.

La mise en place d'une gestion du capital humain est un véritable atout pour assurer la compétitivité de l'entreprise mais a fortiori pour lutter de façon efficiente aux impacts d'une crise sanitaire. Ainsi, les collaborateurs seront plus à même d'appliquer les plans d'actions découlant du PCA. Il apparait donc essentiel pour les organisations de préserver le capital humain. Plusieurs leviers permettent d'y accéder. Le premier est d'identifier et de valoriser les compétences et expériences déjà acquises par les employés pour les mettre à profit en période de crise. Il est également important de préserver les collaborateurs. Cela passe par la rémunération mais aussi par une gestion du temps de travail tenable en période de crise. Cette démarche revêt un double enjeu. Cela engendrera un sentiment d'appartenance et une plus grande implication des employés, bénéfiques pour eux-mêmes. Et les résultats attendus en matière de continuité d'activité s'en trouveront de fait améliorés.

2. L'intelligence collective comme facilitateur de l'élaboration et

l'application d'un PCA

Comme nous avons pu le constater précédemment, il est essentiel pour une organisation de préserver son capital humain, ceci afin de faire face à une crise sanitaire et d'assurer la continuité de l'activité. Ainsi, l'implication et la volonté de chacun des collaborateurs en vue de surmonter cet évènement et les impacts qu'il engendre est primordial. A ce titre, l'intelligence collective apparait comme un levier efficace pour élaborer mais aussi appliquer de manière pertinente le PCA en réponse à une crise. Le philosophe et chercheur en science de l'information et de la communication Pierre Levy définit l'intelligence collective comme « une intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à

69

une mobilisation effective des compétences »1. Cette notion apparait comme un prolongement du capital humain puisqu'elle permet la mise en commun des compétences, connaissances, créativités ou encore capacité de réflexion des collaborateurs pour contribuer à l'atteinte des objectifs d'une organisation. En matière de PCA, l'intelligence collective permet d'imaginer divers scénarii de crise, d'en évaluer les impacts sur l'activité et de proposer des procédures pertinentes pour assurer la continuité de l'activité. En effet, la motivation individuelle et collective provenant du bien-être au travail, du sens donné aux missions ainsi que le respect des règles de vie en communauté sont autant de facteurs favorisant l'intelligence collective.

Il existe de nombreux outils et méthodes permettant de développer l'intelligence collective dans les organisations et notamment en matière d'élaboration d'un PCA. Tout d'abord il est nécessaire de créer une dynamique de groupe positive. Pour parvenir à cela, le manager doit veiller à instaurer un climat de confiance, à favoriser la coopération au sein de son équipe mais aussi encourager la prise de parole et l'esprit créatif. Des sessions de TeamBuilding par la création d'exercices ou de jeux représentant une situation de crise est l'occasion pour les individus à travailler collectivement et de manière ludique. Cela permet également aux collaborateurs de s'exercer à l'application du PCA telle que le préconise la norme ISO 22 301 mais aussi à leur donner l'opportunité de repérer des dysfonctionnements et les erreurs de procédures en vue de les améliorer.

Nous avons vu préalablement que le PCA revêt un caractère transversal puisqu'il relève l'ensemble des activités critiques d'une organisation en vue d'en assurer leur continuité en période de crise. Cela suppose des échanges avec de nombreux acteurs internes et externes à l'organisation. Le Forum Ouvert apparait donc comme une technique créative efficace pour échanger sur un sujet. Dans les années 80, le romancier et journaliste Harrison Owen a mis en évidence que les meilleurs idées émergeaient lors des pauses café2. La création d'un Forum Ouvert avec les parties intéressées au sujet de l'élaboration d'un PCA permet de faire émerger des visions et des idées pertinentes pour assurer au mieux une continuité d'activité. Pour rendre ce temps d'échange efficace, il est nécessaire de convier les personnes concernées par la thématique afin de maitriser le fil de la discussion et de faire ressortir de celle-ci un véritable plan stratégique en matière de PCA.

