L'accès à la justice environnementale en droit international de l'environnementpar Yves-Ricky MUKALA NSENDULA Université de Limoges - Master 2 droit international et comparé de l'environnement 2019 |
B. Création d'une Cour internationale de l'environnementCes dernières décennies, les juridictions chargées de questions de relations internationales se sont multipliées ; des tribunaux internationaux spécialisés ont vu le jour dans des domaines variés. Pour l'heure, aucune cour internationale de l'environnement n'a été créée, mais des juridictions ont jugé des affaires comportant un volet environnemental. 193 Voir Livre blanc-Vers un Pacte mondiale pour l'environnement, Le club des juristes, Septembre 2017. 194 Idem, p.16. 195 Ibidem, p. 22. 69 Les arguments à l'appui d'une Cour Internationale de l'Environnement repose en bonne partie sur l'ineffectivité des régimes internationaux actuels et sur la mollesse des procédures de règlement des différends environnementaux. Parmi les arguments en faveur de la création d'une Cour Internationale de l'Environnement, il y a le rapport de l'UNU qui suggère que les Etats seraient plus enclins à accepter la juridiction obligatoire d'une cour spécialisée que d'une cour universelle. En outre, une CIE jouirait d'une légitimité supérieure si elle avait le statut d'organe judiciaire d'une nouvelle Organisation mondiale de l'environnement (OME), à l'instar de la configuration institutionnelle de l'OMC. L'organe politique de l'OME aurait un droit de regard direct sur la CIE, au même titre que l'Organe de règlement des différends de l'OMC à l'égard des groupes spéciaux et de l'organe d'appel de l'OMC196. Selon une autre proposition, la CIE pourrait dépendre d'une autre structure coordonnant les AME existants41. Le rapport de l'UNU plaide en faveur de l'instauration d'un mécanisme de filtrage permettant d'écarter les affaires superficielles, portées à des fins de publicité ou motivées par des enjeux politiques197. Les auteurs suggèrent la création d'un organe judiciaire du droit international de l'environnement, en complément des systèmes de contrôle existants, en envisageant deux façons possibles de contrôler l'application du droit : la première consiste à élargir les procédures existantes de conformité en instaurant un deuxième niveau de contrôle exercé par une partie tierce ; la seconde prévoit la mise en place d'une procédure de règlement judiciaire qui serait appliquée quand, lors du règlement d'un différend, les procédures de conformité achoppent198. Les partisans à la création d'une CIE optent pour l'accès des acteurs non étatiques et des personnes privées, des délais plus courts de règlement des différends, des coûts de litiges moindres, une application plus systématique des traités environnementaux, des procédures scientifiques idoines, des clauses contre la recherche du tribunal le plus favorable, une juridiction obligatoire, ainsi qu'un langage clair et exécutoire. En un mot, les partisans d'une nouvelle cour invoquent la nécessité d'une juridiction internationale dotée des moyens de faire appliquer uniformément la réglementation relative à l'environnement, au niveau national et international. Certains réclament également l'application totale du Principe 10 de la Déclaration de Rio et insistent sur l'importance 196 Steinar Andresen, Op. Cit., 71-85 pp. 197 Idem 198 Ibidem 70 d'implanter la CIE en dehors des villes où siègent habituellement les tribunaux internationaux, comme Genève, La Haye et New York199. 199 Steinar Andresen, Op. Cit., 71-85 pp. 71 CONCLUSION La question de la consécration et de la mise en oeuvre d'un droit d'accès à la justice environnementale en droit international de l'environnement est une problématique à la fois ancienne et toujours d'actualité. Elle n'a jamais cessé d'être soulevée depuis sa proclamation par la Déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement et développement ou même depuis le célèbre article de Christopher Stone, « Should trees have standing ? » (Les arbres peuvent-ils agir en justice ?). La notion d'accès à la justice suppose, de manière générale, que soit reconnu à chaque individu le droit de saisir les juridictions nationales compétentes en cas de préjudice subi peu importe que la demande du requérant soit recevable ou non, régulière ou bien fondée. Il suppose aussi le droit de se faire représenter et celui d'être jugés dans des délais raisonnables. Elle va plus loin que la simple notion de droit à un recours effectif, du droit d'accès aux tribunaux sur un pied d'égalité, du droit à un procès équitable ou du droit d'aide judiciaire octroyée aux justiciables qui ne disposent pas de ressources suffisantes. Elle ne renvoie pas seulement au stade initial de