Mobilité résidentielle et processus d'étalement de la ville de Niamey (Niger).

Summary

Urban sprawl is the current mode of development of the city of Niamey. It is the result of the attempted solutions to housing problems, both current and future witch has been a failure, rather leading to encourage land and real estate speculation.

The phenomenon of urban sprawl is fueled by the residential mobility of households which constitute the driving force, whence the interest in this study which views the residential mobility as a main entrance in the analysis of the urban space of Niamey. The following question needs to be asked: what is the impact of migrations and that of the residential mobility within the city? To answer such a question, it is worth analysing the migratory profile as well as the urban residential trajectory of the heads of household in Niamey. In fact, the main objective of this stady is to show the role of the residential mobility in the process of sprawl of the city of Niamey. To do so, the study uses a micro approach considering the migration that focuses on the behavior of individual people and that of households. It is based on four axes. The first one considers the internal migrations as a discriminating factor in the socio-spatial process of the integration of city-dwellers in Niamey. The second one offers a key role to the residential mobility in explaining the process of sprawl the city. The third axis is considering the management as accelerating the process of sprawl in Niamey. The fourth one indicates that mastering the urban sprawl must go through amending the residential trajectory of households in Niamey. This study is conducted following both a qualitative and quantitative approach. Thus, the analysis of the data obtained shows that this mobility is marked by a centrifugal residential trajectory which produces lots of tenants. This trajectory is broken by migrations, most of which are internal and of which the majority are in the direction of Niamey. As far as the international migrations are concerned, they make up less than 1/5 of the migratory paths of the city's heads-of-household and mostly West African countries and France.

The type of centrifugal mobility compels the city-dwellers to look for new residential spaces, formal and informal in the outskirts of the town, reducing the urban concentration coupled with land speculation worsening the situation. Urban sprawl produces an urban management problem, of density and supplies and infrastructure. Planning tools designed to trouble-shoot and control the situation are never applied, in spite of many reforms of the urban planning laws of Niger. The real response to urban sprawl is to be found in the modification of the residential trajectory of households and in good urban governance as well.

Key words: Niamey, urban sprawl, driving force, residential trajectory, urban management

Introduction générale

La ville de Niamey connaît actuellement une urbanisation rapide due à une croissance démographique rapide et un étalement urbain sans précédent. Même si le taux de croissance urbaine a considérablement baissé de 12 % dans les années 1960-70 à 4,54% entre 1988 et 2001, il n'en demeure pas moins que le nombre d'habitants augmente énormément chaque année.

La croissance démographique de Niamey est la résultante d'un taux d'accroissement naturel élevé et d'un fort exode rural. Ce dernier a été très déterminant au début de l'urbanisation de la ville et surtout pendant les périodes de famines qui ont drainé d'importants flux de personnes vers la capitale. Cette forme de migration qui a donné naissance à plusieurs quartiers (Bandabari, Boukoki, etc.), continue de peser sur la composition et la structure des ménages d'accueil du fait de la solidarité inconditionnelle en vertu de laquelle les membres de la famille élargie vivant déjà en ville se doivent d'accueillir les autres. Ils sont d'autant plus sollicités qu'ils ont réussi à bien s'intégrer à la ville. A ces « exodants » qui ont pu s'insérer dans leur famille d'accueil s'ajoutent ceux qui s'installent directement aux portes de la ville ou dans ses interstices dans des habitats provisoires constitués essentiellement de paillotes.

Dans tous les cas, la ville apparaît comme un refuge, un lieu de sécurité alimentaire, de construction de soi ou même de bien-être, vu les équipements et les opportunités qu'elle offre à ses habitants (B. Alpha-Gado, 1998). Le départ d' « exodants » de la campagne n'a jamais été suscité par une libération de la main d'oeuvre agricole mais bien par la crise du monde rural marquée par un déficit récurrent de production agricole. Cela renvoie à ce que B. Alpha-Gado (1998) appelle « urbanisation de la pauvreté ».

En dépit des différents booms économiques du Niger, celui de l'arachide avant la sécheresse de 1972/73 et de l'uranium entre 1980 et 1986, qui ont un peu accéléré le rythme de la croissance démo-spatiale de la capitale, son urbanisation est plus liée à sa fonction administrative qu'à un essor économique durable. En effet, en tant que capitale du Niger, Niamey draine capitaux, équipements et populations à la faveur d'une administration fortement centralisée jusqu'en juillet 2004, date qui consacre l'avènement de la décentralisation effective du pays.