1 P. LEVY, (1994), « L'Intelligence collective : Pour une anthropologie du cyberspace », Poche.

2 H. OWEN, (1993), « Open Space Tecnology : A user's guide », Broché

70

Par ailleurs, divers outils, notamment digitaux, existent de nos jours pour permettre aux collaborateurs de partager leurs idées et d'éventuelles solutions quant au maintien de leur activité en période de crise sanitaire. L'objectif de cette démarche est donc d'élaborer un PCA permettant de répondre de manière efficiente à une crise sanitaire, et d'assurer la reprise des activités dans les meilleurs délais.

3. La conduite au changement

La survenance d'une crise, et notamment d'une crise sanitaire en raison du caractère multidimensionnel de ses impacts, constitue un véritable bousculement dans la vie d'une entreprise et pour celle de ses collaborateurs. Nous avons constaté qu'étymologiquement, la notion de « crise » traduit une rupture d'équilibre. Dès lors, l'organisation va devoir s'adapter et modifier ses habitudes pour évoluer dans ce nouvel environnement incertain. C'est ce que promeut le PCA. Toutefois, le facteur clé de réussite de mise en oeuvre d'un PCA réside dans l'implication et la volonté des collaborateurs. En effet, le facteur humain peut constituer la principale cause d'échec du projet. Pour cela, mettre en place une démarche de conduite du changement en amont d'une crise semble pertinent. La conduite du changement peut être définit comme « l'accompagnement d'un processus de transformation de l'entreprise, dans un contexte qui évolue, que ce choix soit subi ou stratégique ». Cette démarche revêt des enjeux économiques en évitant une perte de temps et de productivité, des enjeux sociologiques liés à un besoin social, ainsi que des enjeux psychologiques en vue de faire diminuer les risques psychosociaux pouvant apparaitre en raison du changement. La crise sanitaire de la COVID-19 a engendré un véritable bousculement dans la gestion organisationnelle des entreprises et dans la vie personnelle des collaborateurs. Les mesures de confinement prises par le Gouvernement ainsi que la mise en oeuvre du télétravail apparaissent comme des changements prégnants pour le personnel. Une mise en oeuvre de conduite du changement permet donc de sensibiliser le personnel autour du projet de mise en application du PCA et de l'accompagner dans l'évolution organisationnelle qu'implique une crise.

De nombreux outils existent pour assurer la démarche de conduite du changement. Le psychologue américain Harold J. Leavitt a proposé une analyse des facteurs majeurs concourant à la réussite de la gestion du changement dans une approche qu'il a développé en 1965 sous le nom de « Diamant de Leavitt ».

71

Schéma : Diamant de Leavitt

Cette étude s'articule autour de quatre piliers qui sont :

· Les individus : les employés de l'organisation constituent un premier facteur essentiel dans la réussite du changement. Ils sont fortement impliqués dans la démarche en raison de leur connaissance de la structure mais surtout de leurs aptitudes, leurs compétences et leurs connaissances personnelles.

· Les tâches : il s'agit à la fois des missions de chacun des collaborateurs et des résultats attendus.

· L'organisation : ce pilier concerne le type de structure organisationnelle (fonctionnel, divisionnel, matricielle ou en réseau), et l'aspect communication qui découle du système hiérarchique.

· Technologie : cela comprend l'ensemble des systèmes de technologie de l'information et de communication (TIC) et les systèmes informatiques de gestion quotidienne de l'entreprise.

S'appuyer sur le « Diamant de Leavitt » pour faciliter la conduite de changement que suppose un PCA en réponse à une crise sanitaire semble pertinent. On constate que les quatre facteurs clés du changement inclus dans l'outil sont précisément ceux que préconise la norme ISO

72

22 301. Par ailleurs, nous avons pu relever au cours de notre étude que la crise sanitaire et les mesures prises par les Etats peuvent être source de RPS. De même, une mauvaise gestion de conduite du changement peut également engendrer l'apparition de RPS. Dès lors, prendre en compte cette dimension humaine en amont de l'élaboration du PCA est un élément majeur pour sa réussite.

