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La francophonie et son expression dans la poésie de Léopard Sédar Senghor


par Adou Valery Didier Placide Bouatenin
Université Félix Houphouet-Boigny  - Doctorat  2019
  

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CONCLUSION

Les différentes définitions et le manque de théorie réelle en Francophonie autorisent les interprétations diverses, et les usages les plus multiples, permettant, ainsi, une méconnaissance de ce que devrait être exactement la Francophonie. De nombreuses études ont tenté de la légitimer, voire de la rendre plus explicite, sans vraiment convaincre. Elle cherche à se doter d'un véritable fondement théorique qui fera l'unanimité de tous ; et pourtant il continue d'exister un désaccord chez les personnes censées être Francophones. Les avis et les conceptions sont partagés. Il fallait de nouvelles pistes de réflexions ou actualiser celles déjà faites pour mieux la cerner. C'est dans cette logique que s'est inscrite notre étude dont le thème est « La Francophonie et son expression dans la poésie de Léopold Sédar Senghor ». Comme le mentionne le thème de notre étude, il était question d'observer comment la poésie de Senghor met en évidence le concept de Francophonie. Mieux, il s'agissait d'étudier son fonctionnement dans l'oeuvre de celui qui l'a plus plébiscitée. Par ailleurs, il s'agissait, également, de savoir qui peut être appelé Francophone, et, aussi, de définir les caractéristiques de la poésie francophone.

Pour cela, il fallait avoir une définition exacte de la Francophonie ou dire ce qu'elle représente vraiment depuis son emploi premier par Onésime Reclus, en passant par la revue Esprit de 1962 et par Senghor pour arriver aux oeuvres poétiques de celui-ci. Nous nous sommes dit qu'elles (les oeuvres poétiques) sont les mieux placées pour mettre en lumière le concept de Francophonie. De ce fait, nous sommes parti du constat, selon lequel le concept de Francophonie, créé par Onésime Reclus fut réinventé par Léopold Sédar Senghor pour en faire une vision humaniste, et un concept de partage et d'échange culturel. Partant également de l'hypothèse que Senghor renouvelle la Négritude en vue de forger la Francophonie, comprise comme un instrument au service du dialogue interculturel, nous avons décidé de mener la réflexion autour de trois grands points, à savoir La Francophonie, un concept sauvé de ses cendres ; La Francophonie dans la poésie de Léopold Sédar Senghor ; et La francophonie, une problématique identitaire chez Léopold Sédar Senghor.

Dans la première partie, nous avons tenté de comprendre le fonctionnement de la Francophonie chez Onésime Reclus, dans la revue Esprit et sans oublier chez Léopold Sédar Senghor. Nous avons montré qu'elle est un concept d'enracinement et d'ouverture. Trois chapitres ont donc meublé cette partie.

Il est ressorti que la Francophonie, chez Onésime Reclus, était la solution idoine au déclin de la langue française dans le monde, et une communauté de colonies françaises sur laquelle la France devrait compter pour le rayonnement et l'universalité de sa langue, par le biais de l'assimilation des colonies. Avec Onésime Reclus, la Francophonie était l'expression de l'expansion française, c'est-à-dire de sa culture et de sa langue.

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Dans la revue Esprit, les auteurs manifestaient leur volonté de construire une communauté culturelle, linguistique et politique, incluant la France, le Canada et la Belgique ainsi que les anciennes colonies françaises et belges, pour la défense et l'illustration de la langue française, car cette langue n'était plus la propriété exclusive de la France, mais de tous les pays, voire de tous les peuples, qui en font usage quotidien.

Chez Senghor, elle n'était qu'un concept résultant de la symbiose entre la Francité et la Négritude, né sur les cendres de la Communauté française, dont le but était de valoriser la fécondation du français par les langues africaines ainsi que l'échange fraternel entre les cultures. Ce qui signifie que la Francophonie chez lui est la valorisation de la langue française, dans la diversité de ses expériences et cultures qu'elle porte. Senghor va sauver la Francophonie d'Onésime Reclus de ses cendres et la recarder selon sa vision de la Civilisation de l'Universel. Par ce concept, Senghor appelle toutes les nations qui font usage du français à réaliser la communauté voulue par la revue Esprit.

