Enfant naturel en droit tchadien, étude à la lumière du projet de code des personnes et de la famillepar Modeste BESBA Université de Ngaoundéré. - Master 2016 |
B- La préférence du mariage à l'intérêt de l'enfant naturelL'enfant naturel n'est pas que traité avec abjection ou mépris par le droit musulman mais totalement ignoré, puisqu'il ne peut pas établir sa paternité.Cela s'explique par l'importance sociale que revêt la généalogie en islam. La filiation se définit en islam par le fait de porter le nom de son père et de pouvoir hériter de lui250(*). L'étude de la filiation ne saurait faire abstraction du mariage. C'est pourquoi, le droit musulman lie inséparablement ces deux actes fondateurs de la famille251(*). Un enfant n'est digne en islam que lorsqu'il a un père. Ainsi s'affiche la grande importance du mariage. Le mariage est présenté en islam comme une nourrice qui assure avec joie et amour la sécurité de l'enfant. Par conséquent être né hors mariage est identique à celui qui habite une maison sans toit en saison pluvieuse, puisque c'est une grande ignominie ou déshonneur que d'être sans filiation paternelle et de porter, conséquemment, le nom de sa mère252(*). En islam l'enfant issu d'un couple marié prend la filiation de son père et celui né hors ce cadre à celle de sa mère. Par conséquent, le nom d'un enfant légitime ou né dans le mariage est celui de son père, ne peut porter par conséquent le nom de la mère qu'un enfant naturel ou bâtard. Il faut reconnaitre que le principe de légitimité253(*) est la pierre angulaire du droit de la famille dans les pays musulmans. Raison pour laquelle, le droit musulman privilégie le mariage au détriment de l'intérêt de l'enfant naturel. Seuls les enfants légitimes héritent des père et mère ainsi que des parents de ces derniers. Un enfant né hors mariage n'hérite que de sa mère et des parents de celle-ci. Tel est ce qui ressort de l'article 768254(*) du PCPFT. Cet enfant ne peut hériter du côté du père, puisqu'il lui est interdit tout lien avec ce dernier. Contrairement à la situation d'un enfant légitime qui bénéficie automatiquement d'une filiation dès sa naissance, l'enfant naturel doit, pour établir sa filiation, être reconnu par ses père et mère. Une telle reconnaissance n'est pas possible en droit musulman. En islam, l'enfant né hors mariage, naturel simple ou adultérin ne peut pas être reconnu par son père. La reconnaissance d'un enfant naturel par son père biologique est interdite, ce qui hypothèque sa légitimation255(*). Ce qui veut dire qu'en islam, il n'y a pas la notion de légitimation. Ainsi, soit un enfant est légitime parce que né dans le mariage, soit naturel et issu des parents non mariés. Il arrive que dans la société musulmane tchadienne, le père biologique reconnaisse son enfant et ce dernier peut dans ce cas bénéficier d'un soutien matériel et surtout du nom de son géniteur, sans toutefois être légitimé256(*). Cet enfant bien que reconnu, restera illégitime toute sa vie. C'est une illégitimité qui, nonobstant le mariage ultérieur de ses parents, ne peut être supprimé. L'islam distingue ainsi la situation de l'enfant naturel qui est le fruit d'une relation impure, maudite par le créateur, de celle d'un enfant conçu dans le mariage donc pur et béni par le Tout puissant257(*). Le droit musulman est strict là-dessus. Ceci témoigne de l'importance que le droit musulman accorde au mariage au détriment de l'intérêt de l'enfant naturel en le traitant comme un ilote, personne méprisée réduite au dernier degré de la misère et de l'ignorance. Pourtant l'article 3 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant ratifiée par le Tchad le 2 octobre 1990, soit un mois net après son entrée en vigueur sur le plan international, précise que dans toutes les décisions concernant l'enfant, il faut privilégier son intérêt. Sans doute, cet intérêt dont parle la Convention Internationale des Droits de l'Enfant regroupe sa naissance, sa protection, sa filiation, ses droits patrimoniaux comme extrapatrimoniaux, et tout ceci sans discrimination. Clairement exposé, l'intérêt de l'enfant est remplacé en islam par la préservation du mariage qui revêt une importance sans pareille en matière de la filiation et des successions. L'infériorité successorale de l'enfant naturel tchadien ne réside pas seulement dans son assimilation insuffisante à l'enfant légitime, mais beaucoup plus dans l'inconsidérationsuccessorale de l'enfant incestueux. * 250 FORTIER (C.), « Le droit musulman en pratique : genre, filiation et bioéthique », op.cit., p.10. * 251 YOUSSOUF ALI ROBLEH, Le droit français confronté à la conception musulmane de la filiation, Thèse, Université de Grenoble, 2014, p.17. * 252 FORTIER (C.), « Le droit musulman en pratique : genre, filiation et bioéthique », op.cit., p.10. * 253 Ce principe voudrait que tout lien familial soit fondé sur le mariage. Il régit la famille dans sa dimension horizontale, c'est-à-dire la relation du couple que verticale, axé sur le lien parent-enfant. * 254 Art. 768 PCPFT : « L'enfant naturel hérite de sa mère et des parents de celle-ci. La mère et ses parents ont vocation héréditaire dans la succession dudit enfant ». * 255MAHAMAT ABDOULAYE (M.), op.cit. * 256 Ibid. * 257 Ibid. |
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