Les mécanismes de financement de la banque mondiale( Télécharger le fichier original )par Gervis Briand Kamguem Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master professionnel 2 en Relations Internationales 2012 |
SECTION II: LES CONDITIONNALITES DE LA BANQUE MONDIALEAu milieu des années 80, la Banque mondiale et le FMI ont officiellement institué des conditions standard relatives aux prêts accordés aux pays en difficultés. Conditions garantissant le rétablissement des équilibres macro-économiques et le remboursement effectif de l'emprunt, elles portaient sur un ensemble de changements structurels de politiques économiques de « marché libre » auxquels devaient se plier les pays afin d'augmenter leurs revenus et de réduire leurs dépenses. Communément désignées sous l'appellation des Programmes d'ajustement structurel. Cet ensemble de conditions standard a rapidement été connu sous le nom de « Consensus de Washington35(*) ». Il consistait en dix conditions clés de politique macroéconomique que les décideurs des institutions de Bretton Woods devaient considérer comme étant essentielles pour remettre les pays bénéficiaires sur les rails. Remplacés depuis 1999 par les documents portant sur la stratégie de réduction de la pauvreté « propres à chaque pays », on peut dire que ces mesures drastiques ont subi beaucoup de reformes au point de devenir des stratégies élaborées par les pays eux-mêmes. 1. LES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTURELS (PAS) Un programme d'ajustement structurel est un listing de réformes économiques que le FMI et la Banque mondiale mettent en place, pour permettre aux pays touchés par de grandes difficultés macro-économiques de sortir de la crise et de relancer leur croissance. Il s'agit d'un ensemble de dispositions dont certaines agissent sur la conjoncture et d'autres sur les structures. Elles résultent d'une négociation entre un pays endetté et ses bailleurs de fonds pour modifier son fonctionnement macroéconomique. Ces crédits conditionnés par la mise en place de réformes considérées comme pérennes étaient dénommés « prêts d'ajustement structurel ou des prêts d'ajustement sectoriel » jusqu'en août 2004. A partir de cette date, la Banque a dû effectuer des réformes en réponse à l'avalanche de critiques essuyées par son administration venant tant des gouvernements des pays emprunteurs que des organisations de la société civile. Les crédits sont débloqués par tranches successives à mesure que le programme d'ajustement structurel est mis en place. Ces mesures concernent notamment : - Des dispositions législatives favorisant l'initiative économique, le fonctionnement du marché et les investissements étrangers propices au développement, permettant entre autres l'ajustement spontané des agents économiques à la situation locale et à l'environnement mondial. - Des dispositions de « gouvernance » contre la corruption, la bureaucratie et l'emprise de clans sur l'économie. - Une meilleure diffusion du savoir et un encouragement de l' innovation. - L'amélioration des infrastructures selon des modes évitant le clientélisme et limitant la constitution de monopoles. - Un système fiscal plus incitatif aux initiatives et à la croissance économique. Les PAS comprennent généralement les mesures suivantes : · · Réduire le déficit budgétaire du gouvernement. · Laisser flotter la devise. · Libéraliser le commerce international en réduisant les barrières protectionnistes. · Éliminer les contrôles de prix (plafonds et plancher). · Éliminer les subventions. · Privatiser les entreprises d'État. · Adopter un cadre légal favorisant le respect les droits de propriété privés. · Réduire l'ampleur de la corruption gouvernementale. · Dévaluer la monnaie Fort du constat de contre productivité des résultats escomptés, la Banque mondiale a dû revisiter ses conditions d'aide. Passant ainsi d'une phase où elle mettait l'accent sur les mesures à prendre pour instaurer des ajustements macroéconomiques, elle porte son attention aujourd'hui sur les différents aspects de la conditionnalité ayant trait à la conception. Elle s'intéresse plus aux initiatives visant à renforcer la prise en charge des programmes par les pays, à rationaliser la conditionnalité, et à favoriser la collaboration avec le FMI. Aujourd'hui, la Banque adopte une approche souple par rapport à la conditionnalité pour tenir compte de l'engagement de l'emprunteur à l'égard de son propre programme. L'intervention de la Banque étant judicieusement associée aux efforts de renforcement des capacités. 2. LA REFORME DES CONDITIONNALITES DE LA BANQUE MONDIALE Aux yeux des organisations de solidarité internationale et des populations des pays du sud, le terme de conditionnalité a pris depuis de nombreuses années à tort ou à raison une connotation fortement négative. Afin d'obtenir le remboursement de la dette, les institutions de Bretton woods ont imposé aux gouvernements des pays concernés un ensemble de mesures, selon un modèle unique d'inspiration libérale. Il était supposé permettre à court terme, le remboursement d'une partie de la dette et à moyen terme, une reprise de la croissance grâce aux vertus présumées des politiques libérales (libéralisation des prix et des changes ; privatisations ; réduction du rôle de l'Etat ; ouverture commerciale et priorité aux exportations) uniformément appliquées. Cette politique n'a évidemment pas fait la preuve de son efficacité, ni en termes de résolution de la question de la dette et de reprise de la croissance. Elle a en revanche eu