De cette partie, nous retenons que la Francophonie, depuis son origine reclusienne, était une invitation à l'enracinement et à l'ouverture. Elle nous invite à avoir une base culturelle solide chez soi pour mieux s'ouvrir à l'autre. Qu'elle soit d'Onésime Reclus ou de la revue Esprit ou bien de Senghor, la Francophonie était donc, à la fois, un concept et une communauté de défense et d'illustration de la langue française, voire un concept de métissage et de symbiose, et complémentarité.

La deuxième partie a été le lieu de déterminer les raisons plausibles qui ont fait basculer Senghor de la Négritude à la Francophonie, mais surtout de cerner les caractéristiques de la Francophonie dans la poésie senghorienne afin de confirmer que celle-ci était le manifeste ou l'expression de la Francophonie. Il a été, également, question de montrer que la Francophonie est l'expression de la Civilisation de l'Universel. Trois chapitres ont permis d'appréhender la Francophonie senghorienne.

Le choix senghorien de la Francophonie était non seulement d'ordre historique, mais aussi personnel et culturel. Parce que la France (l'Europe) et les autres pays où le français est parlé (l'Afrique) ont une histoire commune, des impositions culturelles propres, des modalités d'expression de leurs identités cousines, ceux-ci ont décidé de se mettre ensemble. Mieux, parce qu'ils ont eu le même type d'affirmation de ce qu'était la réalité de leur identité, c'est-à-dire le métissage, ils ont envisagé de former une communauté culturelle de parlants français. La Francophonie est ainsi née. Elle est une somme de liens tissés entre différents peuples, librement acceptés par tous, au cours d'une rencontre historique, et qui ont décidé de converger tous, ensemble, vers un même idéal. Par la Francophonie, Senghor entendait concilier l'homme noir et l'homme blanc dans une parfaite harmonie, parce que l'histoire l'a voulu ainsi.

L'autre raison avancée par Senghor était d'ordre personnel, et cela concernait la langue française. Bien que la langue française soit une langue de clarté et de précision, Senghor a voulu en faire une langue rationnelle et intuitive. Pour cela, il a fallu qu'il introduisît des vocables de son terroir dans la langue française. Nous avons appelé ce nouveau type de langue le français africanisé, et il devrait être la langue des francophones, puisqu'il est une langue non française non africaine,

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mais les deux à la fois. Sur le plan culturel, la Francophonie, voulue par Senghor, était cette Négritude conciliable avec une hybridité culturelle qui fait des valeurs spécifiques dont était porteur le peuple noir une alliance avec les valeurs occidentales pour une donnée positive. Elle était une version de la Négritude senghorienne qui s'était élargie avec le temps au métissage des cultures par sa rencontre avec la Francité, pour aboutir à la Civilisation de l'Universel. Cette Civilisation de l'Universel est le fruit de l'union des civilisations africaine et occidentale qui ont donné toutes leurs contributions afin que cette civilisation se transmute en Francophonie. Pour cela, elle doit briser les remparts de la différence, de la supériorité, les frontières entre Nations, États et peuples pour n'établir que l'égalité, la complémentarité, le rapprochement et l'unité dans la diversité.

La Francophonie est le fait d'accepter la civilisation des Blancs tout en l'adaptant aux réalités africaines. De ce fait, nous pouvons dire que le choix de la Francophonie est dû au constat que les Noirs (les Africains) peuvent apporter leur contribution à la Civilisation de l'Universel. Cette contribution serait l'apport de leur rythme, de leur chaleur émotionnelle, de leur culture et de leur intuition. Pour construire la Civilisation de l'Universel, c'est-à-dire la Francophonie, il faut à la raison discursive (la Francité) la contribution de la raison intuitive (la Négritude). Le mélange de la Francité et de la Négritude était souhaitable pour faire advenir une humanité renouvelée, une civilisation panhumaine.

