Les mécanismes de financement de la banque mondiale( Télécharger le fichier original )par Gervis Briand Kamguem Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master professionnel 2 en Relations Internationales 2012 |
CONCLUSION DU CHAPITRE IEn substance nous dirons que notre étude succincte des mécanismes de financement des banques multilatérales de développement autres que la Banque mondiale, laisse entrevoir un faisceau de traits caractéristiques qui fondent leur identités et leur desseins. En effet, identifiées pour des institutions multilatérales, elles sont de facto ouvertes à tous les pays qui souhaitent en faire partis. Leurs objectifs analogues qui sont la lutte contre la pauvreté et la promotion du développement, représentent le creuset de leurs différentes politiques opérationnelles. Elles se servent des prêts, dons, garanties, prises de participation et conseils pour financer des programmes de développement. Elles sont de véritables sources de financement dont les pays pauvres ne peuvent s'en passer. Si certaines d'entre elles accordent des prêts aux termes du marché, il faut dire que près de 80 pays bénéficies aujourd'hui de taux d'emprunts oscillant entre 0et 0.750/0. Qui plus est, avec des échéances de 10 à 40 ans assorties de différés d'amortissement relativement élastique. Fort de cet aperçu on pourrait dire sans risque de se tromper que ces banques régionales et sous régionales de développement soutiennent efficacement le développement. Ceci serait sans compter sur les effets pervers que produisent leurs politiques de financement et de l'état de décrépitude avancé des indicateurs socio-économiques dans les pays emprunteurs. En réponse à ce paradoxe irréfutable et malheureux, la Banque mondiale a du revisiter ses politiques opérationnelles ces dernières années pour essayer de redorer son blason terni par des mécanismes de financement anachroniques et peu efficaces. CHAPITRE IILES MECANISMES DE FINANCEMENT DE LA BANQUE MONDIALE La Banque mondiale comme toute institution financière évolue dans ses activités avec l'emploi des mécanismes financiers visant à concrétiser ses soutiens auprès de ses débiteurs. En ceci comme dans bon nombre de cas, elle développe des instruments financiers censés répondre favorablement aux besoins de ses emprunteurs. Consciente de ses échecs retentissants jusqu'à la fin des années quatre-vingt-dix, elle a dû revoir les politiques opérationnelles qui ficèlent ses mécanismes de financement. Jugés trop austères et contre productifs pour les pays en développement, la Banque mondiale a entrepris des réformes tant au niveau de la fourniture de son aide qu'au niveau son utilisation. De ce fait pour mieux comprendre les nouvelles dispositions des mécanismes de financement de la Banque mondiale, nous allons étudier dans ce chapitre les instruments, les conditionnalités et les procédures mises en place par de la Banque mondiale pour remédier aux déficiences antérieures. SECTION I : LES INSTRUMENTS FINANCIERS DE LA BANQUE MONDIALELa Banque mondiale offre toute une gamme d'instruments parmi lesquels : des prêts; des crédits; des dons; des instruments de garantis, de gestions des risques et des services d'assistance techniques et de conseils. Ces différents services sont répartis et alloués selon qu'il s'agisse de la BIRD (qui offre uniquement des prêts aux pays à revenus intermédiaires), de l'AID (qui offre 20% environ de ces financements sous forme de dons, et pour le reste sous forme de crédits à long terme sans intérêts au pays pauvres). Pour ce qui concerne les instruments de garantis et de gestions des risques, ils sont actionnés par l'entremise de l'AMGI qui est une filiale du Groupe de la Banque mondiale. 1. LES PRETS DE LA BANQUE MONDIALE La Banque utilise essentiellement deux catégories d'instruments de prêt : les Prêts d'investissement(PI) et les Prêts de politique de développement(PPD). Les Prêts d'investissement ont un horizon à long terme (5 à 10 ans pour la BIRD et 30 à 40 ans pour l'AID). Ils financent les fournitures, les travaux et les services à l'appui aux projets de développement économique et social dans des secteurs divers. Les Prêts de politique de développement ont un horizon à court terme (1 à 3 ans) et fournissent un financement à décaissement rapide pour aider les pays membres à réorienter l'action publique et à réaliser des réformes institutionnelles. Ces deux types de prêt sont employés avec souplesse pour servir différents objectifs, et sont parfois consentis conjointement dans le cadre d'opérations mixtes. a. Les Prêts d'investissement Les Prêts d'investissement ou prêts en faveur des projets, financent une large gamme d'activités ayant pour objet de créer les infrastructures physiques et sociales nécessaires pour réduire la pauvreté et assurer un développement durable. Au cours des vingt dernières années, les prêts d'investissement ont représenté en moyenne entre 75 et 90 % du volume total des prêts de la Banque. Les Prêts d'investissement ont évolué avec
