Enfant naturel en droit tchadien, étude à la lumière du projet de code des personnes et de la famillepar Modeste BESBA Université de Ngaoundéré. - Master 2016 |
Paragraphe deuxième : La recherche de l'égalité en droit tchadien des successionsL'égalité successorale tant recherchée par la plupart des Etats, est loin d'être effective au Tchad bien que le législateur tente d'assimiler les enfants naturels reconnus aux enfants légitimes dans le PCPFT. Cette inégalité se prouve par la situation précaire de l'enfant incestueux qui reste, malgré ce PCPFT, sans droits successoraux. Pourtant cette égalité consiste à prendre en compte les instruments des Droits de l'Homme par le législateur (B) en accordant des droits identiques à tous les enfants sans aucune discrimination (A). A- La reconnaissance des droits successoraux identiques à tous les enfants tchadiensLe bon traitement des enfants est la meilleure des choses que puisse leur offrir le Tchad. Ainsi, quel est le bon traitement que méritent les enfants tchadiens ? C'est avant tout établir leur filiation avec tous ses effets ; c'est-à-dire patrimoniaux qu'extrapatrimoniaux. Si tel est le cas, il faut que le législateur tchadien reconnaisse, dans le futur Code des Personnes et de la Famille, les mêmes droits successoraux à tous les enfants sans distinction fondée sur la filiation. Une telle chose parait difficile, mais pourtant facile à réaliser. Il suffit de traiter les enfants sans prendre en compte les circonstances de leurs naissances. L'égalité dont il s'agit n'est pas encore effective en France malgré les réformes qu'ont connues les droits français de la filiation et des successions. Si dans ce pays, la situation des autres enfants naturels a changé, celle de l'enfant incestueux est restée statique.Une telle discrimination entre enfants est non fondée. L'enfant adultérin qui est traité de la même manière que l'enfant incestueux par le Code civil, se verra assimiler avec l'enfant naturel simple à l'enfant légitime, si on parvient à adopter définitivement le PCPFT. Si telle sera la situation de l'enfant adultérin, pourquoi exclure l'enfant incestueux ? Bien que le Tchad a hérité le Code civil français, le droit tchadien ne doit pas suivre l'évolution française. C'est pourquoi, le législateur doit prendre en compte les réalités tchadiennes pour codifier ce PCPFT. L'exemple typique et plausible est le rejet de l'homosexualité par le droit tchadien, alors que permise en France. Un tel constat mérite d'être fait. Cela signifie a contrario que si la France n'a pas voulu consacrer des droits successoraux à l'enfant incestueux, le Tchad peut le faire, puisque les réalités des deux Etats ne sont pas identiques. Ainsi pour légiférer, le législateur doit prendre en compte le fait qu'en Afrique ou plus précisément au Tchad, il est rare que l'on abandonne un enfant à cause de la circonstance de sa naissance. L'enfant en milieu traditionnel (en Afrique en général, au Tchad en particulier) a toujours fait l'objet d'un traitement de faveur290(*). Il est considéré comme un lien sociale, sa naissance constitue non seulement la perpétuation de la vie, mais aussi la relève des parents. Donc, le législateur doit pour réussir à établir une égalité effective entre les enfants, confronter la réalité tchadienne au droit. C'est d'ailleurs pour cette raison que PORTALIS, dans son discours préliminaire au projet du Code civil, disait : « Ne légiférer qu'en tremblant ». De toutes ces considérations, il faut que les rédacteurs du PCPFT établissent, à l'exemple du Burkina Faso, l'égalité totale entre les enfants tchadiens sans prise en compte des circonstances des naissances. D'ailleurs aucun enfant n'a voulu naitre légitime, naturel simple, adultérin ou incestueux. Clarice Lispector291(*) est explicite quand elle dit : « Le destin de l'enfant, c'est de naitre ». Le Burkina Faso est aujourd'hui l'un des rares pays au monde qui a consacré l'égalité totale entre les enfants. Le Code des Personnes et de la Famille burkinabé( CPFBF) reprend le grand principe de l'égalité des enfants consacré par l'article 23292(*) de la constitution. Selon l'article 236 du CPFBF : « Les enfants jouissent de droits égaux sans exception aucune et sans distinction ni discrimination fondées sur l'origine de la filiation ». Cette égalité entre les enfants naturels, adultérins, incestueux et les enfants légitimes a été accompagnée d'un effort technologique293(*) : on ne parle plus désormais que des enfants nés dans le mariage et des enfants nés hors du mariage294(*). Ainsi, tous les enfants ont vis- à-vis de leurs père et mère, les mêmes droits et les mêmes devoirs. Le législateur burkinabé, songeant à la situation des enfants, n'a pas voulu leur faire endosser les fautes de leurs parents. Comme le législateur burkinabé, le législateur tchadienpeut établir l'égalité effective entre les enfants tchadiens, qu'ils soient légitimes, naturels simples, adultérins ou incestueux. Pour y parvenir, il faut qu'il considère l'intérêt supérieur de l'enfant comme souligné par la CIDE295(*) et non le caractère incestueux de sa filiation. Consacrer l'intérêt supérieur de l'enfant incestueux en lui accordant les mêmes droits successoraux que les autres enfants, c'est convenir avec le pape Jean-Paul II que : « L'amour est l'unique révolution qui ne trahit pas l'homme ». C'est l'amourqui permet aux parents et à la communauté d'accepter l'enfant, qu'il soit albinos, né avec des handicaps, hors mariage, voire de l'inceste. D'ailleurs, l'enfant qui est accepté par ses parents comme il est, se sent en sécurité au sein de sa famille et de la communauté, car constituant un don de Dieu296(*). Si le législateur tchadien parvient, par l'entremise du futur Code des Personnes et de la Famille du Tchad, à bannir totalement cette discrimination successorale qui a tant fait du mal aux enfants naturels, en l'occurrence l'enfant incestueux, on ne parlera plus d'une insuffisante égalité mais d'une réelle égalité en droit tchadien des successions. Une telle assimilation ne sera possible que si le législateur parvient à écarter la notion de légitimation qui veut qu'une fois reconnu, l'enfant acquiert par le subséquent mariage de ses parents la qualité d'enfant légitime. Etant donné que le Tchad a ratifié bon nombre d'instruments des Droits de l'Hommes et des droits de l'enfant qui consacrent l'égalité des enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant et la non-discrimination, l'égalité effective suggérée au législateur pour compléter celle du PCPFT ne sera effective que par la prise en compte de ces instruments. * 290 Guide à l'Usage des Formateurs sur la Convention relatif aux Droits de l'Enfant, Unicef, Ministère de l'Action Sociale du Tchad, 2006, p.40. * 291 www.mon-poeme.fr/citations-enfant. * 292 Art. 23 al. 3 CBF : « les enfants sont égaux en droits et en devoirs dans leurs relations familiales ». * 293YONABA (H.), conférence sur le droit de l'enfant au Burkina Faso, lactionsociale.ivoire-blog.com/media/00/01/4213402582.2-1.pdf * 294 Ibid. * 295 Art. 3 al.1 CIDE : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». * 296 Guide à l'Usage des Formateurs sur la Convention relatif aux Droits de l'Enfant, Unicef, Ministère de l'Action Sociale du Tchad, 2006, op.cit., p.77. |
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