Nous notons aussi que Senghor a ressenti le besoin, au plus profond de lui-même, de fonder une assemblée de tous les peuples de la terre, voire de toutes les races ; une communauté à la fois composite et homogène ; une communauté où tous les hommes seront frères ; une communauté organisée et structurée, en vue de défendre et d'illustrer une langue française fécondée par les apports linguistiques divers afin de la rendre plus universelle. Elle était le résultat d'une histoire, celle de la France et ses colonies et protectorats ; de l'idéal d'un homme, celui de Léopold Sédar Senghor ; d'une symbiose culturelle et d'une langue métisse. En d'autres mots, la Francophonie senghorienne désignait tous les locuteurs de la langue française, qui en ont hérité par l'histoire, qui l'ont choisi ou plus simplement l'aiment sans pour autant le maîtriser, et qui l'enrichissent chaque jour de leurs apports linguistiques et culturels sur les cinq continents, et qui ont décidé, également, de partager ensemble des valeurs humanistes héritées de la Francité et de la Négritude. La Francophonie senghorienne consiste à s'enraciner dans les valeurs de la Négritude et de la Francité et à s'ouvrir à d'autres valeurs par complémentarité.

La dernière partie de la réflexion est portée sur la question identitaire chez Léopold Sédar Senghor et sur la poésie francophone. Pour répondre à nos préoccupations dans cette partie, nous avons reparti l'analyse en quatre chapitres.

Abordant la question identitaire chez Senghor, nous avons mis en évidence son identité rhizomique, son identité constituée et son identité francophone. Parlant de l'identité rhizomique, nous avons mis au jour que le sang était pour lui la meilleure preuve justificative de son identité. Par le sang, il se trouvait être le descendant d'un ancêtre portugais. Cependant, il reconnaissait avoir aussi du sang nègre dans ses veines. Ce qui sous-entend qu'il était un sang-mêlé, autrement dit un métis biologique. Par l'identité rhizomique, Senghor avouait avoir une multiple identité. Pour cette raison,

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il se devrait se constituer sa propre identité. C'est ainsi, il fit l'expérience de l'identité de l'entre-deux, et découvrit qu'il était à la fois écartelé entre plusieurs cultures (sérère, peule, mandingue, sénégalaise, africaine, portugaise, française, européenne), entre la race blanche et la race noire. Il décida d'assimiler les cultures qui l'écartelèrent, sans être lui-même assimilé. Ce processus d'acculturation reflète la situation d'une personne décomplexée et résignée à accepter ce qu'elle est, et de vivre en elle ces cultures dans un accord harmonieux. Ce processus convoque l'identité acculturée.

Chez Senghor, l'identité acculturée ne pouvait qu'être l'identité francophone, parce que le Francophone est ce métis culturel qui exprime une identité dans un accord harmonieux de plusieurs éléments identitaires de différentes cultures en contact. Par contre, il estimait que l'identité francophone doit se fonder sur deux valeurs, à savoir une valeur humaniste et une valeur culturelle. En épinglant l'humanisme et la culture à l'identité francophone, Senghor invitait les Francophones à accepter l'autre et sa culture dans sa différence et dans sa diversité pour converger tous, ensemble, vers la Civilisation de l'Universel, vers une société panhumaine, faite des apports de chaque locuteurs du français. Pour lui, l'identité francophone est caractérisée par l'amour des hommes et par la culture. L'on acquiert donc l'identité francophone lorsque l'on prend conscience que cette identité est la volonté de faire concilier l'ipséité et l'altérité chez soi dans la langue française enrichie des apports linguistiques autres que français. Mieux, le Francophone est aussi celui qui s'abreuve dans sa culture d'origine et s'ouvre à la culture de l'autre. Il est celui qui est au service de l'autre, de l'homme en vue de le rendre plus humain. N'oublions pas, cependant, qu'il est également de l'entre-deux culturel. Chez Senghor, le Francophone est à la fois celui qui enrichit la langue française avec ses apports linguistiques, et qui parle une autre langue à côté du français.

