Missions et défis du journal d'entreprise dans les organisations au cameroun: entre propagande blanche, marketing holiste et construction d'une image institutionnelle( Télécharger le fichier original )par Hermann Essoukan Epée Université de Douala (Cameroun) - Master 2 2014 |
IV-2. PROBLEMES QUI DECOULENT DE LA REVUE DE LA LITTERATURE :L'entreprise pour fonctionner a besoin de communiquer, partager et établir un équilibre entre les différentes strates (la hiérarchie et la base) qui la constitue. Le journal d'entreprise en qualité de support privilégié de la communication interne, a cette vocation d'établir l'échange, d'assurer la participation du personnel, de favoriser la cohésion et la reliance sociale. Des raisons qui ont amené Marie-Hélène Westphalen et Thierry Libaert, à affirmer que, le journal d'entreprise est une affaire d'équilibrisme32(*). Or, les observations empiriques menées à AES-SONEL, SABC et sur leurs journaux d'entreprises nous permettent de faire le constat selon lequel, le journal d'entreprise dans les organisations au Cameroun connait de nouvelles fonctions. Il ne permet pas uniquement de motiver et de fédérer le personnel ou à créer chez lui le sentiment d'appartenance ; il a également une « fonction politique » (vecteur de propagande) qui tend à promouvoir l'idéologie de la Direction et l'image de l'entreprise à travers une « démarche marketing » (la segmentation, le ciblage et le positionnement de l'entreprise à travers le ton, la forme et le contenu du journal). Pourtant d'après nos prédécesseurs, la communication implique la transparence, le partage, la reliance et les échanges entre les différents niveaux de la structure afin d'améliorer la productivité de l'entreprise et d'assurer sa survie. Ainsi, nous évoquons la fonction politique dans le journal d'entreprise, parce qu'il est le fruit d'une idéologie, d'un discours, d'un ensemble d'opinions relevant d'une autorité qui conduit ses affaires de manière stratégique dans le but d'atteindre certains objectifs. En plus, lorsque Laurent Charles Boyomo Assala affirme dans son ouvrage que : « le pari du journal consiste en effet à trouver un ton et de sujets qui ne relèvent ni du discours syndical, ni du dithyrambe perpétuel »33(*). Nous pouvons comprendre en faisant une analyse que le journal d'entreprise à toujours fait fils à la fonction politique. Pour certains cadres de la SABC qui ont choisi s'exprimer dans l'anonymat, le journal d'entreprise «33» degrés à l'ombre est un outil de propagande. Et la propagande est une action systématique exercée sur l'opinion pour lui faire accepter certaines idées ou doctrines, dans le domaine politique ou sociale. Pour Guy Durandin la propagande a pour but d'exercer une influence sur les personnes et les groupes auxquels elle s'adresse (...) et son domaine d'application concerne les problèmes politiques, idéologiques ou d'intérêt général34(*). C'est le cas du journal d'entreprise qui, à travers son idéologie influence les différentes rubriques qui en retour permettent d'implanter la culture d'entreprise, d'induire les modes de comportement et d'orienter les conduites des récepteurs à travers la forme (la couverture « packaging » le paratexte, la titraille « les Unes accrocheuses », présentation de la page web) et le fond (registre d'expression et marques d'énonciation), afin que ces derniers puissent accompagner l'entreprise dans l'atteinte de ses objectifs. En sus, le journal d'entreprise (support papier) qui est censé être adressé et remis au personnel, semble quasi-indisponible, son accès reste difficile tant pour le public interne dont-il est appelé à motiver et à fédérer, que pour le public externe. Les distributions sont réalisées sous une démarche marketing. Les salariés subissent une segmentation et un ciblage selon les strates et niveaux hiérarchiques ; la majeure partie du personnel de base interrogé lors de notre pré-enquête affirme n'avoir pas accès aux journaux d'entreprises. Selon ces derniers, les