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PCA et crise sanitaire


par Mathieu Giusiano
Université Aix-Marseille  - Master Qualité et Gestion des Risques 2020
  

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III. Le PCA en période de crise sanitaire

A. Le PCA : un outil managériale expérimenté

1. Les facteurs de réussite du PCA

Depuis sa première apparition dans le milieu des années 1990, le Plan de Continuité d'Activité a pu s'enrichir au gré de l'avancée des expériences et des événements de crise dont nous avons pu faire état précédemment. En effet, il est esentiel de rappeler que pour devenir un outil performant dans une entreprise, le PCA doit être mis à jour de manière régulière. Cette actualisation de l'outil peut se faire après des audits, après des tests et/ou exercices mais

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également après la survenance d'une crise ayant permis de relever les points faibles de l'organisation en matière de continuité d'activité. La norme ISO 22 301 établi en 2012 fournit un cadre méthodologique mais aussi une reconnaissance à l'international des bonnes pratiques sur le Système de Management de Continuité d'Activité par le biais de cette certification.

On peut ainsi constater que le PCA apparait comme un outil de management pertinent et reconnu pour assurer la continuité de l'activité pour une organisation en réponse à une crise. En effet, l'élaboration structurée d'un PCA dans une entreprise va permettre, lorsqu'une crise survient, de prendre les décisions adéquates dans les meilleurs délais. Toutefois, pour que l'outil puisse être véritablement performant il est nécessaire de relever les facteurs de réussite.

Ø Pourquoi réaliser un PCA ? : Cette question essentielle va permettre de définir les activités assurant la pérennité de l'entreprise. Cela signifie que le PCA ne concourt pas à préserver l'intégralité de l'organisation mais bel et bien certaines activités, certains secteurs. La réflexion autour de cette question apparait donc comme incontournable, coeur de travail pour impulser les démarches en faveur de ces activités jugées critiques.

Ø La composition : Le PCA comporte de nombreux éléments à mettre en place dont notamment des activités, des procédures, de la documentation, etc. Bien que tous ces éléments n'apparaissent pas comme primordiaux, leur mise en place tend à assurer au mieux la préservation de l'activité. Dans la composition du PCA on retrouve :

o L'analyse d'impact sur le business (BIA) : Pour rappel, cette analyse va permettre de détailler les activités critiques et essentielles à la pérennité de l'entreprise. L'objectif est donc d'anticiper les impacts qu'il est possible de rencontrer si une de ces activités cesse. Cela comprend également les relations avec les différentes parties prenantes de l'entreprise, et plus particulièrement les clients et les fournisseurs.

o Le Plan de Continuité Opérationnel (PCO) : Après la survenance de la crise, cette étape consiste à redémarrer l'activité avec un minimum de ressources pour délivrer un minimum de produits et/ou de services. C'est ce qu'on appelle plus communément le mode « dégradé ».

o Le Plan de Reprise Informatique (PRI) : De la même manière que l'on redémarre les activités de produits et/ou de services, le PRI a pour finalité de remonter le système informatique qui a pu être détruit ou qui a pu être indisponible que ce

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soit par l'accessibilité des locaux mais également par des pertes de données. Il semble important de définir un PRI quand on sait l'importance que prennent les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) dans la gestion des activités de nos jours.

o Gestion de crise : Ce module est d'une grande importance. En effet, même si le PCA n'est pas finalisé ou ne répond pas au caractère spécifique de la crise, cela permet d'avoir des outils suffisant pour gérer l'évènement et parvenir à redémarrer l'activité plus sereinement.

o Plan de communication : La communication revêt un rôle très important. Elle va s'orienter vers la presse, les médias, les clients, fournisseurs et autres partenaires sans oublier les collaborateurs qui ont besoin d'avoir les informations relatives à l'évolution de la crise et ses impacts sur la gestion au l'entreprise. La communication va également être un levier pour diminuer le stress et l'anxiété qui peuvent émerger du fait de la situation de crise.