Léopold Sédar Senghor affirme sans complexe son identité francophone, et qualifie sa poésie de poésie francophone. D'où notre intérêt de mettre au jour les caractéristiques de cette poésie. Cette poésie est élaborée par des poètes qui veulent apporter leur contribution à la langue et à la poésie françaises. Elle est, selon Senghor, une poésie française accomplie et intégrale, universelle, ouverte aux pollens culturels de toutes les civilisations et aux différentes idéologies. Mieux, elle est une poésie française enrichie par des apports divers de chaque usager de la langue française. Elle a pour leitmotiv l'utilisation de la langue et les références culturelles françaises mêlées aux sujets historiques et éléments culturels, autres que français. C'est pourquoi, Senghor affirme qu'elle est une poésie nègre qui ne renonce pas d'être française. Autrement dit, la poésie francophone est à la fois une poésie nègre et une poésie française. Cette conception de la poésie francophone a eu des précurseurs, et a pris ses racines au 16ème siècle pour trouver écho favorable chez Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire avant d'avoir ses lettres de noblesse chez les poètes négro-africains. Elle est également une poésie métisse. Cette poésie aux contours difficiles à déterminer, puisqu'elle est traversée par des courants poétiques divers, se veut une poésie hautement humaine, parce qu'elle concourt à rendre l'homme intégralement humain.

Nous disons que la poésie francophone, selon la vision senghorienne, est une poésie ontologique, symbolique, rythmique et mythopoétique, et qu'elle porte le sceau d'une quête

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identitaire, car elle est écrite par des personnes qui sont à la croisée de deux cultures ou par des personnes influencées culturellement. De ce fait, toutes les oeuvres poétiques qui revendiquent un double héritage culturel, (dans le cas de Senghor, la Négritude et la Francité), doivent se comprendre comme relevant de la poésie francophone.

Pour mener à bien notre réflexion, nous avons recouru à la psychocritique de Charles Mauron. Il s'agissait de relever les faits et les relations issus de la personnalité inconsciente de Léopold Sédar Senghor afin de mettre au jour les éléments de réponse ou les motivations qui ont préludé au concept de Francophonie. Nous avons utilisé, par moment -tel n'a toujours pas été le cas dans cette étude-, la théorie de la subjectivité de Catherine Kerbrat-Orecchioni afin d'apporter des explications à notre analyse. Ces deux méthodes sont en fait complémentaires. Elles ont permis de rechercher les mécanismes scripturaux qui ont mis en évidence le concept de Francophonie dans la poésie senghorienne, et de déduire que Senghor a bel et bien tracé les grandes lignes de son projet panhumain dans sa poésie.

Ce projet n'est rien d'autre que la Francophonie, l'expression de deux grands humanismes, à savoir la Francité et la Négritude. Nous avons, aussi, retenu que sa poésie est non seulement une poésie de la Négritude, mais également de la Francophonie. Elle est, chez lui, la réponse au problème identitaire des locuteurs en situation de l'entre-deux culturel. Cette Francophonie annihile toute frontière géolinguistique pour devenir un élément unificateur des peuples et des nations de diverses cultures et civilisations au service de la langue française.

Par ailleurs, la poésie francophone, loin d'être une poésie faite par des auteurs non Français, est une poésie française transmutée, une poésie intuitive, rationnelle, métisse et hautement humaine. Ce qui fait cette poésie et la Francophonie est la langue française fécondée des particularismes linguistiques divers. Elle (la langue française) appartient à tous ceux qui en font usage et qui l'enrichissent de leurs apports et créations personnels sans altérer sa logique et sa clarté. Cette langue partagée est une langue intuitive et rationnelle (émotion et raison).La psychocritique veut que l'on termine l'étude par la comparaison des résultats obtenus à la biographie de l'auteur. Ce qui est facultatif, puisque la vie de l'écrivain n'est relatée qu'à titre de contrôle. Cependant, elle mérite d'être abordée dans une telle étude. Nous avons dit que Senghor se présente comme un Francophone (poète francophone). Cette image est son mythe personnel. Elle est l'invariant qui structure toute sa création poétique. En fait, le poète francophone est ce métis culturel et linguistique, et dont sa poésie revendique ce double héritage. En nous référant à la biographie de Senghor, on constate qu'il est considère comme un poète, écrivain et homme politique franco-sénégalais. D'ailleurs, il obtint la nationalité française en 1933 afin de passer l'agrégation de grammaire. Il est, également, élu, le 5 septembre 1960, Président de la République du Sénégal. Par ailleurs, il est né au Sénégal (Joal), le 9 octobre 1906, et est mort en France (Verson) le 20 décembre 2001. Devons-nous rappeler les fonctions occupées dans les différents gouvernements français de 1955 à 1959. Il se présente comme un poète africain et français. Il est aussi un métis culturel et linguistique. Tout ceci permet d'affirmer que Senghor est le parfait poète francophone, et par ailleurs confirme nos résultats.