le temps. Ces prêts qui, au départ, devaient essentiellement
permettre de financer l'acquisition de matériels, de services
d'ingénierie, de briques et de mortier, financent désormais le
renforcement des institutions, le développement social et
l'infrastructure publique nécessaire pour faciliter les activités
du secteur privé. Les projets bénéficiant de ce type de
financement visent des objectifs aussi variés que la réduction de
la pauvreté urbaine; le développement rural; l'approvisionnement
en eau et l'assainissement; la gestion des ressources naturelles ; la
reconstruction des pays après des conflits ; l'éducation; et
la santé. Décaissements. Les fonds sont décaissés pour financer des dépenses particulières en devises ou en monnaie nationale encourues dans le cadre du projet d'investissement, y compris les matériaux et équipements, travaux de génie civil, services techniques et consultatifs, études et charges récurrentes, identifiés au préalable. La passation de marchés de fournitures, travaux et services est un aspect important de l'exécution du projet. Pour garantir que les résultats seront satisfaisants, l'accord de prêt peut subordonner les décaissements au titre de certaines composantes du projet au respect scrupuleux de certaines conditions bien déterminées. Instruments. La grande majorité des Prêts d'investissement sont des prêts d'investissement spécifique ou des prêts sectoriels d'investissement et d'entretien. Depuis quelque temps, la Banque consent aussi des Prêts-programmes évolutifs et des Prêts au développement des connaissances et à l'innovation pour encourager l'innovation et accroître la souplesse des opérations. D'autres instruments sont adaptés aux besoins particuliers des emprunteurs, comme les Prêts d'assistance technique, les Prêts à des intermédiaires financiers et les Prêts d'urgence à un pays sinistré. La valeur et l'importance des PI ne se limitent pas à un simple financement. À la différence des Prêts commerciaux, la Banque soutient les pays emprunteurs en leur fournissant non seulement le financement nécessaire à leurs projets d'investissement, mais aussi le moyen de bénéficier en permanence d'un transfert de connaissances globales pratiques et d'une assistance technique. Cette aide comprend l'appui pour les travaux d'analyse et d'étude lors des étapes conceptuelles de préparation d'un projet ou d'un programme. Un soutien et une expertise techniques (notamment dans les domaines de gestion du projet, des activités fiduciaires et des mesures de sauvegarde) pendant la mise en oeuvre, ainsi que le renforcement des institutions tout au long du projet. b. Les Prêts de politique de développement Les Prêts de politique de développement fournissent une aide à décaissement rapide aux pays qui ont besoin de financements pour appuyer des réformes structurelles dans un secteur particulier ou dans l'économie tout entière. Ces prêts appuient les transformations politiques et institutionnelles nécessaires pour créer un environnement propice à une croissance soutenue et équitable. Au cours des vingt dernières années, les prêts d'ajustement ont représenté en moyenne de 10 à 25 % du volume total des prêts de la Banque. Les Prêts de politique de développement visaient, au départ, à fournir un appui aux réformes des politiques macroéconomiques, y compris les réformes de la politique commerciale et agricole. Ils ont peu à peu évolué pour davantage cibler des réformes structurelles et des réformes du secteur financier ou des politiques sociales, et améliorer la gestion des ressources du secteur public. Les Prêts de politique de développement visent maintenant à promouvoir des structures de marché concurrentielles (réforme juridique et réglementaire), à remédier aux distorsions des régimes d'incitations (réforme de la fiscalité et du commerce), à mettre en place des systèmes de suivi et de sauvegarde appropriés (réforme du secteur financier), à créer un environnement propice aux investissements privés (réforme judiciaire, adoption d'un code d'investissement moderne), à encourager les activités du secteur privé (privatisations et partenariat entre le secteur public et le secteur privé), à promouvoir une bonne gestion des affaires publiques (réforme de la fonction publique), et à atténuer les effets négatifs à court terme de l'ajustement (par la mise en place de fonds de protection sociale pour y remédier). Eligibilité. Des Prêts de politique de développement peuvent être consentis à des pays clients de la BIRD ou de l'IDA qui n'ont aucun arriéré envers le Groupe de la Banque. Pour être admis à bénéficier d'un PPD, un pays doit conclure un accord sur l'adoption de réformes politiques et institutionnelles assujetties à un suivi, et sur la poursuite d'une gestion macroéconomique satisfaisante. Les activités de coordination avec le