5.4. Planification peu
efficace face à l'étalement urbain
La présente analyse distingue la planification urbaine
et la gestion urbaine qui traduit le jeu des acteurs. Ici, la planification
considère tous les textes et schéma d'aménagement mise en
place pour régir et contrôler le développement urbain. Dans
ce sens, elle est perçue comme quelque chose de plutôt
théorique qui doit conditionner la gestion urbaine. Ce qui fait que
cette dernière notion est purement pratique et son analyse insiste sur
les faits et la manière dont les textes, lois et schémas ainsi
que les priorités dégagées sont mis en oeuvre.
La planification a toujours existé au Niger ; elle
est apparue comme un instrument obligatoire pour réaliser le
développement économique et social du pays. Elle y est,
d'ailleurs, considérée comme un long processus qui peut
être scindé en quatre grandes étapes à savoir :
- la période coloniale,
- l'étape de 1960 à 1990,
- la période de 1990 à 2000 consacrant la
démocratisation,
- et enfin celle de 2004 à nos jours marquant la
décentralisation effective du pays.
Il faut dire que chacune de ces étapes correspond
à une période de la vie politique du Niger. Cette analyse, qui
n'a pas pour objet de relever l'exhaustivité de plans initiés
à chaque étape, place la planification urbaine d'abord dans le
contexte global de planification nationale. Car jusqu'à
récemment, la planification urbaine a eu du mal à se
singulariser. Mieux, le maillage de la planification urbaine s'insère
dans celui de la planification générale de l'espace et rejoint de
ce fait les préoccupations d'Aménagement du Territoire. C'est
pourquoi, il paraît primordial de faire un aperçu de
l'organisation des villes sur le territoire national, afin de déceler
les déséquilibres avant d'aborder les étapes de la
planification ; cette dernière a pour but de résorber ce
déséquilibre territorial et d'assurer un développement
maîtrisé des villes du Niger.
5.4.1. Aperçu sur
l'armature urbaine du Niger
La mesure du phénomène d'urbanisation varie d'un
recensement à un autre selon les critères
considérés dans les différentes analyses. En 1977, le
recensement général de la population considère comme
centres urbains tous les chefs-lieux de départements, d'arrondissements,
toutes les communes et tous les postes administratifs s'ils comptent au moins 2
500 habitants. Cela semble être justifié par le fait qu'à
cette date, seuls ces types de localités sont censés être
dotés de certains équipements socio-collectifs. Le seuil de 2 500
habitants a permis de classer comme centre urbain 42 localités pour une
population urbaine estimée à 656 203 habitants, soit 13% de
la population totale du pays.
Le recensement général de la population de 1988
est plus réducteur, car faisant abstraction du poids
démographique parmi les critères de définition de centre
urbain. Ainsi, il ne considère comme centres urbains que les chefs-lieux
de départements, d'arrondissements et les communes. Le caractère
administratif est donc le critère exclusivement retenu. Il en
résulte une diminution du nombre de villes de 42 à 39, bien que
la population urbaine ait augmenté considérablement. Le taux
d'urbanisation qui était de 12,86 % en 1977 est passé à
seulement 15 % en 1988. Par exemple dans le département d'Agadez, Ingall
qui était classé parmi les centres urbains en 1977 selon le seuil
démographique retenu, ne figure plus dans la catégorie urbaine de
1988. La reconduction des critères de définition de centre urbain
de 1988 en 2001 a donné lieu une stagnation du nombre de villes passant
de 39 à 40 seulement en 13 ans.
Quant au taux d'urbanisation, il passe de 15 % en 1988
à 16 % en 2001, soit au total 1 798 501 habitants. Il
apparaît clairement que ces critères ont conduit à une
sous-estimation de la population urbaine à l'échelle du pays,
même s'ils font état de l'augmentation rapide de certains centres
urbains.
Il faut dire que plusieurs localités sont aujourd'hui
dotées de l'eau courante, de l'électricité et de bien
d'autres équipements et infrastructures, du fait de l'espace qu'elles
occupent, de leur poids démographique ainsi que de leur densité
d'habitants. D'où l'intérêt de prendre en compte ces points
parmi les critères d'urbanité. C'est ainsi que l'Atlas du Niger
édité en 2002, retient comme centre urbain toutes
agglomérations d'au moins 5 000 habitants, dotées d'un centre de
santé, d'un collège, d'un bureau de poste ou agence postale, d'un
système d'adduction d'eau et d'un maillage minimum de voirie en terre.