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La Francophonie senghorienne, appelée la seconde Francophonie, est née après la deuxième guerre mondiale dans le contexte de la décolonisation et des jeunes nations indépendantes. Elle se voulait le lien entre ces jeunes nations indépendantes et la France dans une relation égalitaire et fraternelle. Elle a mis cinquante ans, c'est-à-dire la moitié du 20ème siècle, à se construire et à devenir une véritable communauté à la fois culturelle et politique, et à se doter d'une organisation bien structurée. Cependant, elle reste encore incomprise, surtout dans le contexte de la mondialisation qui se confond à celui de la Civilisation de l'Universel. Raison pour laquelle, nous avons interrogé ses oeuvres poétiques pour mieux appréhender sa conception de la Francophonie afin de faire lumière sur les apories de la poésie francophone. À partir des résultats obtenus, nous affirmons de façon exacte que trois idées-forces définissent la Francophonie senghorienne. Ce sont la culture francophone (l'unité dans la diversité culturelle), l'identité francophone (identité métisse) et la Civilisation de l'Universel (la participation de toutes les races, de tous les peuples et de toutes les civilisations à la réalisation de l'être humain). En plus, nous disons que l'écriture poétique senghorienne relève de la poésie francophone. Ce qui sous-entend que la poésie senghorienne confirme le concept de Francophonie, parce qu'elle est une poésie métisse. Par ailleurs, il faut noter également qu'il y a eu trois grands moments dans l'histoire de la Francophonie :

- 1880 (19ème siècle), ce fut la Francophonie reclusienne. Elle était un concept géolinguistique, - 1962 (20ème siècle), la Francophonie senghorienne. Elle est définie à la fois comme une

communauté partageant des valeurs de liberté, de solidarité, d'égalité, de diversité et de

dialogue ; et un concept (un idéal) humaniste et de métissage,

- 2005 (21ème siècle/de nos jours), cette Francophonie est dite la troisième francophonie. Elle est une évolution progressive de la Francophonie senghorienne dans un contexte de la mondialisation. Elle est aussi géolinguistique, institutionnelle, militante et ouverte.

Un seul concept est dit, présenté, développé et exfolié dans toute la production poétique de Léopold Sédar Senghor. Un seul intérêt domine son écriture : la Francophonie, son projet panhumain ou la Civilisation de l'Universel. Ce projet hante sa plume, malgré les formes variées de son expression. Il en est sans doute son mythe personnel. Son projet était de voir tous les hommes des frères égaux à l'aube du monde nouveau. Il nourrissait depuis longtemps l'idée de rassembler tous les hommes de la terre, de faire tous les hommes des frères. Et, sa poésie fut un artifice du langage du concept de Négritude pour mettre au-devant de la scène la Francophonie, son projet panhumain. La Francophonie est, ainsi, un choix partagé, une histoire partagée et assumée, un imaginaire et une passion communs. L'objectif de ce projet est de créer une Civilisation de l'Universel en métissant les cultures française et africaine. Autrement dit, il s'agissait pour lui de mettre en avant la Civilisation de l'Universel en intégrant les deux grandes cultures que sont la Négritude (symbiose, complémentarité des valeurs de l'africanité et des valeurs de l'arabité) et la Francité (complémentarité des valeurs de la francité, de la belgité et de la québécité). Il envisageait donc le métissage culturel, voire le métissage de ces deux grandes cultures.