Ø Un pilotage par la Direction : Tout d'abord, il faut bien considérer que bien que le Plan de Continuité d'Activité se doit d'être impulsé par la Direction, il touche l'ensemble de l'organisation de manière horizontal. Qu'elles soient critiques ou non-critiques, toutes les activités vont être concernées par le PCA. C'est la raison pour laquelle la Direction doit être porteur de ce projet et de sa bonne réalisation. Pour ce faire, elle doit s'impliquer dans toutes les phases de la continuité d'activité. Sans cela, le PCA peut être voué à l'échec ou peut avoir des impacts très négatifs sur l'entreprise après la survenance d'une crise.

Ø Une culture d'entreprise : Il s'avère que plus le PCA est intégré dans l'entreprise et dans l'ensemble des activités, plus la capacité de résilience va augmenter. Cela va parfois permettre d'engendrer une certaine autonomie des processus du fait de l'implication récurrente de la stratégie de continuité d'activité.

Ø Focaliser sur l'indisponibilité : Afin de prévenir les conséquences d'une crise, il est préférable de se focaliser sur les indisponibilités plutôt que sur les risques eux-mêmes. En effet, cela va permettre un gain de temps et d'argent car le PCA veille à répondre à ces indisponibilités et à assurer la continuité d'activité malgré ce manque de ressources.

Ø

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Adapter la technologie : Les avancées technologiques permettent de préserver de nombreuses données essentielles à l'entreprise, autant en matière de continuité d'activité qu'en facteur clés de succès qui assurent sa pérennité et son avantage sur le marché. Il est donc pertinent de s'équiper et de former les collaborateurs autour de la technologie. Néanmoins, il apparait comme évident de trier les données que l'on souhaite conserver au risque d'engranger un trop-plein d'informations.

Ø Pratiquer : Comme le préconise la norme ISO 22 301, il est essentiel de pratiquer par des tests et des exercices le PCA afin de rendre l'organisation toujours plus résiliente et autonome en matière de continuité d'activité. Cela va par ailleurs conduire à l'apparition de reflexes. Ainsi, dès la survenance de la crise, il sera possible de mettre en oeuvre les premiers modes opératoires pour conduire la continuité d'activité sans avoir à chercher dans les procédures les conduites à tenir. Enfin, plus l'entreprise aura réaliser des tests et exercices, et plus son personnel sera autonome. On parvient dès lors à mettre en pratique un PCA de façon véritablement efficiente.

A travers ces différents éléments, on constate que la seule mise en place d'un PCA ne permet pas de répondre à une crise. Pour cela, il est essentiel que la Direction soit impliquée dans le projet. En ce sens, une stratégie réfléchie de communication doit s'établir à travers les principaux partenaires ainsi qu'au personnel. De plus, pour assurer son efficience, le PCA doit être intégrer dans le système de management de l'entreprise, notamment pour assurer son amélioration continue.

2. REX et PCA

Le Retour d'Expérience (REX-RETEX) est un processus très important en matière de continuité d'activité. L'OMS défini le REX comme « une évaluation en profondeur des actions de gestion entreprises au cours d'un événement de santé publique, faites par la suite afin d'identifier les lacunes, les leçons et les meilleures pratiques ». Ainsi, concernant un événement d'ordre sanitaire, l'OMS ajoute que le REX « offre une approche structurée pour les individus et les organisations impliqués dans la préparation et la réponse aux événements sanitaires de réfléchir à leurs expériences et leurs perceptions sur la réponse donnée à l'événement ». Il apparait donc

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que le RETEX ne consiste pas en une simple suite de remarques mais bel et bien une réflexion sur les enjeux soulevés par une crise. En ce sens, il met en exergue les points positifs et les points négatifs d'une organisation dans sa qualité d'adaptation face à une crise, et en cela, se veut être un outil d'amélioration continue pour l'entreprise. En effet la norme ISO 22 301 énonce qu'une « organisation doit continuellement améliorer l'efficacité de son dispositif de continuité d'activité et de gestion de crise soit à la suite d'exercices, d'audits mais aussi de crises réelles et leurs retours d'expériences ». Ainsi, le REX est un processus qui a permis de faire évoluer le PCA et son applicabilité en temps de crise.

