Enfant naturel en droit tchadien, étude à la lumière du projet de code des personnes et de la famillepar Modeste BESBA Université de Ngaoundéré. - Master 2016 |
B- L'encadrement restrictif du droit alimentaire de l'enfant incestueux dans sa mise en oeuvreL'effet normal d'une obligation est qu'elle soit exécutée de bonne foi. N'échappant pas à cette logique, l'obligation alimentaire doit s'exécuter par son débiteur ; cela en conformité avec l'adage populaire : « Qui fait l'enfant doit le nourrir ». Non voilé, cet adage veut que celui qui se permet de faire un enfant soit astreint à le nourrir. Une fois l'obligation née, on l'exécute. La question du mode d'exécution de l'obligation alimentaire qui n'est pas régie par le code civil, est abordée par le législateur dans le droit prospectif. L'article 379 du PCPFT dispose : « Aux choix du débiteur, l'obligation s'exécute en argent ou en nature. Dans ce dernier cas, le débiteur offre d'exécuter l'obligation en nourrissant le créancier d'aliments. Le juge apprécie en tenant compte des circonstances d'espèces, si l'offre doit être acceptée par le créancier ». Cet article donne la latitude au débiteur d'opter pour l'exécution en argent ou celle en nature. Ce qui signifie que, il y a deux modes d'exécution de l'obligation alimentaire. La deuxième option, c'est-à-dire l'exécution en nature consiste pour le débiteur d'aliments, à recevoir le créancier chez lui et le nourrir. Même si l'exécution par nature est moins onéreuse et limite la liberté du créancier en l'obligeant de vivre chez le débiteur, elle facilite l'intégration du créancier dans la vie de famille263(*) ; rêve et souhait de tous les enfants dépourvus de filiation, dont l'enfant incestueux. Malgré le caractère personnel de l'obligation alimentaire, le créancier peut poursuivre un seul débiteur même s'ils sont plusieurs. Il s'agit ici de la théorie de la pluralité des débiteurs d'aliments présentée par l'article 380264(*) du PCPFT. Néanmoins, celui qui a payé la dette alimentaire, a un recours contre les autres, chacun à proportion de ce qu'il devait au créancier. Dans la plupart de cas, le créancier choisit de poursuivre le débiteur le plus solvable. En dehors du cas où le créancier décide délibérément de poursuivre un seul d'entre les débiteurs, ceux-ci peuvent convenir que la dette alimentaire soit versée par un seul moyennant le concours de la contribution de chacun des débiteurs. Etant un créancier comme les autres, l'enfant incestueux, tant lésé dans ses droits, vient de l'être encore en qui concerne le droit alimentaire. Une telle affirmation découle de l'exégèse de l'article 378 du PCPFT. Pour cet article : « A l'exception des cas où elle constitue une charge du mariage ou un devoir résultant de l'autorité parentale, l'obligation alimentaire se limite à la seule nourriture du créancier d'aliments ». Ainsi, le législateur laisse l'enfant incestueux dans un imbroglio ou situation confuse. Il lui a refusé sa double filiation ainsi que ses droits successoraux pour l'écarter des enfants dont la filiation est établie, et limite encore ses droits alimentaires au privilège des autres créanciers d'aliments. Pour le législateur, l'obligation alimentaire peut être conçue dans le cadre de l'article 372 alinéas 2265(*) que lorsque qu'elle constitue une charge du mariage ou un devoir résultant de l'autorité parentale. De tout ce qui précède, contrairement aux enfants qui bénéficient de l'autorité parentale, l'enfant incestueux ne peut avoir que la nourriture en guise de ses droits aux aliments. Voilà encore une discrimination non fondée qui mérite proscription. Si le législateur tchadien pouvait, pendant l'adoption définitive du Code des Personnes et de la Famille, prendre en compte le fait que l'enfant incestueux est un nécessiteux comme tous les autres créanciers d'aliments. En le traitant comme le fait le PCPFT, on est en train de sanctionner l'enfant qui est au contraire une victime des oeuvres des parents. * 263 VOKO (Nina Bénédicte), Les aliments en droit privé, Thèse, Faculté de Droit, de Sciences Politiques et de Gestion, Université de Strasbourg, p.231. * 264 Art. 380 PCPFT : « Si plusieurs personnes sont tenues de l'obligation alimentaire, le créancier d'aliments peut poursuivre indistinctement l'un quelconque des débiteurs. La dette alimentaire est solidaire entre les débiteurs. Celui qui a été condamné, a un recours contre les autres débiteurs pour leur part et portion. Les débiteurs d'aliments peuvent valablement convenir que les aliments seront versés à leur créancier commun par l'un d'entre eux moyennant contribution de chacun des débiteurs. Cette convention n'est opposable au créancier que s'il l'a acceptée et sauf révision décidée pour motif grave par le juge, à la demande du créancier.» * 265 Art. 372 al.2 PCPFT : « Les aliments comprennent tout ce qui est nécessaire à la vie notamment la nourriture, le logement, les vêtements, les frais de maladie ». |
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