Selon la même analyse, le taux d'urbanisation s'élèverait
à 18 %, soit une population urbaine de 1 900 000 habitants. Cette
évolution du nombre des villes traduit aussi une certaine tendance
à la concentration par polarisation de la population dans les villes
existantes
Dans le document de Stratégie National de
Développement Urbain (SNDU) élaboré en 2004, la
définition d'un centre urbain se base sur l'existence dans une
localité d'un réseau d'alimentation d'eau potable et
d'énergie électrique, d'un établissement sanitaire,
d'enseignement primaire à un cycle complet, d'un marché
hebdomadaire ou permanent, d'une gare routière et d'un abattoir. Ce qui
a permis de compter 73 villes en 2001 et 84 en 2004 selon le document de la
stratégie de développement urbain. Le taux d'urbanisation y est
estimé à près de 20 %.
En effet, avec la décentralisation, certaines
localités rurales s'urbanisent non pas du fait de l'exode rural ou de la
rurbanisation, mais grâce à la course aux équipements dans
laquelle sont lancées les autorités communales et le programme
spécial du Président de la République. Ainsi, sans avoir
à se déplacer, beaucoup de ruraux deviennent citadins en un temps
record. Cela rend acceptable les projections de la stratégie de
développement urbain selon lesquelles les villes nigériennes
abriteront 25 à 32 % de la population en 2020. Cependant, on remarque
que le document de la Stratégie Nationale de Développement Urbain
ne précise pas un seuil démographique dans sa définition
de la ville. Or, il s'agit d'un critère essentiel de définition
et de hiérarchisation des villes.
Dans un article intitulé « Villes
nigériennes, l'émergence d'une armature urbaine nationale en pays
sahélien », Bruneau J.-C. et al. ont montré
l'évolution des villes du Niger. A cet effet, ils présentent la
macrocéphalie de l'armature urbaine comme un phénomène
marquant la décennie 1970. Selon ces auteurs, les années 80
voient les centres secondaires se renforcer par la multiplication des petites
villes et la croissance des villes moyennes. Quel que soit la date
considérée, ces auteurs retiennent comme centres urbains, les
localités ayant une population agglomérée de 4 500
habitants au moins. L'argument émis est que cet effectif est la masse
critique qui assure toute localité un fonctionnement bien distinct de
celui d'un simple bourg ou d'un village. Aussi, pour distinguer les villes,
ont-ils mis en place la typologie suivante :
- les centres de 4 500 à 25 000 sont
considérés comme des petites villes ;
- ceux de 25 000 à 120 000 habitants sont des
villes moyennes ;
- au-delà de ces chiffres, on a les grandes villes.
Carte n° 5.5 : Armature urbaine du Niger
Source : Atlas du Niger (2002, p. 33)
Dans tous les cas, la répartition des villes au sein de
l'espace nigérien exprime d'emblée un total
déséquilibre ; les villes sont concentrées au sud du
pays, notamment dans le Sahel nigérien, qui regroupe 90 % des citadins
en 1988. Globalement la localisation des villes parait linéaire au
sud-est suivant l'axe du fleuve (villes fluviales), au sud et sud-est suivant
la route nationale reliant Niamey à N'guigimi et au centre et au nord
suivant la route de l'uranium reliant le précédent à
Arlit. En plus, on relève quelques villes satellites qui se trouvent
autour des grandes villes.
Pour harmoniser et restructurer son armature urbaine, le Niger
a adopté une loi portant orientation de la politique nationale
d'aménagement du territoire. Il s'agit de la loi 2001-032 du 31
décembre 2001, dont l'article 5 porte un intérêt
particulier sur la structuration de l'armature du Niger. Il convient de
rappeler que cette armature urbaine déséquilibré n'a pas
pu se développer en dépit de l'existence d'une volonté de
planification qui date de la période coloniale et qui s'est maintenue
jusqu'à nos jours.
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