l'engagement d'une action en justice pour obtenir réparation de la violation d'un droit, mais met davantage l'accent sur la garantie que les résultats de l'examen judiciaire soient en eux-mêmes justes et équitables. L'exercice du droit d'accès à la justice au nom de la protection de l'environnement n'est pas chose aisée. D'abord, la nature, ne peut défendre elle-même ses intérêts en justice ou communiquer avec les institutions judiciaires établies. A cela s'ajouter le fait que la protection de l'environnement constitue un intérêt collectif. Or, ce caractère collectif s'accommode mal des voies traditionnelles de recours dans lesquelles le caractère personnel de l'intérêt est exigé. D'où la nécessité de connaitre les fondements de sa consécration et les réalités de son exercice. L'accès à la justice environnementale a tout d'abord était proclamé par la Déclaration de Rio de sur l'environnement et le développement de 1992 sans que par la suite un texte contraignant ne le consacre au niveau mondial. Face à la menace grandissante de la détérioration de l'environnement et de la nécessite de protéger l'environnement, la protection de l'environnement sera considérée sous l'angle de droits de l'homme ainsi, par exemple, la Cour européenne des droits de l'homme dans sa mission de dire le droit et de veiller au respect de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales va consacrer dans sa jurisprudence la protection de l'environnement et l'accès à la justice environnementale à travers la violation du droit à un recours effectif ou même du droit à un procès équitable. 72 La Convention d'Aarhus de 1998 sera un formidable catalyseur d'une véritable consécration du droit d'accès à la justice environnementale conduisant à l'élargissement des notions de recevabilité et d'intérêt à agir en matière d'environnement. L'espace européen ne sera pas la seule région à procéder à une consécration de ce droit à travers un instrument contraignant. L'Union africaine va lui emboiter le pas à travers la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui est le tout premier instrument contraignant à reconnaitre un droit à l'environnement, ensuite par la Convention africain sur la protection de la nature et des ressources naturelles. L'Organisation des Etats d'Amérique en fera de même d'abord, avec la Convention interaméricaine et ensuite plus clairement avec l'Accord d'Escazù. De manière générale, l'accès à la justice est consacré principalement, et j'aimerais dire unique, au niveau des régions. Un accord universel le consacrant tarde encore à voir le jour même si plusieurs initiatives ont eu lieu tendant à élaborer un pacte international sur l'environnement. Cet absence d'une convention générale sur l'environnement constitue un obstacle à l'effectivité du droit d'accès à la justice environnementale et du droit international de l'environnement. De même que l'inexistence d'une cour internationale de l'environnement. La création d'une Cour International de l'Environnement, l'élaboration et l'entrée en vigueur d'une Convention international général sur le droit de l'environnement permettraient une application plus effective du droit international de l'environnement et du droit d'accès à la justice en matière environnementale. Et même la responsabilité des personnes en matière des crimes écologiques internationaux. Les questions de protection et de conservation de l'environnement sont devenues une préoccupation de la communauté internationale de ce fait il est urgent et nécessaire de mettre une Cour internationale de l'environnement pour l'environnement compétente en matière de conflits et crimes internationaux. 73 BIBLIOGRAPHIE I. Ouvrages - Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier, Droit international de l'environnement, Paris, 3ème édition, éd. A. Pedone, 2004 ; - Alexandre Kiss, Introduction au droit international de l'environnement, Genève, Suisse, UNITAR, 2ème éd., 2006 ; - Alicia Barena, Accord régional sur l'accès à l'information, la participation publique et l'accès à la justice à propos des questions environnementales en Amériques latines et dans les Caraïbes, Santiago, Nations Unies, 2018 ; - Anouchka Didier, Le dommage écologique pur en droit international, Nouvelle édition, Genève, Graduate Institute Publications, 2013 ; - Bétaille, Julien (dir.), Le droit d'accès à la justice en matière d'environnement, Nouvelle édition Toulouse, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, 2016 ; - Bruno Oppetit, Philosophie de droit, Paris, éd. Dalloz, 1999 ; - Centre for Human Rights de l'Université de Pretoria, Recueil de documents clés de l'Union africaine relatifs aux droits de l'homme, Pretoria, éd. 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