Parmi les autres méthodes de conduite de changement, le modèle de Burke et Litwin est également un outil qui peut être utilisé dans l'application d'un PCA. W. Warner Burke et George H. Litwin, consultants en gestion du changement, ont élaboré ce théorème dans les années 60 en prenant en compte douze composants identifiées au sein d'une organisation en vue de les analyser et comprendre comment ils sont liés les uns aux autres en période de changement. Ce modèle permet de prendre en compte tous les domaines de l'organisation afin d'en omettre aucun et d'éviter un échec du projet, d'autant que ces derniers sont tous interconnectés.

Schéma : Modèle de Burke et Litwin

73

Les douze éléments tels que présentés sur le schéma ci-dessus se répartissent autour de trois grands groupes qui sont :

- Facteurs transformationnels : ce sont les éléments qui concernent l'entreprise dans sa globalité ;

- Facteurs transactionnels : il s'agit des items qui correspondent aux activités quotidiennes de l'organisation ;

- Facteurs de performance : ces derniers se rapportent à la performance individuelle et collective liée à la rentabilité et la production.

Ce modèle permet de mieux analyser les différents scénarii possibles en matière de changement. De par les nombreux items qu'il comporte et de la prise en compte de l'environnement externe dans la conduite du changement, le modèle de Burke et Litwin permet d'aider à élaborer le PCA dans le cadre spécifique d'une crise sanitaire. En cela, il assure une conduite efficiente du changement et une meilleure performance en matière de continuité d'activité.

B. Dimension technologique et informatique

1. Cloud Computing et télétravail

Nous avons pu constater à travers la littérature abondante en matière de PCA que la continuité d'activité ne peut être pleinement assurée sans un système d'information (SI) efficace. Le système d'information correspond à l'ensemble des ressources permettant la collecte, le stockage, la gestion, l'analyse et la diffusion de l'information au sein d'une organisation. A ce titre il regroupe les équipements liés aux télécommunications et aux stockages ainsi que le traitement et l'archivage des données. En cela, le SI apparait comme un élément central du fonctionnement d'une entreprise. Néanmoins, nous avons également mis en évidence que la survenance d'une crise engendre des situations d'indisponibilités de ressources humaines, d'accès aux sites, de défaillances des prestataires et fournisseurs mais aussi du SI et des réseaux télécoms. En effet, sur ce dernier point il peut s'agir d'une destruction des serveurs, d'une interruption du système d'information et des applications utilisées par les directions ou encore d'une interruption pour le service de téléphonie. Selon une enquête réalisée auprès de 1000

74

responsable en 2017, 82% des entreprises avouent être victimes d'interruption dans leur système informatique. Pour ces raisons, il semble essentiel de se prémunir et d'anticiper ces indisponibilités afin d'assurer dans les meilleurs dispositions la continuité de l'activité.

Dans son élaboration, le PCA oeuvre à recenser les risques inhérents à l'organisation en matière du SI afin de les minimiser. En effet, concernant les systèmes d'information et de communication, le guide pour réaliser le PCA du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale préconise une architecture « permettant de répondre aux exigences en termes de délais de secours et de perte de données maximale admissible ». Il relève que les moyens de télécommunication sont un point de vulnérabilité majeur en période de crise. De même, le risque d'indisponibilité à l'accès aux données peut être élevé. Pour pallier ces risques, le PCA apporte une solution pour assurer la continuité effective de l'activité.

Néanmoins la crise sanitaire, en raison de son caractère multidimensionnel, engendre des indisponibilités plus larges encore. En effet, en prenant pour exemple la crise sanitaire de la COVID-19 et les mesures drastiques prises par les gouvernements, de nouvelles problématiques ont émergé en matière de continuité d'activité. Tout comme l'ont révélé nos enquêtes qualitatives, et plus spécifiquement encore dans le cadre de l'EFS, les organisations n'ont pas anticipé les mesures de confinements imposées par les Etats. Ainsi, les plans stratégiques pour maintenir l'activité s'en sont vus bousculés. Le télétravail est rapidement apparu comme une solution pertinente. Toutefois, pour assurer ce nouveau mode de travail, le SI doit évoluer en ce sens.