Par ailleurs, les différentes crises majeures que nous avons relevées précédemment dont Tchernobyl, Fukushima, AZF, etc., ont également pu être des bases de réflexion pour améliorer la prévention et assurer au mieux la continuité d'activité pour de très nombreuses entreprises. Bien que beaucoup de structures n'aient pas été directement impactées par les conséquences de ces événements, elles ont néanmoins pu mettre à jour leur PCA tant au niveau de leur BIA que de leur stratégie de communication ainsi que dans la gestion de leur cellule de crise. Par conséquent, les faits marquants de l'Histoire qui ont conduit à des situations de crise ont été des sources conduisant à l'amélioration de l'outil de management qu'est le PCA pour le rendre toujours plus performant. L'étude quant à l'amélioration de l'outil a notamment permis de faire ressortir une construction du PCA fondée sur les conséquences d'une crise et non pas les risques générés. Ainsi, dans un article paru dans Sécurité et Stratégie, Stéphanie Ruelle déclare que « ces réflexions donnent un caractère très opérationnel à la gestion des crises et à la continuité d'activité qui ne doivent plus être considérées comme des activités connexes à l'entreprise »1.

Nous avons démontré qu'il est primordial d'élaborer le PCA en collaboration étroite entre la Direction et le personnel ainsi que divers autres partenaires. En matière de crise sanitaire, la grippe A (H1N1) a favorisé l'élaboration d'un PCA dans les entreprises pour faire face à un épisode d'épidémie pouvant aller jusqu'à une situation de pandémie. A ce titre, Patrick Le Moal, Directeur adjoint du travail au sein de la Direction Régionale du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnel en Haute Normandie a constaté que de nombreuses entreprises se sont inquiétées des conséquences d'une telle épidémie. En réponse à l'intérêt d'établir un PCA pour anticiper la crise sanitaire de la Grippe A en 2009, Patrick Le Moal déclare « si cette

1 Ruelle, S. (2012). Continuité d'activité et gestion de crise : de la technique à l'humain. Sécurité et stratégie, 10(3), 32-40.

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pandémie ne se déclare pas, il est statistiquement envisageable que nous en connaissions une autre dans les années à venir ». Ainsi, les entreprises ayant mis en oeuvre un PCA en amont de la survenance d'une crise ont pu anticiper des actions à mettre en oeuvre si une autre crise survenait. Par ailleurs, il ajoute que le PCA « est en fait un travail plus global sur la préparation de l'entreprise à un fonctionnement en mode dégradé. Sachant qu'aujourd'hui beaucoup travaillent déjà en flux tendu, avec des effectifs « serrés » et de fortes dépendances entre les métiers, on s'aperçoit que cette réflexion n'est pas inutile ». On constate de fait que l'élaboration d'un PCA, en plus de son objectif premier qui est de faire face à une crise, est présenté une fois encore comme un outil rendant une organisation davantage résiliente et assure son efficience.

Néanmoins, outre son apport qui peut procurer dans la gestion d'une crise, le PCA présente également des aspects négatifs

B. Le PCA : le dévoiement de l'outil de ses réelles finalités

1. Les limites intrinsèques au PCA

Malgré son souhait d'anticiper et répondre à une crise, le PCA présente néanmoins quelques faiblesses. Tout d'abord il convient de rappeler que le PCA n'apparait pas comme une solution miracle en temps de crise. En effet, une organisation ne peut déployer un PCA lors de la survenance d'une crise et imaginer ainsi sauver ses activités critiques. Pour être efficace, l'outil doit être élaboré en amont de la crise afin d'anticiper les impacts sur l'organisation et les possibles actions qui permettent de préserver le personnel et les ressources clés. C'est la raison pour laquelle un PCA doit être mis à jour de manière régulière. Toutefois, aux yeux de certains dirigeants, le PCA peut être un outil couteux. Ainsi, bien qu'il soit mis en place dans les entreprises, il n'est pas une priorité dans un grand nombre d'entre elles, et de fait est rarement mis à jour. De ce constat découle une mauvaise communication de l'outil auprès du personnel ce qui rend son application très complexe.

