5.3. Stratégies d'extension sur lesquelles se
base le SDAU
Après la mise en évidence de l'impact de la
surestimation de la population de Niamey à l'horizon 1996 sur les
projections de développement spatial de la ville, il s'avère
important d'examiner les stratégies d'extension sur lesquelles se base
le SDAU. Ces stratégies sont basées sur le fait qu'en 1984, la
ville occupait une superficie de 5 500 hectares pour une population
estimée à 375 000 habitants, soit une densité de
moyenne de 68 habitants/hectares. Selon SDAU, la population
supplémentaire en 1996 serait de 383 000 habitants qui seront
réparties par la densification. A cet effet, il a été
prévu une superficie supplémentaire de 11 000 hectares (SDAU
Niamey, 1984, le livre blanc, p. 85). Cela suppose que la ville couvrirait une
superficie de 16 500 hectares en 1996, si le SDAU est mise en oeuvre
intégralement. Ainsi, la densité moyenne de la ville existante
augmenterait de 12 habitants pour atteindre 80 habitants/hectare, tandis que
celle des zones d'extensions avoisinerait 30 habitants /hectares.
Il faut dire que les extensions prévues dans le cadre
du SDAU concernent toutes les parties de la ville suivant les espaces compris
entre les principaux axes routiers. Ainsi, sur la rive gauche, l'extension
sud-ouest de la ville concerne l'espace entre la route Tillabéry et le
fleuve Niger sur plus de 237 hectares à aménager, hormis les
terrains de haute potentialité agricole qu'il convient de
préserver et les zones non urbanisables. Entre la route de
Tillabéry et la route Ouallam, les aménagements prévus
concernent 2 455 hectares. L'extension nord-est concerne, pour sa part,
l'espace compris entre la route Ouallam et la route Filingué. Ici le
SDAU a prévu d'aménager environ 1 542 hectares. A l'est de la
ville, l'extension est prévue entre la route Filingué et la route
de Dosso sur 1 947 hectares d'espaces à aménager. A cela s'ajoute
une extension de 1 874 hectares entre la route de Dosso et le fleuve Niger au
sud-est de la ville.
Au niveau de la rive droite, l'extension est prévue
à l'ouest sur 1 935 hectares suivant la route Torodi, tandis qu'à
l'est, elle devrait se faire autour de la route de Say sur 1.404 hectares.
On remarque que l'extension de la ville devrait concerner
toutes les communes actuelles de la ville et que le SDAU n'avait pas comme
ambition l'édification d'une ville compacte avec des fortes
densités même à la périphérie. Il initiait
plutôt une ville étalée, qui nécessiterait des
besoins énormes en Voirie, Réseaux et Divers (VRD). Or cela fait
déjà cruellement défaut dans certains quartiers de la
ville existante.
De plus, l'absence de chronogramme, du moins dans le livre
blanc du SDAU, concernant la mise en place des éléments urbains
projetés, laisse une large marge de manoeuvre aux acteurs urbains tels
que les autorités communales, notamment en ce qui concerne les
lotissements. L'importance de l'espace supplémentaire prévu pour
le développement confère au SDAU le caractère d'un projet
coûteux pour les sociétés concessionnaires ainsi que pour
l'Etat et les municipalités, qui auraient eu du mal à suivre le
rythme d'extension comme c'est le cas d'ailleurs aujourd'hui.
En outre, il ne remet pas en cause un certain nombre de faits
préexistants à savoir :
- la place centrale des organes étatiques dans la
gestion urbaine alors que l'interventionnisme de l'Etat était
déjà en crise ;
- l'habitat horizontal très consommateur
d'espace ; ainsi 5 251 hectares soit 46% de l'espace à
aménager sont destinés à l'habitat ;
- l'esprit d'aménagement ségrégationniste
qui a commandé l'organisation spatiale de l'habitat de Niamey depuis la
colonisation.
Sur le plan du SDAU, on observe sept zones d'habitats
résidentiels à aménager, ainsi que les 12 zones d'habitats
programmés. Ces zones sont généralement
séparées de celles d'habitat traditionnel dit évolutif,
soit par une route ou autoroute, soit par une barrière naturelle ou un
équipement d'envergure. Bien que ces zones d'habitats se retrouvent
partout dans la ville, on peut reconnaître que le SDAU ne fait pas la
promotion de la mixité sociale. Le SDAU ne semble pas, non plus, rompre
avec le caractère de ville militaire que certains chercheurs
reconnaissent à Niamey. Mieux, il le renforce au point de vouloir faire
de la ville une véritable forteresse, car en plus des camps militaires
existant à l'époque, le SDAU a programmé l'installation de
cinq autres à la périphérie de presque tous les axes
d'extension spatiale.
De ce fait, on remarque, dans l'élaboration du SDAU,
une certaine continuité d'anciennes pratiques urbanistiques qui tend
à lui donner un aspect purement classique.
On constate également, que l'étalement de la
ville sur fond de développement anarchique a réellement
concerné toutes les zones d'extension prévue par le SDAU, sauf
qu'il ne s'est pas fait dans le respect total des projections du SDAU. Aussi,
dans la pratique, des réserves foncières prévues dans le
cadre du SDAU ont-elles fini par être morcelées. C'est le cas du
lotissement Kobontafa, destiné à l'usage d'habitation dans le
cadre de l'opération « arriérés de salaire
contre parcelle ». Ce lotissement a été
opéré sur les réserves foncières se trouvant
derrière l'aéroport au nord-est. Les 50 mètres
prévus pour séparer l'Aéroport International Diori Hamani
des résidences, de surcroît propriété de
l'Escadrille, ont été un peu grignotés par la mairie en
2007, pour un usage d'habitation. Quant au quartier Sarry Koubou, une partie
est logée sur un terrain prévu pour faire office de
cimetière.
De même, Niamey 2000 et Saga Fondou AR ont
été construits sur une réserve foncière
prévue par le SDAU. Cependant, certains projets du SDAU ont
été appliqués : c'est le cas de la cité de la
francophonie réalisée sur un terrain prévu pour accueillir
un habitat résidentiel, l'extension de l'aéroport.
L'analyse montre un développement non
maîtrisé de la ville qui débouche sur un étalement
sans précédent. La non-maîtrise du développement est
relative à la production systématique et spéculative de
parcelles devant accueillir des ménages dont la plupart ont eu une
mobilité résidentielle centrifuge. La spéculation a
surtout été forte à partir de la période
démocratique qui donne lieu à une dilapidation voire un
épuisement des ressources foncières ; l'étalement qui
en résulte prendra davantage d'ampleur à l'horizon 2020 si rien
n'est fait. Le SDAU de 1984 est certes un outil de maitrise du
développement de la ville de Niamey, mais ne vise pas à sortir du
processus d'étalement. Son examen critique révèle que
l'application stricte de cet outil d'aménagement d'urbain ne
maintiendrait qu'une ville étalée avec de faibles densités
humaines.
L'étalement de la ville de Niamey qui est
alimentée par la mobilité résidentielle des ménages
n'est pas bien encadré du fait de la non-application des outils de
planification conçus à cet effet.
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