En matière d'évolution du SI, l'instauration d'un Cloud Computing semble incontournable pour permettre aux organisations de sauvegarder leurs données tout en assurant leur exploitation en période de crise. Le Cloud est un modèle dans lequel l'organisation consomme des ressources informatiques de tous types tels que la puissance de calcul, des serveurs, des applications ou de l'espace de stockage et cela par internet. Il permet donc l'exploitation de l'ensemble de ces ressources sans avoir d'infrastructures techniques qui seront chez le fournisseur. Cela constitue un premier avantage puisque le cloud élimine la nécessité d'investir dans du matériel et des logiciels ainsi que dans la gestion et la sécurisation des données stockées. En outre, le cloud est un service mesurable. Cela signifie que le client et le fournisseur peuvent mesurer l'usage qui est fait des ressources informatiques et permet donc au client d'évaluer financièrement le coût de son utilisation du cloud. Par ailleurs, puisque les données sont stockées sur un réseau étendu (internet), le cloud permet une grande accessibilité et agilité. Nous savons qu'en matière de continuité d'activité, ces deux qualités sont essentielles car elles traduisent la capacité d'une

75

organisation à réagir en période de crise. Le fournisseur s'assure que le matériel soit régulièrement mis à niveau pour offrir de réelles performances dans le traitement des données faites par les clients. Il est également possible d'héberger son cloud en privé afin que l'ensemble des ressources soit utilisées de façon exclusive par l'entreprise, dans un souci de protection des données. A ce titre, le stockage des données dans un cloud revêt un double enjeu puisqu'il permet à la fois de protéger les données et pallier l'indisponibilité des SI lors d'une survenance de crise mais aussi d'offrir une réponse rapide et efficace pour maintenir les activités de l'organisation. L'hébergement des données en Cloud peut se faire via de nombreux fournisseurs tels que Hostinger, Kamatera ou encore CloudWays en France.

Puisqu'il permet d'avoir accès aux données de l'organisation par un simple accès à Internet, le Cloud est la réponse parfaite à la mise en place du télétravail. Toutefois, pour protéger les transmissions de données entre les serveurs et les collaborateurs en télétravail, une connexion sécurisée doit être établit afin de sécuriser ces données. Le Virtual Private Network (VPN) ou réseau virtuel privé en français, est un dispositif pertinent en la matière car il assure la confidentialité, le cryptage des données ainsi que l'anonymat en ligne.

Afin d'assurer la bonne application de ces éléments en période de crise sanitaire, il est primordial de prendre en considération ces outils dès l'élaboration d'un PCA. Cela signifie également que les collaborateurs doivent être sensibilisés à leur existence et leur utilisation. Le télétravail est une organisation de travail particulière qui exige une réflexion bien en amont de son application. Sa seule mise en place en urgence pour assurer la continuité de l'activité en période de crise sanitaire n'est pas pertinent, d'autant que l'équipement représente un coût pour l'organisation qui n'a pas été anticipé et l'adaptation de l'individu à télétravailler nécessite une formation. Sans ces étapes essentielles, l'improvisation du télétravail peut être source de RPS.

2. La cybersécurité

Au cours d'une crise sanitaire, l'ensemble des acteurs économiques, bousculés par les évènements, se concentrent en priorité sur le maintien de leur activité, les process de productivité et la préservation de l'état de santé de leurs collaborateurs. Cela fait apparaitre une faille critique qui est celle de la cybersécurité. La cybersécurité est un dispositif dédié à la

76

protection des données et l'intégrité des ressources informatiques connectées ou installées sur un réseau d'entreprise. Elle est destinée à défendre ces ressources contre tous les cybercriminels.