De nos jours, le croît naturel de la population est le facteur principal de la croissance démographique de la ville. En effet, au dernier trimestre 2002, la ville de Niamey comptabilise seulement 37% de migrants dont 91%^1(*) sont d'origine nigérienne. Ces chiffres indiquent que la dynamique naturelle joue désormais le rôle essentiel dans la croissance démographique de la ville et que le processus migratoire vers Niamey est particulièrement caractérisé par une migration interne qui, par contre, a été longtemps assez significative pour imposer une structure macrocéphale à l'armature urbaine du Niger en faveur de la ville capitale. Ainsi, malgré l'étoffement de cette armature urbaine, Niamey concentre encore 39% de la population urbaine du Niger, selon les données du RGP/H 2001. Ce fait persiste alors que le nombre de villes est passé de 40 à 73 entre 1988 et 2001, selon les critères retenus dans le document de la stratégie nationale de développement urbain (2004).

L'augmentation rapide de la population de Niamey est redistribuée à travers l'espace urbain sans respect des orientations et des plans d'Aménagement Urbains. On assiste, en conséquence, à une dépopulation des quartiers centraux au profit des quartiers périphériques du fait de la prolifération des zones d'habitat spontané et des « Cités » périphériques connues sous le terme technique d'habitat programmé : c'est l'exemple de la Cité Caisse, de la Cité BCEAO (Banque Central des Etat de l'Afrique de l'Ouest), de la Cité Chinoise, Village de la Francophonie, etc. La notion d'habitat programmé renvoie à un programme dont l'ensemble du processus, du financement à la réalisation, est l'oeuvre d'un maître d'ouvrage unique, impliquant rarement les bénéficiaires des logements. Ce type d'habitat qui, au début, n'était que l'oeuvre de la puissance publique (Etat ou sociétés para-étatiques) a fini par devenir un phénomène de mode. C'est ainsi que les grandes sociétés de la place ont mis à la disposition de leur personnel des logements dits « sociaux » : ASECNA^2(*), Nigelec^3(*), etc.

Tout cela contribue au développement spatial incontrôlé de la ville qui ne fait que prendre de l'ampleur dans un contexte de mauvaise gestion urbaine. Il en résulte un urbanisme de rattrapage traduisant la difficulté des services municipaux et des sociétés concessionnaires à suivre le rythme d'étalement de la ville.

Aujourd'hui, le développement spatial de la ville déborde sur les terres des communes environnantes de Karma, de Hamdallaye et de Liboré comme en témoigne l'exemple des 4000 logements sociaux projetés sur les périmètres de la commune de Liboré. L'agressivité des lotissements se lit aussi à travers l'invasion des berges de la vallée de Gountou Yéna par les constructions malgré les risques élevés de ravinement et l'exigence des gros investissements dans leur mise en valeur. Pire, le phénomène de périurbanisation aussi risque de se développer dans le nouveau contexte de municipalisation. En effet, Niamey ne pouvant plus répondre à la demande croissante de parcelles, demandeurs et spéculateurs ont tendance à se rabattre, dans un premier temps, sur les nouvelles communes environnantes qui, faute de ressources, s'activent déjà dans la production systématique de parcelles pour pouvoir démarrer leurs activités. C'est l'exemple de la commune Kollo qui a loti des milliers de parcelles à Gueselbodi village situé à une trentaine de kilomètres de Niamey

Cette course aux lotissements des communes environnantes s'effectue sans plan de développement d'ensemble. Leurs offres sont plus accessibles aux Niaméens qui ont plus de moyens financiers que les autochtones (originaires de ces communes). D'ores et déjà, on assiste de plus en plus à un transfert des terres agricoles des mains des paysans à celles des fonctionnaires et des grands commerçants de Niamey qui thésaurisent ainsi de grands domaines. A cela s'ajoutent les lotissements effrénés de la mairie qui ne cessent d'engloutir les zones périurbaines.

Dans ce contexte d'étalement urbain et de périurbanisation, on assiste à un allongement des distances. De ce fait, la relation domicile-emploi est fortement déterminée par la concentration des emplois dans le centre-ville (pour les activités du tertiaire et du secondaire) et la fonction résidentielle de la périphérie. Ces longues distances imposent aux ménages l'achat de véhicules. Mais, le faible revenu de la plupart d'entre eux n'autorise que l'importation des véhicules d'occasion de l'Europe ou des Etats-Unis d'Amérique communément appelés «France au revoir ». Le développement de l'automobile, qui en découlerait plus tard, pourrait engendrer un accroissement de la demande d'énergie et une augmentation de la pollution. En outre, l'étalement implique aussi une surconsommation d'espaces qui conduit à une dégradation environnementale et paysagère et à un surcoût des équipements et infrastructures.