Bien qu'il existe une norme, l'ISO 22 301, qui permet de définir les principes généraux d'un plan de continuité d'activité et son intégration dans le système de management d'une entreprise,

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le PCA devient bien souvent qu'une procédure de plus dans un tiroir pour beaucoup d'organisations. Tandis que le PCA procure une sensation de sécurité pour l'organisation, et notamment pour ses dirigeants, il devient dans ce cas très peu efficace. L'élaboration d'un PCA entraine une mise en place de procédures supplémentaires et spécifiques à la gestion de crise. Mais l'apparition d'exercices, de tests ou d'audits, peuvent être perçus comme fastidieux et couteux. Néanmoins, ces étapes sont primordiales pour prendre en compte les évaluations des risques, la vulnérabilité des processus, les nouvelles réglementations et leurs impacts sur l'organisation de l'entreprise. Les crises ne surviennent que rarement, ainsi sans la réalisation de tests et exercices qui permettent la maitrise instinctive des processus, le risque de subir un dysfonctionnement est davantage élevé. Clotilde Marchetti, Directrice de l'offre « Risques Extrêmes » dans les cabinets d'Audit Grant Thornton déclare qu'il « ne suffit pas de mettre en place un PCA, il faut le faire vivre. Les organisations évoluent et les hommes changent au sein des organisations. Il faut donc s'assurer régulièrement que les PCA sont toujours adaptés et les tester à travers des exercices pour que les personnes soient mieux armées en condition de crise. Il y a un sujet à la fois de formation et de compétence non seulement pour les spécialistes et responsables du PCA, mais aussi pour les métiers et les fonctions support ». Toutefois, il s'avère que dans 88% des cas, le PCA n'est actualisé qu'annuellement. C'est alors que l'objectif premier qui est de contenir les effets négatives d'une crise n'est pas atteint, la mauvaise application des procédures relevant du PCA fait apparaitre de nouveaux risques.

Par ailleurs, c'est bel et bien le coût en temps et en argent qui désincite les dirigeants à la bonne mise en place d'un PCA dans leur entreprise. En effet, le projet d'élaboration d'un PCA ne permet pas de gagner de l'argent à une organisation, il est donc considéré et traité comme un centre de coûts. Bien qu'il puisse être perçu comme une assurance en cas de crise, nous avons pu constater que son application seule ne permet pas de maitriser la totalité des conséquences de la crise et préserver ainsi l'ensemble de ces activités. Et puisqu'un PCA n'assure pas pleinement la pérennité de l'entreprise, son coût peut apparaitre comme un frein pour les dirigeants. A ce titre, en France, le Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale propose dans le Guide pour réaliser un Plan de Continuité d'Activité un schéma permettant d'apprécier le coût de la mise en place d'un PCA et lien avec la durée de l'interruption de l'activité.

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Schéma : Coût de mise en place d'un PCA

Source : SGDSN, Guide de réalisation d'un PCA

Ce que le SGDSN relève, c'est qu'il est possible que le coût de mise en place d'un PCA puisse s'avérer plus élevé que les conséquences de l'interruption de l'activité. Dans ce cas, il serait préférable de mettre oeuvre une stratégie de prévention et de protection pour limiter ces conséquences mais également préserver la santé du personnel. In fine, une étude menée par les cabinets d'audits Grant Thornton sur plus de 5000 entreprises a démontré que bien que 60% d'entre elles entretiennent le projet de réalisation d'un PCA avec leur Direction, seuls 15% des sondés ont véritablement mis en place un PCA dans leur entreprise. Clotilde Marchetti ajoute à cela que « le maintien en conditions opérationnelles des PCA est souvent perçu comme une corvée administrative et chronophage, alors qu'il existe des solutions digitales ou innovantes pour le faciliter ».