FMI sont un aspect essentiel de la préparation d'un Prêt de politique de développement. Décaissements. Les fonds sont décaissés en une ou plusieurs tranches dans un compte de dépôt spécial. Les tranches sont débloquées lorsque l'emprunteur a satisfait aux conditions stipulées, par exemple lorsqu'il a adopté une législation particulière, réalisé certains critères de performance, ou fourni d'autres pièces attestant des progrès accomplis dans la mise en place d'un cadre macroéconomique satisfaisant pour une reprise de la croissance économique. Instruments. La nouvelle OP/BP 8.60 (politique opérationnelle) s'applique à l'ensemble des PPD, remplaçant ainsi les différents types de prêts utilisés auparavant. Les opérations de politiques de développement dans les pays ayant un Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté, gardent leur nom "DSRP", ce dernier faisant office de « marque ». Ci-dessous le graphique représentant l'évolution des Prêts de la Banque mondiale. Graphique 10 : PIet PPD de la Banque mondiale en milliards d'USD (2001-2011). En plus du Prêt d'investissement et du Prêt d'appui aux politiques de développement, qui sont jusque-là les deux mécanismes de financement en vigueur, la Banque mondiale est en train d'élaborer un nouvel instrument pour « mieux répondre » aux besoins de ses clients. Cet instrument baptisé « P4R » (Program-for-Results), ou Ppr (Prêt-programmes pour les résultats), qui a été discuté par le Conseil d'Administration de la Banque le 22 février 2011. C'est une réponse à l'évolution des besoins et de la demande des Etats clients. Bien entendu, il ne vise pas à supplanter les deux mécanismes cités plus haut, mais constitue une « option supplémentaire ». c. Prêt-programmes pour les résultats Ce nouvel instrument de prêt constitue une « rupture » dans le sens où il va s'appuyer sur les programmes des gouvernements. En d'autres termes, ces derniers seront non seulement à la base des programmes qui seront financés, mais aussi ce sont eux qui vont définir le cadre d'évaluation des résultats. L'intérêt de cette démarche est « d'éviter les incohérences entre les procédures d'un gouvernement donné et celles propres à la Banque ». L'évaluation technique du « Ppr » va mettre l'accent sur le niveau d'engagement et de support du gouvernement, la performance des allocations et l'utilisation du budget pour le programme sur le moyen terme et les résultats en fonction du cadre défini par le gouvernement. Mais, les décaissements vont se baser sur des indicateurs « tangibles, transparents et vérifiables ». Ces indicateurs peuvent être des réalisations ou des résultats. Il s'agira, par exemple, du pourcentage de femmes bénéficiant de soins de santé prénatale, la mise en place d'un meilleur système de passation des marchés, les délais requis pour ouvrir une entreprise, le pourcentage des municipalités ayant accès à une route revêtue, etc. Pour la première phase, « les indicateurs seront axés sur la base de résultats intermédiaires et non sur la base de résultats ultimes » Il faut souligner que le « Ppr » peut être utilisé par tout pays et dans tout secteur pour appuyer un programme de gouvernement. Exceptés les programmes qui ont des incidences négatives sur l'environnement et la population ; qui demandent des passations de marchés d'un montant élevé et de nature complexe (constructions de grandes infrastructures comme les grands barrages ou des centrales électriques ainsi que les activités dans l'industrie minière ou d'extraction). En somme, nous dirons que les prêts estampillés BIRD sont d'une durée oscillant entre 5 à 10 ans avec un taux d'intérêt normal pour les marchés globaux moyen de 6 à 8%.Ils ont un différé d'amortissement de 3 à 5 ans et sont destinés aux pays à revenus intermédiaires. Pour les prêts timbrés AID il faut souligner qu'ils sont usuellement identifiés sous l'appellation « crédits » car ne portant pas d'intérêts. En revanche, ils sont consentis moyennant une modeste commission de service équivalant actuellement à 0,75 % des fonds décaissés et d'une commission d'engagement située dans une fourchette allant de 0 à 0,5 % sur le solde non décaissé. Ils sont destinés aux pays pauvres ne pouvant s'offrir le luxe de se financer aux taux et termes des marchés financiers. Leurs échéances oscillent entre 30 et 40 ans avec un différé d'amortissement de 10 ans avant tout remboursement du principal. Ces crédits représentent environs 75 à 90% des financements de l'AID, qui alloue le reste de ses aides financières (10 à 25%) sous formes de dons aux pays jugés pauvres et très endettés. Ci-dessous le graphique représentant l'évolution des engagements de la Banque mondiale. Graphique 11 : Montants des engagements de la BIRD et de l'AID en milliards d'USD (2001- 2011). 