Le phénomène de métissage chez lui revêt plusieurs aspects : biologique, culturel et linguistique. Il en est centrifuge et centripète de ses oeuvres poétiques. Que l'on s'éloigne de ses

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oeuvres ou que l'on s'y rapproche, est-il toujours question de métissage chez Senghor. Faute du métissage biologique au sein de la Francophonie, il recommande à la communauté francophone le métissage culturel et linguistique. L'idéal serait le métissage biologique ; ceci n'est possible que si les peuples et les races se rencontrent effectivement sans être obstrués par le racisme et la xénophobie ou l'allophobie. La Francophonie doit participer à la construction d'une nouvelle race et d'une nouvelle civilisation (celles du métissage) faites de tous les apports de chaque locuteur du français aussi divers que soient-ils.

Parler une même langue est un atout pour la Francophonie, puisque la langue rassemble. Ce qui n'est pas le cas avec la Francophonie (OIF). En fait, il n'y a pas de rassemblement véritable : l'imposition des visas à tous les Francophones, surtout par la France, et pourtant elle (la Francophonie - concept senghorien -) prétend rompre les frontières entre les peuples et les nations. Pour la libre circulation des biens et des Francophones ; pour le libre échange culturel, artistique et intellectuel ; pour voyager librement dans l'espace francophone sans visas ; pour prôner l'égalité, la solidarité, l'unité, l'entente et la fraternité ; pour former une véritable communauté d'esprit...; il faut, tout simplement, revenir à la Francophonie conforme à l'esprit de Senghor en l'actualisant dans le contexte de mondialisation afin de permettre la réalisation effective du métissage biologique, culturel et linguistique pour l'avènement du nouvel ordre panhumain : la Civilisation de l'Universel. La Francophonie senghorienne brise et élimine les frontières et « les murs racistes » de nos coeurs, de nos esprits, de nos pays, nations et États. Elle est une maison commune dans la diversité des peuples ayant en commun et en partage la langue française enrichie par les apports linguistiques de chaque Francophone.

Notre tâche n'a pas été facile. En effet, la documentation a été le plus grand défi à relever. Nous savons que Senghor est, du reste, le poète africain auquel fut consacré le plus grand nombre d'articles, d'essais littéraires et de thèses portant, à la fois, sur la Négritude, la symbiose des cultures, le rythme, la musique, la Civilisation de l'Universel, sa vie dans ses oeuvres poétiques et ses divers écrits. Cependant, la Francophonie n'a véritablement pas fait l'objet d'étude ou de recherche en tant que tel dans ses oeuvres poétiques. Il nous était difficile d'avoir une documentation littéraire et suffisante pour appréhender le concept de Francophonie dans sa poésie, et de mener à bien la recherche. Aussi, les informations sur Senghor rendaient notre tâche difficile. En fait, il est arrivé que le travail psychocritique s'est laissé guider par les informations disponibles sur Senghor, au lieu de faire un tri pour travailler sur celle qui convenaient au cadre d'étude. Cela s'explique du fait de vouloir tout dire sur la Francophonie et sur Senghor. Cependant, nos attentes dans cette étude furent comblées, puisque la psychocritique nous a permis de comprendre l'homme et sa conception de la Francophonie.

Au cours de cette étude, nous avons remarqué que la poésie senghorienne prône une relation entre l'Afrique et la France. Nous avons étudié la Francophonie, ne pouvons-nous pas le faire, également, pour la Françafrique ? Cela est simplement une hypothèse. En fait, la Francophonie et la Françafrique sont deux concepts différents ayant un dénominateur commun : la France, à telle enseigne qu'elles sont souvent confondues dans leur manière de fonctionner.