Il est également possible d'externaliser la mise en place de son PCA, notamment en matière de continuité du système d'information. Mais là encore, son coût par rapport à la probabilité de survenance d'une crise n'incite que très peu les directions d'entreprises à opter pour cette méthode. D'autant plus qu'à cela s'ajoute des enjeux de responsabilité et une obligation de résultat.

La dénomination du PCA peut également être trompeuse. En effet, la notion de « Plan » induit que l'ensemble des procédures sont écrites, anticipées et lors de la survenance d'une crise il ne

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suffira que de déployer le PCA pour assurer la pérennité de l'entreprise et préserver l'état de santé du personnel. La pandémie COVID-19 a démontré la défaillance du PCA sur ce sujet. En effet, le PCA peut répondre à une indisponibilité de ressources humaines, une indisponibilité des locaux ou encore une interruption du système d'information mais peu d'entreprises ont anticipé une indisponibilité des ces trois domaines simultanément. C'est ce que le statisticien Nassim Nicholas Taleb a dénommé Le Cygne Noir1. Il s'agit d'une théorie selon laquelle un évènement imprévisible et peu probable se réalise et a des conséquences de grandes envergures. Autrement dit, le cygne noir repose sur les caractéristiques relevant d'une anomalie, d'un impact extrêmement fort, et d'une prévisibilité rétrospective et non prospective. C'est dans ce contexte que la rigidité de la documentation du PCA et le cadrage des procédures l'a emporté sur la flexibilité. La simultanéité des indisponibilités en raison de la dimension de la crise sanitaire fait apparaitre des points faibles dans l'organisation de la continuité d'activité : les cellules de crise mettent davantage de temps à s'organiser en raison du caractère inédit et de l'ampleur de la crise, le confinement a ralenti le processus de gestion de crise, que peu d'entreprises avaient anticipé le télétravail comme solution de repli (avant le confinement, seuls 7% des salariés français selon Forum Vies Mobiles). Ainsi, bien que le PCA soit un outil essentiel dans le domaine de la gestion des risques et la continuité d'activité, la crise de la COVID-19 a permis de constater qu'il présentait des limites. La crise est imprévisible par nature, notamment car elle nait et évolue dans des systèmes complexes. A ce titre, l'élaboration d'un PCA peut donner une illusion de contrôle alors qu'il est difficile d'envisager l'ensemble des scénarios permettant de limiter les conséquences d'une crise.

Enfin, nous avons constaté que le PCA se réalise en priorisant les activités jugées critiques pour la survie de l'organisation. De ce fait, il est essentiel d'une part que la Direction soit fortement impliquée, et d'autre part que les Directions métier se sentent concernées par le sujet. Afin d'apprécier la criticité des processus métiers, il est nécessaire d'auditionner les managers opérationnels qui sont les seuls à pouvoir évaluer ce qui est critique ou non dans leur activité. Néanmoins cela soulève une faille dans la bonne gestion de la procédure de continuité d'activité. En effet, les services et les équipes peuvent entrer en concurrence pour justifier leur valeur et leur position dans leur entreprise. Certain se sentirait lésé de constater que leur activité n'est pas perçue comme importante pour l'organisation. Cela peut déboucher sur des conflits

1 Rioust de Largentaye, A. (2011). Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne noir, la puissance de l'imprévisible. Afrique contemporaine, 237(1), 157-160

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en interne mais peut également apparaitre comme une source d'anxiété quant à la pérennité de leur emploi qui ne serait pas indispensable pour l'entreprise.

2. Le dévoiement du PCA de ses finalités

Nous avons pu constater qu'une mauvaise élaboration et une mauvaise application du PCA en temps de crise peut engendrer davantage de dommages que la crise en elle-même. C'est la raison pour laquelle, il est primordial de nommer un responsable du PCA. Ce dernier doit être doté d'une délégation de pouvoir conforme aux règles juridiques pour assurer sa mission. Pour cela, le responsable devra être doté de moyens suffisant pour réaliser le PCA, et qu'il dispose de la compétence et l'autorité pour l'instaurer dans l'organisation. Cela signifie également que le délégataire aura la responsabilité pénale du PCA. Ainsi, la mise en place d'une délégation de pouvoir dans le cadre de l'élaboration d'un PCA va permettre au délégataire de représenter l'organisation dans les limites de ses attributions. L'avocat à la Cour Maître Couturier déclare en ce sens que la délégation de pouvoirs consiste en « un transfert d'une autorité, ce qui implique non seulement le transfert d'un pouvoir de décision et celui de la responsabilité attachée à ce pouvoir ». Pour être effective d'un point de vue légale, la délégation de pouvoir doit comprendre :

- Un lien de subordination entre les parties (Cass Ch. Soc. 27 mars 2019 n°18-11.679),

- Des domaines de compétences précis et spécifiques (Cass., Ch. Crim., 20 octobre 1999, numéro 98-83562 ; et Cass., Ch. Crim, 21 octobre 1975, numéro 75-90427)

- Une délégation de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaire (Cass., Ch. Crim, 30 octobre 1996, Bull. Crim. Numéro 389).

Toutefois la délégation de pouvoir en matière de continuité d'activité n'est pas anodine. Malgré l'instauration d'une politique de prévention des risques, les conséquences d'une crise peuvent être telles que cela peut entrainer des dommages et une interruption de l'activité. Dans un monde ultra-concurrentiel, ces conséquences peuvent constituer un fort préjudice pour l'entreprise mais également l'ensemble de ces partenaires. Dans un tel cas, les responsabilités provenant d'un tel dysfonctionnement incombent aux dirigeants. C'est ainsi que la délégation de pouvoir dans la réalisation d'un PCA prend son sens. En effet, la délégation de pouvoir et la délégation de responsabilités qui en découle lors d'un dysfonctionnement vont alors reposer sur la personne en charge du PCA au sein de l'organisation. C'est un moyen pour les dirigeants de

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se dédouaner de leurs responsabilités lors d'une mauvaise application du PCA. En effet, plusieurs décisions rendues en 1993 en matière de délégation de pouvoir précise que « hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise [...] peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapport la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ». Ainsi, en cas d'une mauvaise gestion de prévention des risques ou d'une mauvaise élaboration du PCA, la responsabilité incombera au responsable et non aux dirigeants. A ce titre, le PCA peut être perçu par ces derniers comme un outil permettant de se dédouaner en cas de dysfonctionnement lors de la survenance d'une crise.

Par ailleurs, le PCA permet d'assurer la continuité des activités par l'intermédiaire des personnes clés de l'entreprise. A ce titre, l'élaboration du PCA doit être fortement corrélée avec la gestion des ressources humaines. Le BIA (Business Impact Analysis) a pour vocation d'identifier les ressources humaines essentielles permettant d'assurer la continuité d'activité. Cela peut être anticipé et planifié pour des crises de courtes durées lorsqu'il s'agit d'une indisponibilité temporaire de locaux en raison d'un incendie ou d'actes de malveillance. Mais rares sont les entreprises à avoir anticipé la crise de la COVID-19 et ses conséquences multifactorielles sur une longue durée. En effet, outre le fait que cette crise sanitaire ait touché de nombreux pays dans le monde, elle a conduit à des mesures inédites de confinement généralisées. Cela a fait apparaitre de nouveaux risques principalement humains qu'à ce jour, le PCA n'est pas en mesure de prendre en compte.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"