Ce travail d'étude et de recherche est constitué de trois parties dont la première intitulée « Cadres de l'étude et analyse du profil migratoire des chefs de ménage de la ville de Niamey»  comprend deux chapitres :

- Le chapitre 1 titré « Cadres théorique et opératoire de l'étude» montre l'originalité et l'intérêt de la présente étude ainsi que la méthodologie adoptée pour sa réalisation.

- Le chapitre 2 intitulé « Dynamique des parcours migratoires : des chefs de ménage au parcours migratoire peu développé  » tente de montrer le comportement migratoire des chefs de ménage ; le profil migratoire élaboré à cet effet, situe les migrations internes et internationales dans les rapports des citadins à leur espace qu'est la ville de Niamey. De plus, ce chapitre met en évidence l'empreinte différentielle des migrations sur les espaces résidentiels de la ville de Niamey dans le but de vérifier que le profil migratoire varie en fonction de la localisation du ménage.

La deuxième partie qui est intitulée « Mobilité résidentielle intra-urbaine centrifuge des ménages de Niamey » montre comment les ménages contribuent à alimenter l'étalement urbain de la ville de Niamey. Pour ce faire, elle procède à une analyse du processus d'intégration socio-urbaine (mobilité résidentielle, mobilité sociale) des citadins depuis leur premier quartier de résidence jusqu'au quartier d'habitation actuelle. De même, elle présente la situation résidentielle des ménages en vue de déceler d'éventuelle ségrégation socio-spatiale dans la ville. Elle est également est structurée en deux chapitres :

- Le chapitre 3 intitulé «  Des contraintes dans la mobilité résidentielle intra-urbaine centrifuge des ménages de la ville de Niamey » est une analyse globale de la mobilité résidentielle intra-urbaine des chefs de ménage de la ville de Niamey. Cette analyse synthétique des données et informations observées au niveau des quartiers enquêtés et des strates vise à définir le modèle de trajectoire résidentielle intra-urbaine dominant chez les ménages de Niamey ;

- Le chapitre 4 intitulé « Flux de ménages asymétriques entre les strates dans un contexte résidentiel peu reluisant » est, quant à lui, une analyse de la mobilité résidentielle intra-urbaine des chefs de ménage par strate. Ainsi, il tente de démontrer que les ménages habitant dans une strate ont souvent une histoire urbaine qui leur confère une trajectoire résidentielle particulière par rapport aux habitants des autres strates de la ville. En plus de cela, il présente la situation résidentielle des ménages dans un contexte d'étalement accéléré par une mauvaise gestion urbaine en mettant en exergue les spécificités résidentielles des ménages dans différentes strates de la ville Niamey. Pour ce faire, l'analyse retient le type de construction des maisons, la présence d'eau courante, d'électricité et du propriétaire dans la maison ainsi que les conditions de logement des ménages au niveau de chaque strate.

Enfin, la troisième partie intitulée « Niamey, vers un développement spatial qui prend de plus en plus de l'ampleur» explique le processus du développement de la ville en identifiant les facteurs qui concourent à son accélération. Comme les précédentes, la troisième partie comporte également deux chapitres :

- Le chapitre 5 qui a pour titre « Niamey, une ville qui s'étale rapidement » expose les phases de l'évolution spatiale de la ville de Niamey et soumet le SDAU de 1984 à un examen critique ;

- S'agissant du chapitre 6, il fait cas d'une « Mauvaise gestion urbaine sur fond de spéculation » en exposant d'abord les quatre étapes de la planification urbaine au Niger. Ensuite, met en évidence une mauvaise gestion urbaine sur fond d'une triple spéculation : foncière, de services urbains et de mise en valeur.

Ce travail est donc structuré en trois parties et six chapitres qui permettront d'aborder tous les aspects du sujet dont l'analyse nécessite le choix d'une démarche méthodologique rigoureuse dans la conduite de la recherche.

* ¹ République du Niger. Ministère des Finances et de l'Economie. Projet PARSTAT (volet secteur informel). Direction de la Statistique et des comptes nationaux.- L'emploi, le chômage et les conditions d'activité dans la CUN, résumé exclusif du rapport. Novembre 2003

* ² Agence pour sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar

* ³ Société Nigérienne de l'Electricité