journaux sont remis aux cadres supérieurs, aux cadres, aux partenaires et aux pouvoirs publics. Par conséquent certains ouvriers sont marginalisés et non impliqués à l'instar, des agents à AES-SONEL et des commerciaux à la SABC. C'est pourquoi, plus l'entreprise extériorise ses communications vers la recherche du profit, plus le journal d'entreprise s'extériorise aussi avec des méthodes marketing. En outre, à travers nos observations empiriques nous avons constaté que AES-SONEL Today, et «33»degrés à l'ombre ne présentent le plus souvent que la vision pacifiée de leurs structures (valorisation des salariés, formation et implication du personnel, réussites de l'entreprise, satisfaction de la clientèle...), tout en dissimulant leurs malaises dans l'optique de positionner l'entreprise et promouvoir son image. Pourtant, AES-SONEL connait une crise dans la fourniture de l'énergie électrique avec des délestages et coupures intempestives de l'électricité jusqu'à même au sein de ses propres agences. Nonobstant les faits, l'entreprise à travers son journal d'entreprise ne communique que sur la qualité du service, la satisfaction de la clientèle, la progression vers l'atteinte de ses objectifs et ses innovations (paiement des factures au net « e-agency », et à travers un téléphone mobile « MTN ou Orange mobile money »). Quant-à la SABC, elle communique sans cesse sur sa forte culture d'entreprise, le leadership et la qualité dans tous ses domaines d'exploitation (bière, boissons gazeuses, vins, eau) pourtant nous apercevons fréquemment dans les festins et lieux de réjouissances, ses salariés consommer par préférence les produits des entreprises concurrentes (Guinness, UCB). En outre, la SABC dans ses journaux d'entreprises et documents, mentionnent à tout bout de champ d'être une entreprise citoyenne, une entreprise de référence en matière de responsabilité sociale, avec un taux de notoriété supérieur à 80%35(*). Sans toutefois faire allusion aux outrances que subissent les populations de Ndogbong, Ndokotti, Cité-Cicam et Bali ; en matière de dégradation de l'environnement (pollution de l'air à travers le rejet des gaz, de l'eau avec le déversement dans la nature des eaux usées) dans l'optique d'accroître sa productivité. Des contrastes et actions propagandistes qui entretiennent de vivent interrogations sur les discours tenus et les pratiques menées par ces organisations. Ces pratiques ambivalentes et logiques d'action sociales qui structurent le journal d'entreprise, attribuent à ce dispositif info-communicationnel36(*) une fonction politique (vecteur de propagande), faisant recours à une démarche marketing (construction d'une image institutionnelle). Justifiant ainsi, la nécessité de s'appesantir sur les « Missions et défis du journal d'entreprise dans les organisations au Cameroun : entre propagande blanche, marketing holiste et construction d'une image institutionnelle ». Dans un pareil contexte, l'interrogation qui fait office de problème de recherche se situe au niveau des objectifs poursuivis par les journaux d'entreprises de AES-SONEL, et de la SABC. * 32 Op.cit. Le Communicator, p.202 * 33 Op.cit. Communication des organisations, sociologie de la médiation organisationnelle, Presses de l'UCAC, Yaoundé 2013, P.177 * 34 Op.cit. L'information, la désinformation et la réalité, p. 138-139 * 35. Hors série, André Siaka, l'oeuvre. Une publication des Brasseries du Cameroun, Janvier 2014, P. 25 * 36 Dispositif info-communicationnel est un terme utilisé par Breton P., Caune J., Wolton D. et al ; dans leur ouvrage collectif Médiations, paru dans Les Essentiels d'HERMES, CNRS EDITIONS, France, 2010, p.154. Ces auteurs définissent ce terme comme un lieu réunissant des individus, des objets techniques et un ensemble de relations qui s'organisent sous forme d'interactions à la fois concrètes et symboliques, qui instituent des logiques d'usages et des manières de faire. |
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