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La Françafrique peut être définie comme l'ensemble des relations, des mécanismes politiques, économiques, militaires et culturels de la France avec l'Afrique. L'économiste Français François-Xavier Verschave, avec son livre La Françafrique. Le plus long scandale de la République, est celui qui a forgé le mot en parodiant l'expression France-Afrique de Félix Houphouët Boigny, en 1955, alors ministre de gouvernement français. L'expression France-Afrique fut employée pour qualifier la mission civilisatrice de la France et le souhait des pays africains de conserver des relations étroites et privilégiées avec la France. Elle a été créée en réponse au terme soit Eurafrique, soit Francophonie de Léopold Sédar Senghor. La Françafrique de François-Xavier Verschave possède comme la Francophonie un volet économique, un volet politique et un volet culturel. Le volet militaire le différencie d'avec la Francophonie. Au travers de la Francophonie et de la Françafrique, la France compte sur l'Afrique et ses ex-colonies pour bien véhiculer sa culture, sa langue ainsi que sa civilisation, mais surtout préserver ses intérêts économiques.

Cependant, la Francophonie, qui devrait rassembler, sert avant tout les intérêts de la France. En effet, elle est pour la France une stratégie politique pour éviter l'uniformisation et l'hégémonie de l'anglais dans le monde, et pour demeurer une puissance culturelle. N'est-ce pas ce qui explique, peut-être, la présence des pays dont la langue française n'est point la langue officielle ou co-officielle à l'Organisation International de la Francophonie (OIF) ?

Il s'avère nécessaire d'entreprendre une étude approfondie, voire une étude comparatiste afin de mettre au jour les réalités stratégiques de la Francophonie et de la Françafrique pour savoir si la Francophonie est une rhétorique de la Françafrique. On pourra étudier la Françafrique, en tant que concept, dans les oeuvres poétiques de Léopold Sédar Senghor afin de comprendre son fonctionnement ou sa dénonciation. On peut aussi chercher à savoir ce qu'implique chez Senghor l'Eurafrique, mieux s'il ne s'agit pas d'un avatar de la Francophonie. Dans tous les cas, il est temps de faire une nette distinction entre la Francophonie et la Françafrique afin de mettre fin au débat sur la Francophonie. La Francophonie, quant à elle, a sa carte de jeu à jouer.

Pour représenter un avenir commun, et une communauté d'esprit, la Francophonie devrait plutôt contribuer à démanteler le système mis en place par la politique française, au lieu d'être l'instrument qui sert à paupériser les anciennes colonies ou à diviser. Il va de l'intérêt de la France à y jouer un franc jeu au sein de la Francophonie (OIF) en collaborant franchement et sincèrement, car nous sommes à l'ère des changements sur tous les plans : mentalité, intellectuel, social, politique, technologique, scientifique, climatique...

Il est aussi intéressant d'appréhender le panafricanisme dans la poésie senghorienne. Le panafricanisme est l'expression de la solidarité entre les peuples africains et d'origine africaine, et la volonté d'assumer la liberté du continent africain et son développement à l'égal des autres parties du monde. De cette définition du panafricanisme, peut-on dire que la poésie de Senghor s'inscrit dans la logique panafricaine ? Autrement dit, comment Senghor, en disant choisir le peuple noir et toute la race paysanne par le monde, s'inscrit dans le dynamisme du panafricanisme ? Quel rapport existe-il entre la négritude et le panafricanisme ?

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On ne peut pas prétendre avoir épuisé tout le contenu des oeuvres poétiques de Senghor, puisqu'elles suscitent encore beaucoup de questions. Les différentes propositions faites ou les différentes questions posées dans cette conclusion ne sont que des pistes de réflexions pour une éventuelle étude sur la poésie de Léopold Sédar Senghor. Comme, on le voit, le travail mené dans cette thèse porte pour une bonne part sur la Francophonie senghorienne, et il consistait à comprendre comment Senghor a orienté le concept qu'il a récupéré chez Onésime Reclus dans sa poésie afin de mieux définir la poésie francophone et d'avoir une idée claire de ce qu'implique réellement le concept de Francophonie. De ces nombreuses questions que l'on peut se posées, notre étude n'a fait que répondre à la question, relative à la Francophonie senghorienne, avec des méthodes qui nous ont semblé adéquats pour les perspectives vers lesquelles nous avons souhaité orienter notre réflexion. Cependant, nous sommes conscient qu'il y a des questions qui n'ont pas été vraiment abordées dans le cadre d'une étude scientifique et universitaire, et qui attendent des réponses.

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