des conséquences très négatives en termes d'affaiblissement des services publics, notamment dans les secteurs sociaux, ce qui a amené la Banque à revoir son application de la conditionnalité. Celle-ci a fortement évolué depuis. Le passage à l'initiative PPTE renforcée en 1999 a été l'occasion pour la Banque mondiale, de redorer le blason de l'ajustement structurel qui a disparu de son vocabulaire. Avec une certaine prise en compte de la lutte contre la pauvreté par un investissement réorienté vers les secteurs sociaux. Le Document-cadre de politique économique (DCPE) a alors été remplacé dans les pays à faibles revenus par le Document pour la stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), qui reflète les orientations de la politique nationale et est élaboré de manière participative. La Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR) du FMI est devenue la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC), les Prêts d'ajustement structurel de la Banque mondiale sont devenus les Prêts de soutien à la réduction de la pauvreté ou Prêts de politique de développement(PPD). C'est dans ce sillage que la politique opérationnelle de la Banque a été révisée en août 2004 et un examen de sa mise en application a été effectué en 2005. Lors de cet examen, des plateformes de discussion incluant la société civile ont été organisées. Quelques principes clés et bonnes pratiques en sont ressortis: § La conditionnalité reste de mise, pour des raisons de responsabilité financière, par exemple de la Banque vis-à-vis des pays membres. § L'efficacité du développement repose sur l'appropriation par le pays partenaire des mesures à entreprendre. Si le pays n'en est pas convaincu, les changements imposés par l'extérieur ne pourront donner des résultats probants. § Le nombre de conditions par opération de la Banque a diminué et il convient de choisir comme conditions de décaissement uniquement des actions dont l'accomplissement est indispensable à la réalisation des résultats. Privatisation et libéralisation des marchés ne devraient plus y figurer. § En règle générale, les conditions de la Banque et les mesures préalables prévues sont entièrement accessibles au public. Ainsi la conditionnalité dans le contexte de la Banque mondiale est définie comme un ensemble de conditions qui, conformément au paragraphe 13 de sa Politique opérationnelle OP 8.60, doivent être remplies avant que celle-ci n'effectue des décaissements au titre de l'appui aux politiques de développement. Comme conditions, le pays doit : - Mettre en place un cadre de politique macroéconomique adapté. - Entreprendre d'exécuter l'ensemble de son programme inscrit dans son DSRP d'une manière jugée satisfaisante par la Banque. - Accomplir les réformes politiques et institutionnelles qu'il doit absolument entreprendre pour que le programme appuyé par la Banque puisse être exécuté et produire les résultats attendus. A ce jour, la Banque mondiale a supprimé dans ses politiques opérationnelles les passages relatifs à des domaines d'action ayant un caractère prescriptif tels que la privatisation, la réforme du secteur financier, et la réforme du secteur public. La raison en est qu'elle a reconnu que les politiques standard conduisent souvent à l'échec et que les mesures prises doivent être propres aux pays et s'inscrire dans un calendrier. Les Prêts à l'appui des politiques de développement visent à soutenir le programme de réformes politiques et institutionnelles des pays pour la promotion de la croissance et la réduction durable de la pauvreté. Ces programmes doivent s'appuyer sur les travaux d'analyse par pays et par secteur (entrepris par le pays lui-même, une tierce partie, ou par la Banque). En outre, les opérations doivent permettre d'évaluer les dispositions fiduciaires en vigueur dans le pays ; l'impact que les mesures prises ont sur son environnement, notamment la forêt et les autres ressources naturelles et les effets que les principales mesures soutenues par ces opérations peuvent avoir sur la pauvreté et la situation sociale. S'agissant de la conditionnalité, la nouvelle politique opérationnelle stipule que les conditions soient limitées aux actions qu'il faut absolument entreprendre pour que la mise en oeuvre du programme du pays donne les résultats escomptés. Les programmes conçus dans le cadre de cette nouvelle politique doivent être élaborés en concertation avec les parties prenantes à l'intérieur du pays, et comporter un cadre de définition des résultats permettant d'assurer un suivi et une évaluation adéquate. De façon générale, la conditionnalité de la Banque telle que mesurée en nombre de conditions a considérablement baissé. Le nombre moyen de conditions par prêt à l'appui des réformes a diminué, passant de plus de 35 au début des années 90 à environ 12 à ce jour. En revanche, le nombre d'indicateurs de référence a augmenté dans les prêts à l'appui des réformes, passant de15 environ au début des années 90 à 48 exactement avec les OMD. Cette utilisation accrue intervient principalement dans les prêts-programmes consentis aux pays AID. * 35Expression utilisée (à partir de 1990) pour désigner la doctrine néolibérale que le FMI et la Banque mondiale ont imposée aux politiques économiques dont ils étaient les tuteurs et les pourvoyeurs de financement par l'intermédiaire de l'ajustement structurel : privatisations, libéralisation notamment financière, stabilisation (stabilité des prix, retour à l'équilibre budgétaire...). |
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