2. LES DONS DE LA BANQUE MONDIALE Ils relèvent uniquement des prérogatives de l'AID, et représentent 10 à 20% du soutien financier qu'elle accorde aux pays à faibles revenus ne pouvant généralement pas emprunter sur les marchés internationaux ou ne pouvant emprunter à des taux d'intérêt élevés. Ces dons visent généralement à encourager l'innovation, la collaboration avec d'autres organisations et la participation des partenaires aux projets des acteurs locaux et nationaux. Ils sont souvent destinés aux petites et moyennes entreprises et sont soit financés directement, soit gérés par l'intermédiaire de partenariats. Certains dons sont financés directement sur le budget administratif de la Banque mondiale. La Banque administre ou gère d'autres dons pour le compte des bailleurs de fonds extérieurs, par le biais de partenariat et de fonds fiduciaires. Les fonds fiduciaires sont le résultat d'accords administratifs entre la Banque mondiale et des donateurs extérieurs. Les bailleurs de fonds extérieurs confient à la Banque mondiale le soin d'administrer quelque 850 fonds fiduciaires actifs, qui font l'objet d'une comptabilité distincte de celle des ressources propres de la Banque. Ces dispositifs administratifs et financiers mis en place avec des bailleurs de fonds extérieurs ont pour but de financer, sous forme de dons, des besoins de développement hautement prioritaires, notamment des services d'assistance technique et de conseil, des allègements de dette ou des actions de réhabilitation à l'issue d'un conflit. Outre ces financements concessionnels et dons, la Banque offre également des fonds pour les activités (hors prêt) de conseil et d'assistance technique destinées à répondre aux besoins particuliers des pays en développement, et pour le cofinancement des projets et programmes. Ci-dessous le graphique représentant l'évolution des crédits et dons de l'AID (2001-2011). Graphique 12 : Evolution des crédits et dons de l'AID en milliards d'USD (2001- 2011). 3. LES SERVICES DE CONSEILS ET D'ASSISTANCE TECHNIQUE Les grandes capacités de la Banque mondiale dans le domaine de la recherche, de l'analyse et de l'assistance technique lui permettent de contribuer de manière décisive au développement. Ces services peuvent aider les gouvernements des pays membres à adopter de meilleures politiques, ainsi que des programmes et des réformes qui favorisent la croissance et la réduction de la pauvreté. Ces produits comprennent des rapports sur les questions économiques et sociales majeures ainsi que sur les politiques de développement. Des ateliers et conférences permettant un échange de connaissances sur de grands dossiers tels que : l'environnement, la pauvreté, le commerce, la mondialisation, etc. 4. LES INSTRUMENTS DE GARANTIES ET DE GESTION DES RISQUES La Banque offre plusieurs instruments de garantie et de gestion des risques par le canal de sa filiale l'AMGI. Le programme de garanties de la Banque répond au besoin croissant d'assurance, pour les prêteurs commerciaux. Il est destiné à minimiser les risques politiques des activités d'investissements directs étrangers dans des pays en développement où le facteur risque est plus important. En proposant des garanties, la Banque vise essentiellement à mobiliser les capitaux privés pour financer des projets d'investissement (en jouant le rôle de « prêteur en dernier ressort »). Les investisseurs voient la présence de la Banque durant ces transactions comme un facteur de stabilisation, du fait de sa relation basée sur le long terme avec les différents pays et du soutien qu'elle fournit aux gouvernements sur le plan politique. La Banque offre deux types de garanties à savoir : d. Garantie de risque partiel ou Partial Risk Guarantees (PRG) : couvre le risque de défaut du gouvernement résultant d'obligations contractuelles non respectées vis-à-vis d'investissements privés (ex.: expropriation, nationalisation, changement de la législation, défaut du financement public, convertibilité de la monnaie locale). e. Garantie partielle de crédit ou Partial Credit Guarantees (PCG) : couvre tous les risques de défaut pour une partie du financement du projet. 5. LE COFINANCEMENT Dans les projets financés par la Banque, le terme « cofinancement » s'applique aux fonds engagés par des partenaires bilatéraux et multilatéraux, des institutions de crédit externe et des sources privées. Les cofinancements permettent à la Banque de : § Mobiliser des ressources pour combler un déficit financier sur un projet ou programme spécifique. § Mieux coordonner les programmes, politiques et priorités d'investissements d'un pays donné avec les autres bailleurs de fonds officiels. § Permet aux donateurs d'offrir leur assistance de manière efficace en utilisant l'expérience de la Banque mondiale dans les différents contextes nationaux et ses capacités à gérer des projets et des programmes. Par exemple, les principaux cofinancements avec la Banque mondiale aujourd'hui proviennent des Banques régionales de développement. |
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