Guide touristique aux pays des CHO, à l'usage des managerspar Emilie GAUTIER EM Lyon - Master Management des unités opérationnelles 2018 |
2. Le bonheur ne s'impose pasCe pays des CHO n'est pas un monde angélique où tout est parfait et rien ne change. Il engage l'entreprise et son personnel dont le CHO et les managers. Sans l'engagement des salariés, le pays des CHO est utopique. Inclure le personnel est donc un axe majeur du bonheur au travail. « J'ai eu une longue et belle carrière heureuse. Pendant des années, le bonheur au travail, je l'ai connu sans me poser de questions au quotidien. J'allais au travail avec plaisir. Mais, il y a 4 ans, ma société a mis en place une nouvelle stratégie où l'on prônait la confiance et le bonheur au travail. A partir du moment où l'on a imposé ces notions, j'ai remarqué que tout se dégradait, que cela devenait quelque chose de terriblement artificiel. On essayait de nous l'imposer, avec des tables de ping-pong, des séances de massage, des services de conciergerie qui au final font travailler les employés plus longtemps le soir, etc. Ce qui paraissait très agréable au début s'est révélé complètement artificiel avec des rapports faussés. Et tout cela, pour une meilleure productivité et performance des employés. [...] Je ne sais plus ce que c'est le bonheur au travail, le malheur oui. » Cadre au service communication au sein d'une grande entreprise française 45 Selon cette cadre, toutes les générations sont touchées dans sa société, ce n'est donc pas un conflit générationnel. Imposer toute nouvelle stratégie sans impliquer les employés n'est pas un risque mais 44- Caroline Lallemand, Un «responsable du bonheur» peut-il vraiment rendre les employés heureux, article Le Parisien, 8 février 2017. un suicide professionnel, même si cette stratégie est porteuse de valeurs profondes. Imposer une nouvelle culture (donc le CHO) sans se demander si elle correspond auxpersonnes qui devront la véhiculer est tout sauf bénéfique : pour l'entreprise comme pour le salarié. Posez-vous cette question : est-ce que je serais heureux si, du jour au lendemain, on m'imposait ? · De manger en position assise de méditation, sous prétexte que cela limite les douleurs de dos · D'écouter une musique au réveil car cela dynamise et motive · De faire une séance de sport tous les 2jours pour améliorer sa condition physique · De prendre ce raccourci pour gagner du temps, même si le paysage est moins joli · De s'habiller de cette façon plutôt que d'une autre, car dans cette nouvelle culture, il est préférable de ne pas choquer les regards · De... Faire des choses à l'encontre de ses envies, etc. Même si cela est bénéfique pour le corps, il ne l'est pas pour le coeur ! Le jeu, le repos, lorsqu'ils sont obligés, perdent leur caractère ludique et bienfaisant. Dans la vie privée comme professionnelle, tout changement de culture demande du temps, de l'appropriation et surtout demande le désir d'en faire partie. Un voyage est décidé et mûrement réfléchi : on n'impose pas la destination. Alors pourquoi le faire au travail ? Pourquoi imposer ce voyage au pays des CHO ? La concertation auprès des salariés est un point majeur de la réussite de l'intégration du CHO et de tout ce qui en découlera. En management, on emploi « accompagner le changement » et pas « imposer le changement ». Je crois que pour que le voyage au pays des CHO soit un succès, il faut « créer le changement » avec les managers et les salariés. C'est eux qui détiennent le pouvoir de réussite. « La mission de ce diplômé en psychologie du travail a débuté il y a deux ans, après une enquête réalisée auprès des 1 400 salariés de la société (dont 750 au siège, à Roubaix), portant sur les conditions de travail, l'organisation, le niveau de salaire ou encore la mobilité interne.» Florent voisin, CHO ou responsable de qualité de vie et santé au travail à OVH. Lorsque je parle d'imposer une culture, je parle d'imposer des journées ou horaires précis de télétravail, d'imposer les minutes de pause dans la journée (même si elles sont rallongées), d'imposer un massage, une séance de sport, d'imposer tout simplement tout ce qui pourrait être lié au bien-être. En thérapie, on m'a dit : « fais-le car tu en as envie ou ressens le besoin, ne le fais pas parce qu'il faut le faire, ne le fais pas par obligation. » C'est aussi transposable dans la stratégie du bonheur au travail. FIGURE 9 : « Le blurring, une réalité pour les cadres français » : analyse du phénomène blurring sous l'angle de la qualité de vie au travail et du rapport des cadres à leur temps de travail. Source : http://www.managerattitude.fr/9228301/le-blurring-brouille-les-cadres.html En parallèle de la culture CHO, le blurring a vu le jour. Ce terme est issu du verbe « to blur = flouter ». Il signifie le brouillage de la frontière entre vie privée et vie professionnelle. C'est un phénomène qui touche essentiellement les cadres managers. Vu précédemment, il ne doit pas être imposé à défaut de surcharger. Cette cadre qui témoigne de son épuisementprofessionnel, s'est vue obliger une nouvelle méthode de travail : télétravail, blurring, etc. « Du jour au lendemain, on a vu apparaître des 'happy day ! et 'happy holidays' à la fin de nos mails, ainsi que des smileys sur les portes des bureaux pour définir notre humeur du jour, mais ce type de communication anglo-saxonne n'est pas transposable en France, la mentalité est trop différente. » Le blurring peut être irréversible. Le manager, seul, décide de l'utiliser ou pas. Il peut avoir des bénéfices sur la qualité de vie au travail. Mais il ne doit pas être une obligation et un fait acté : c'est une possibilité de plus vers le bonheur au travail. « Le CHO, je le trouve trop déconnecté de la vie des projets, des contraintes que l'on peut rencontrer. C'est probablement un peu utopique. Je crois que le CHO, s'il est en dehors de l'équipe et qu'il ne partage pas les mêmes objectifs, ne pourra pas nous aider. Cela me gênerait que mes collaborateurs aillent voir le CHO plutôt que moi, afin de parler de leur ressentis vis à vis du travail. Le bonheur au travail est extrêmement important dans mon management. Je prends beaucoup de temps à parler avec mes collaborateurs lorsqu'ils ne sont pas bien, je leur donne des jours off s'ils en ont besoin. Je veille à leur bien-être : je fais très attention. Je ne crois pas trop au CHO. J'ai le sentiment de faire le "job". Je crois qu'il serait plus intéressant de former les managers, par des CHO ou des coachs à des techniques d'agilité, de motivation, etc. » Le manager de demain a peur de perdre sa crédibilité, ses avantages relationnels et sa légitimité avec l'apparition d'un CHO et toute la culture interne à ce poste. C'est pourquoi, il est réellement important de prendre en considération les attentes et craintes des managers. Car oui, le bonheur ne s'impose pas ! |
|