En période de crise sanitaire, le déploiement massif des solutions numériques tels que le télétravail, les téléconférences, la télémédecine, etc. pour pallier les mesures de confinement prises par les Gouvernements a démultiplié les cyberattaques. Didier Schreiber, directeur marketing chez Zsclaer, société mondiale de sécurité de l'information basée sur le cloud, a déclaré qu'au cours de la crise du coronavirus « une augmentation de plus de 30 000% des attaques informatiques de type hameçonnage, logiciels malveillants ou des sites malicieux qui ciblent les télétravailleurs ». Pour illustrer ses propos, il ajoute qu'en janvier ils ont constaté « 1200 attaques informatiques liées au Covid-19... et on en était à 380 000 cyberattaques début avril ! ».

Outre l'utilisation d'un VPN pour protéger les données d'une organisation, il est essentiel de protéger les collaborateurs aux actes cybercriminels. Les postes informatiques des télétravailleurs ont constitué des cibles bien plus fragiles et attaquables que les serveurs surprotégés des entreprises. Le point d'accès de ces pirates reposait sur le caractère anxiogène de la crise sanitaire et par le biais de phising et sites malveillants sur le thème de la COVID-19 ont très rapidement pénétré les systèmes.

Pour optimiser la protection et la sauvegarde des données de l'entreprise, il est important de sensibiliser les collaborateurs sur les bonnes pratiques à adopter en matière de sécurité, et notamment dans le cadre du télétravail. Il est également important de privilégier l'utilisation des outils numériques déjà mis en place par l'entreprise et non pas s'orienter vers de nouveaux logiciels méconnus de l'organisation qui peuvent présenter des failles. Enfin, la dotation d'antivirus et pare-feu sur l'ensemble des ordinateurs alloués aux télétravailleurs constituent un investissement indispensable pour l'entreprise.

C. Vers un PCA résilient

La résilience d'une organisation est l'objectif final de l'élaboration d'un PCA. Pour les organisations, la résilience contribue à la performance en absorbant les chocs d'une crise. Elle constitue une capacité nécessaire à la survie de l'entreprise dans un environnement instable.

77

Toutefois, en période de crise sanitaire d'une ampleur telle que celle que revêt la pandémie COVID-19, le processus de résilience ne peut facilement se concrétiser. En effet, le climat anxiogène toujours pesant de la crise et les difficultés à retrouver un fonctionnement serein et habituel des activités entrave la résilience.

Pour que le PCA atteigne cette finalité de résilience, des dispositions élaborées bien en amont et faisant l'objet d'actualisation régulière sont nécessaires. Selon Gary Hamel et Liisa Valikangas, « la résilience en tant que capacité à éviter la crise est le résultat d'un apprentissage continu »1.

L'environnement d'une organisation est en constante évolution, et cela même en période de crise sanitaire. En effet, les décisions réglementaires prises par les autorités sont susceptibles d'exiger des changements dans l'organisation des entreprises. Un dispositif de veille permanente semble donc pertinent. Il permet d'anticiper l'apparition de nouveaux risques sanitaires par le décryptage d'informations sur le sujet. Une veille dans le domaine de l'innovation fournira à l'entreprise les connaissances sur les nouveaux outils de management en matière de continuité d'activité.

Nous avons également relevé au cours de notre étude que la réussite d'un PCA est fortement corrélé à l'implication des acteurs, et tout particulièrement de la Direction. A ce propos, Patrick Lagadec défend l'idée « que seul un engagement réel des dirigeants peut amener une organisation à apprendre d'une situation de crise »2. A ce titre, l'ensemble des collaborateurs d'une entreprise ont tout intérêt à participer régulièrement à des formations permettant d'une part d'élaborer des plans d'actions efficace pour le maintien des activités, et d'autre part de leur fournir les connaissances et compétences nécessaires pour les adapter. La professeure en sociologie Mathilde Bourrier déclare à ce sujet que « la résilience passe par une grande vigilance quant à la bonne intégration et la compréhension du personnel »3. Cela appui l'idée que les collaborateurs doivent être sensibilisés et accompagnés pour contribuer à la résilience de l'organisation.

1 Gary Hamel & Liisa Valikangas, (2003), « The quest for resilience », Harvard Business Review.

2 Patrick Lagadec, (1995), « Cellule de crise-les conditions d'une conduite efficace ».

3 Mathilde Bourrier, (2001), « Organiser la fiabilité ».

78

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery