La dynamique politique de l'action du conseil exécutif de l'UNESCO au regard des comportements des etats membrespar Charline MBOTY Université de Lorraine - Master II droit public interne et international 2017 |
A- Sur certains points examinés en Commission PXA titre préliminaire, dans le cadre du bon déroulement des sessions du Conseil, l'article 16 § 1 du règlement intérieur du Conseil exécutif dispose qu' : « après l'élection des nouveaux membres du Conseil par la Conférence générale (...), le Conseil constitue en son sein les commissions et les comités permanents nécessaires à l'accomplissement de sa tâche, tels que la Commission financière et administrative, la Commission du programme et des relations extérieures, le Comité spécial, le Comité sur les conventions et les recommandations, et le comité sur les partenaires non gouvernementaux. » 99 BATTISTELLA D., PETITEVILLE F., SMOUTS M. & VENNESSON P., Dictionnaire des Relations internationales, 2012, Paris, Dalloz 3e éd., pp 365-366. 53 Ces organes subsidiaires permanents du Conseil sont destinés à alléger ses travaux pour faciliter l'adoption des projets de décisions recommandés par chacun d'eux. Dans le cadre des Commissions, le Conseil répartit entre celles-ci les points correspondant aux attributions qui leur sont implicitement dévolues par leur titre respectif. Ainsi la Commission du programme et des relations extérieures (appelée au sein de l'UNESCO sous le terme technique de « Commission PX ») se charge des programmes touchant les grands secteurs de l'UNESCO ainsi que les relations extérieures. Par exemple il se charge d'examiner les points concernant les relations avec les autres institutions de la famille des Nations-Unies100. La Commission PX a un domaine de compétence plus élargi concernant les points à traiter. A la différence des autres organes subsidiaires qui, pour leur part respectif ont un mandat plus spécifique101. Les sessions du Conseil exécutif sont caractérisées par des séances plénières102, les plénières des Commissions ainsi que des séances privées conformément à l'article 28 du règlement intérieur du Conseil exécutif. Sur le déroulement des sessions en Commission, il a été observé que le mécanisme se caractérisait par : - La présentation et l'explication du point à examiner par un représentant qualifié en la matière (il peut s'agir du personnel du Secrétariat ou du Directeur général adjoint). - L'ouverture du débat aux membres par le président du Conseil exécutif103. - L'examen du projet de décision joint au point à examiner : cet examen se fait paragraphe par paragraphe afin de permettre aux Etats ayant préparés un ou des amendement (s) au texte de le soumettre pour approbation par les membres. 100 Conseil exécutif de l'UNESCO (2018) Commissions [en ligne]. Disponible sur : < http://www.unesco.org/new/fr/executive-board/commissions/#irfaq_1_608af > [Consulté le 05 mai 2018]. 101 Par exemple la Commission Financière et Administrative (FA) est généralement saisie de questions d'ordre technique. Voir en ce sens, l'annexe X sur les Commissions § 27, p.101. 102 Cette plénière se réunit en général les trois premiers jours de l'ouverture du Conseil, pour déterminer par exemple les points à attribuer aux Commissions, ainsi que les deux derniers jours pour adopter les projets de décisions recommandés par les Commissions. Voir en ce sens : Le Conseil exécutif de l'Unesco (2018) La plénière [en ligne]. Disponible sur : < http://www.unesco.org/new/fr/executive-board/plenary/ > [Consulté le 05 mai 2018]. 103 Voir annexe VI sur la conduite des débats, p.95. 54 - L'adoption du projet de décision dans son intégralité tel qu'amendé ou non : sur la base d'un consensus par le ou la présidente des séances. Cette adoption préliminaire est effectuée en vue de la transmission du projet de décision à la plénière pour une adoption finale conformément à l'article 47 du règlement intérieur du Conseil exécutif. Afin d'analyser comment se manifeste ce multilatéralisme relativement nuancé, une pratique mérite d'être évoquée. Il s'agit de la pratique du Consensus dans les instances onusiennes et plus spécifiquement au sein de l'UNESCO, à travers les organes subsidiaires du Conseil exécutif. Cette pratique se révèle être protectrice de la souveraineté des parties prenantes puisqu'elle permet de favoriser le dialogue sans heurter l'opinion de chaque Etat. 1- La pratique du consensus comme moyen de dialogue Le consensus relève de la pratique internationale. Il repose sur des notions floues que la doctrine a essayé de définir selon deux critères. L'auteur Guy de LACHARRIERE s'est employé à démontrer que la notion de consensus désigne dans un premier temps « le principe selon lequel un organe prend ses décisions » et dans une autre acception il s'agirait d'une « sorte d'acte, une certaine espèce de conclusion des délibérations. »104 c'est-à-dire que la notion de consensus désigne d'une part, une pratique ou un procédé interétatique au sein d'un organe international. D'autre part, il peut aussi être le résultat de cette pratique, matérialisé en décisions que les membres de l'organe ont adopté. Si le consensus n'est prévu par aucun texte de droit positif, l'auteur Hervé CASSAN précise cependant qu'il ne faut pas que « cette double signification de la notion de consensus » soit « exagérément généralisée », pour lui « l'utilisation du terme de consensus au sens matériel revêt une signification essentiellement politique. » en effet, selon ce même auteur, le consensus désigne des documents que certains Etats ont eu des réticences à vouloir adopter formellement mais qui démontrent quand-même leur volonté « d'élaborer un accord général, susceptible de refléter les vues de la Communauté internationale dans son ensemble et dont l'adoption ne se heurterait à l'opposition d'aucun d'entre eux. » 105 104 LACHARRIERE G., « Consensus et Nations unies », in Annuaire français de droit international, volume 14, 1968, pp. 9-14. 105 CASSAN H. « Le consensus dans la pratique des Nations Unies », In Annuaire français de droit international, volume 20, 1974, p. 457. 55 Cette pratique va permettre en quelque sorte de favoriser le dialogue entre les pays développés et ceux en développement puisqu'elle permet d'éviter une certaine suprématie d'un groupe d'Etats majoritaire vis-à-vis d'autres Etats membres. Il s'agira d'aboutir à un accord général rassemblant le plus grand nombre d'Etats possible sans qu'il n'y ait besoin de recourir à un vote (qui sera le dernier ressort possible en cas d'opposition flagrante entre les antagonistes). Cependant, le consensus ne signifie pas unanimité, il peut y avoir des divergences d'opinion dans ces décisions. La différence est que, lorsque l'on procède à un vote on peut distinguer clairement qui sont pour, qui sont contre et qui préfèrent choisir l'abstention. Dans le cadre du consensus où le vote est absent, on ne peut cependant pas distinguer les positions de chaque Etat car le consensus reflète uniquement l'avis général sans distinction d'opposition formelle. L'auteur souligne également le rôle important des présidents des organes dans la pratique du consensus. Si on applique ce raisonnement au cadre du Conseil exécutif, il s'agira des présidents du Conseil exécutif et des Commissions plénières. En effet, la pratique au sein de l'UNESCO révèle que les Etats membres de la Commission PX par exemple, laissent au président le soin de dégager lui-même les résultats d'une discussion, de résumer un débat ou de faire un rapport oral une fois les travaux achevés. Cependant, comme le souligne L'auteur Hervé CASSAN : « ce n'est qu'après avoir constaté l'absence d'objection des Etats membres qu'il pourra considérer que le texte a été approuvé par consensus. » La question du consensus dans le cadre de l'action des membres du Conseil exécutif est donc essentielle à l'accomplissement de leur prise de décision. En effet, cela va favoriser le dialogue et permettre ainsi de s'accorder de façon multilatérale dans le cadre de la réalisation de leur mandat au sein du Conseil. Cependant, en fonction des points à traiter il peut arriver que le consensus dégagé ne soit pas réellement le reflet des opinions exprimées par les Etats membres et cela se reflète dans les projets de décisions adoptés. 56 a- Sur le projet de plan d'action pour l'examen approfondi du Programme Mémoire du monde Sans rappeler le contexte très politique et les étapes historiques ayant conduit à la réforme du Programme Mémoire du monde (qui a par ailleurs été étudié durant les mécanismes préparatoires106), on a pu observer au cours des débats entre les Etats membres et le Secrétariat, qu'il y a eu un maintien de la volonté collective de mettre fin à la politisation du Programme et de l'Organisation en général. Néanmoins, sur d'autres aspects de fond et de procédure, les positions des Etats membres étaient divisées entre les Etats accueillant favorablement ce projet de plan d'action et ceux qui l'accueillant avec une certaine réserve. Aussi, si certains Etats s'allient sur le droit fil de leur Groupe électoral pour exprimer une position commune, d'autres au contraire adoptent leur propre position sur la question. A ce titre, par exemple l'un des pays à l'origine de cette réforme du Programme Mémoire du monde, a émis son soutien ferme vis-à-vis de ce projet de plan d'action en validant l'intégralité des étapes du processus ainsi que le gel des inscriptions au Registre dudit programme proposé par la Directrice générale pendant toute la durée du processus d'examen. Une majorité de pays au contraire ont émis des doutes quant à l'implication des Etats membres dans le processus. En effet, certains Etats membres du GRULAC (Groupe III) et du Groupe V (a) et (b) par exemple ont tous mis en exergue la nature intergouvernementale de l'UNESCO et la nécessité que ce processus d'examen approfondi parte de la volonté et de la consultation des Etats membres. Et ceci même s'ils prennent en compte la désignation par la Directrice générale d'experts facilitateurs externes à l'Organisation. Experts facilitateurs qui sont d'ailleurs chargés de favoriser la compréhension par les Etats membres des documents provenant du Comité Consultatif International. Vu la nature très sensible et importante de ce programme, ils cherchent à ce qu'il y ait un certain équilibre concernant les consultations entre les Etats membres, les Commissions nationales ainsi que le secrétariat, avec un rôle plus prononcé des Etats. 106 Cf. supra, partie A., 3., b., ii., p.36. 57 En effet, dans le projet de plan d'action seules une consultation en ligne par voie de questionnaire électronique ainsi que la soumission d'un rapport pour examen par les Etats membres à la 205e session du Conseil exécutif est prévue par le secrétariat afin que les Etats membres soient impliqués dans le processus. On peut retenir ici que la majorité des Etats membres, dans un souci de transparence, d'impartialité et de dialogue ont exprimés leur souhait d'être plus impliqués dans le processus de Réforme de ce Programme. Ils ont même évoqué le principe de la répartition géographique équitable, en ce sens que doivent être inclus dans ce processus tous les groupes électoraux et pas seulement quelques-uns d'entre eux. Il a d'ailleurs été rappelé par la plupart de ces pays que le Registre de la Mémoire du monde est un programme très sensible et important pour eux. Le fait est que l'inscription à ce registre favorise une visibilité accrue des Etats membres mais il permet aussi au reste du monde et surtout à la jeunesse d'avoir un accès au patrimoine documentaire. Ce propos ayant été évoqué par un Etat membre du Groupe Afrique, on ne peut que s'interroger sur l'existence d'une certaine méfiance de la part de certains Etats à l'adresse non seulement du Secrétariat mais aussi de certains pays dans ce processus. Pour se faire, on évoquera deux hypothèses de réponses. La première serait que si les Etats ont évoqué le critère de la répartition géographique c'est uniquement dans une volonté inclusive de mener à bien le processus de réforme. La seconde hypothèse serait que certains Etats membres ne se sentent pas du tout impliqués dans le processus qui profite seulement à une minorité d'entre eux. Ce qui justifierait une certaine méfiance de leur part. On trouve ici une illustration de l'analyse de l'auteur Hervé CASSAN concernant le phénomène d'hégémonie107 d'un certain groupe d'Etats qui pourrait se présenter sur la scène internationale. On voit s'illustrer également la position commune du Groupe Africain observé dans le cadre des mécanismes préparatoires108. En effet, ils insistent sur une implication poussée des Etats dans le processus. 107 « Politiquement, le développement de la pratique du consensus doit être rattaché à la persistance des antagonismes que connaît la Société internationale. De ce point de vue, elle se présente comme un moyen d'éviter que ne se constitue au sein des Organisations internationales un phénomène d'hégémonie d'un groupe d'Etats majoritaire sur les autres membres de la Communauté internationale. » (CASSAN H., « Le consensus dans la pratique des Nations Unies ». In : Annuaire français de droit international, volume 20, 1974, p. 457). 108 Cf. supra, Partie A.,3., b., ii., p. 39. 58 Par conséquent, le consensus s'est reflété dans le projet de décision examinée par la Commission PX109, auquel des amendements ont été rajoutés afin qu'il y ait mention d'une reconnaissance de « la valeur universelle du Programme Mémoire du monde » justifiant de l'aspect inclusif recherché par certains Etats membres dans ce processus. D'ailleurs un autre paragraphe (6) de la décision amendée reflète la requête des Etats membres quant à une consultation accrue de ces derniers dans ce processus d'examen approfondi du Programme Mémoire du monde. On retrouve ici une illustration des propos de l'auteur Guy de LACHARRIERE concernant le second critère de la notion de consensus. Notamment, le reflet du consensus dans le document adopté en lui-même. Si le degré de consensus semble avoir été atteint dans le cas précédent, il peut arriver cependant que le consensus soit réellement atteint de façon unanime dans d'autres situations. 2- Les cas de consensus absolu a- L'évolution des points concernant la Palestine et les territoires arabes occupés Sur certains sujets encore plus délicats et politiques. Comme ce fut le cas des points concernant « la Palestine occupée »110 et « les institutions éducatives et culturelles dans les territoires arabes occupés ». Il a été observé que les Etats membres du Conseil exécutif ont adopté une position commune lors de cette 204e session. On relève même le passage d'une tendance consensuelle relative à l'unanimité absolue. En rappel du contexte sur le cas de la Palestine. Depuis son adhésion à l'UNESCO en 2011, plusieurs décisions ont été adoptées ce qui a suscité des réactions d'Israël conduisant aux retraits de celui-ci et de son allié stratégique, les Etats-Unis. Parmi ces résolutions, il y a par exemple celle de 2016 à l'initiative de plusieurs pays du Groupe arabe. 109 Voir document 204 EX/8, p.3 pour le projet de décision provisoire et document 204 EX/36, p.9 pour le projet de décision amendé et recommandé pour adoption par la Commission PX à la plénière. 110 Projets de décisions 204 EX/25 et Addendum. 59 Le conseil exécutif de l'Unesco avait adopté une décision sur la « Palestine occupée » visant à « sauvegarder le patrimoine culturel palestinien et le caractère distinctif de Jérusalem-Est »111. Autre exemple, un projet de décision de 2017 portant sur le statut de Jérusalem présente l'Israël comme étant une « puissance occupante » a été également adopté en plénière par le Conseil exécutif112. Cette situation a affaibli considérablement l'Organisation du point de vue financier mais aussi de son image vis-à-vis de la communauté internationale. En effet, elle a été qualifiée d'avoir un « parti-pris anti-israélien » et d'être politisée113. L'UNESCO a donc décidé d'y remédier en facilitant les négociations entre les parties114 tout en affirmant sa volonté profonde de mettre fin à sa politisation. En effet, il a été décidé en Commission PX que l'adoption de ces deux projets de décisions se fasse à l'unanimité sans vote et sans débat vue les natures très sensible et politique de ces points. L'accord technique qui a été décidé fut celui de transmettre les points en question à la 205ème session du Conseil exécutif à l'automne prochain115. Cette décision fut accueillie avec acclamation par tous les Etats membres. Il a d'ailleurs été énoncé par la délégation d'Israël qu'« il fallait laisser les débats politiques là où ils devraient être » c'est-à-dire au sein de l'ONU qui est l'instance politique compétente en la matière. Ce qui nous amène à nous pencher sur la valeur du principe de non-intervention de l'UNESCO dans le cadre des séries de résolutions adoptées antérieurement à l'actuelle décision du Conseil exécutif. 111 Il s'agit de la décision 199 EX/PX/DR.19.1 Rev. Voir en ce sens : Conseil exécutif de l'UNESCO (2018) Documents actuels [en ligne]. Disponible sur : < http://unesdoc.unesco.org/images/0024/002443/244378f.pdf > [Consulté le 09 mai 2018]. 112 Décision 201 EX/PX/DR.30.1. Conseil exécutif de l'UNESCO (2018) Documents actuels [en ligne]. Disponible sur : < http://unesdoc.unesco.org/images/0024/002481/248139f.pdf > [Consulté le 09 mai 2018]. 113 Selon le communiqué du département d'Etat américain. Le Monde.fr avec AFP (2017) Les Etats-Unis et Israël quittent l'Unesco, accusée d'être « anti-israélienne », Le Monde.fr [en ligne]. Disponible sur : < http://www.lemonde.fr/international/article/2017/10/12/les-etats-unis-se-retirent-de-l-unesco_5199987_3210.html#uFe4HotGv1juxcYF.99 > [Consulté le 6 mai 2018]. 114 Ces parties prenantes sont les délégations jordanienne, américaines, l'Union Européenne, la Palestine et Israël. 115 204 EX/Décisions Non édité, pp.31-35. Conseil exécutif de l'UNESCO (2018) Documents et décisions [en ligne]. Disponible sur : < http://unesdoc.unesco.org/images/0026/002628/262851f.pdf > [Consulté le 10 mai 2018]. 60 i) Valeur juridique du principe de non-intervention sur les
points concernant la En droit international, la doctrine s'est attachée à définir cette notion selon différents critères. Ce qui fait que sa signification réelle varie selon le point de vue des auteurs. Entre autres, l'auteur Benedetto CONFORTI116 s'est employé à faire une distinction entre les définitions classique et contemporaine du droit international. En effet selon lui : « Dans le droit international classique, l'intervention était définie comme l'ingérence « autoritaire » (dictatorial) d'un Etat dans les affaires intérieures ou internationales d'un autre Etat ; si l'ingérence consistait seulement dans des menaces, l'on parlait d'intervention diplomatique ; si l'on arrivait (...) à des actions concrètes, on parlait d'intervention armée. » Dans les deux cas et quelles que soient les règlementations du droit international classique régissant ces pratiques, l'auteur rajoute cependant que celles-ci : « sont largement interdites par le droit international contemporain, tel qu'il est développé sur la base de l'article 2§4 de la Charte de l'ONU.117 » Enfin selon le même auteur : « l'interdiction de la menace et de l'emploi de la force n'est pas un aspect du principe de non-intervention dans les affaires intérieures et internationales d'un autre Etat » il s'agit d'une « règle très générale du droit international actuel. » En d'autres termes, dans le droit international classique l'intervention était caractérisée par une immixtion d'un Etat dans les affaires intérieures ou internationales d'un autre Etat. Soit par le biais de la menace soit par la force et qui pouvaient être justifiées. Cependant dans le droit international contemporain, elles sont largement interdites et ne concernent pas le principe de non-intervention. 116 CONFORTI B., « Le principe de non-intervention » in Droit international : bilan et perspectives ss. la dir. de BEDJAOUI M., 1991, Paris, Pedone, pp. 490-491. 117 En effet cette disposition interdit la menace ou l'emploi de la force contre la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de tout État. 61 Concernant les organisations internationales et leurs Etats membres, l'article I § 3 de l'Acte constitutif de l'UNESCO dispose que : « Soucieuse d'assurer aux Etats membres de la présente Organisation l'indépendance, l'intégrité et la féconde diversité de leurs cultures et de leurs systèmes d'éducation, l'Organisation s'interdit d'intervenir en aucune matière relevant essentiellement de leur juridiction intérieure. »118 En d'autres termes, l'UNESCO s'interdit de s'immiscer dans les affaires relevant de la souveraineté des Etats membres. Cet article est formulé de la même manière que l'article 2 paragraphe 7 de la Charte des Nations unies disposant qu': « Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte ». Mais alors qu'est-ce qui relève du domaine réservé de l'Etat dans les relations entre Organisations internationales et Etats membres119 ? Si elle n'est qu'implicitement évoquée dans l'Acte constitutif de l'Unesco et la Charte, l'article 15 § 8 du pacte de la SDN pose le principe selon lequel : « (...) si le Conseil reconnaît que le différend porte sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive de cette Partie, le Conseil le constatera dans un rapport, mais sans recommander aucune solution. ». Le fait est qu'il apparaît de plus en plus difficile de quantifier le domaine réservé à un Etat. Et ceci à cause de l'extension des activités des Organisations internationales. En effet, selon M. Nico SCHRIJVER, le domaine réservé « a une valeur relative et ne peut s'exercer que dans les limites du droit international contemporain en matière de paix, de droits de l'homme, de coopération économique et de protection de l'environnement. Certains aspects nouveaux du droit international de l'environnement, telles les obligations afférentes aux principes de souveraineté permanente sur les ressources naturelles et d'équité intergénérationnelle, relèvent du champ d'activité de l'UNESCO. Ces principes sont quelques-unes des pierres angulaires de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel ».120 118 UNESCO, Textes fondamentaux, 2018, Paris, éd. UNESCO, p.7. 119 SCHRIJVER N., « Le rôle de l'UNESCO dans la formation et l'application du droit international : évaluation », in L'action normative à l'UNESCO ss. la dir de ABDULQAWI A. Y., 2007,Paris, Unesco, p.386. 120 SCHRIJVER N., « The Changing Nature of State Sovereignty », BYIL, 70, 1999, pp.65-98. 62 On peut donc déduire que le domaine réservé aux Etats est désormais limité par les obligations et les valeurs erga omnes nécessitant une obligation de coopération mondiale, par exemple dans le cadre de la protection des domaines relevant du patrimoine mondial. Comme les points sur la « Palestine occupée » et « les territoires arabes occupés » concernent en grande partie les domaines du patrimoine mondial121. Au vu de l'adoption par l'Organisation de ces séries de résolutions antérieures. Peut-on dire qu'elle a outrepassé son mandat ? Au vu de la nature très sensible de ces points, deux hypothèses pourront être formulées en se basant sur les positions exprimées par les protagonistes. Du point de vue d'Israël et de ses alliés, il s'agit d'une intervention dans les affaires internes et internationales du pays et de facto une politisation de l'Organisation. Du point de vue de la Palestine et de ses alliés, ces domaines relèvent de la compétence de l'Organisation, ce qui justifierait l'examen et l'adoption de ces points antérieures. Si au cours de cette 204e session du Conseil exécutif, les Etats membres se sont entendus d'un commun accord et à l'unanimité que les affaires politiques devaient se discuter à l'ONU, on pourrait envisager que l'Organisation avait en quelque sorte outrepassé son mandat. Ce qui justifierait cette volonté de mettre réellement fin à sa politisation et de restaurer son universalité. Bien sûr, l'Organisation se doit d'assurer son mandat en effectuant sa mission d'assistance et de suivi dans la protection du patrimoine mondial. Néanmoins, elle ne peut le faire qu'à la demande des Etats intéressés (Article 1 § 2 c. de son Acte constitutif). Et son rôle ne devrait donc se cantonner qu'à cela afin d'éviter les incidents diplomatiques et les tensions politiques. Dans d'autres cas, le consensus peut aussi être atteint concernant d'autres points stratégiques examinés au sein de la Commission PX. Ce fut le cas par exemple lors de l'adoption du DR de Madagascar concernant « l'Education Physique de qualité » ou encore du DR du Japon concernant « l'éducation en vue du développement durable (EDD) après 2019 ». Ces deux points ont été adoptés sans vote, ni débat et de ce fait par acclamation. Ce qui ne fera qu'assurer la visibilité stratégique de ces porteurs d'idées. Consensus plus ou moins implicite ou encore absolu dans la pratique des instances multilatérales. Au vu des enjeux et intérêts en présence, l'UNESCO est en proie à des risques de politisation. 121 D'autres points concernant les domaines de l'éducation et de la communication sont également mentionnés dans ces décisions. Voir en ce sens les décisions de la 201e session du Conseil exécutif, pp. 39-43. Disponible sur : < http://unesdoc.unesco.org/images/0024/002489/248900f.pdf > 63 Ce qui a incité la nouvelle Directrice générale à proposer une réforme stratégique de l'Organisation en continuité des réformes déjà entreprises depuis les années 2000. |
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