Missions et défis du journal d'entreprise dans les organisations au cameroun: entre propagande blanche, marketing holiste et construction d'une image institutionnelle( Télécharger le fichier original )par Hermann Essoukan Epée Université de Douala (Cameroun) - Master 2 2014 |
CONCLUSION GENERALE :Si le débat sur le « pourquoi communiquer ? » n'est plus à l'ordre du jour, la question sur le « comment communiquer ? » reste plus que jamais d'actualité115(*). Car, la distance constamment observée entre l'image voulue et l'image perçue, entre l'investissement fait et le rendement produit, implique la nécessité de mettre en oeuvre une démarche stratégique de communication. Dans l'optique de donner le ton ou de rectifier le tir, afin d'atteindre les objectifs fixés par le système. C'est pourquoi AES-SONEL et la SABC ont compris la nécessité de mener les pratiques de communications inductives (propagande blanche, publicité et marketing holiste) dans le but de conditionner les salariés, d'orienter les modes de comportement des cibles afin que ces derniers puissent accompagner la structure dans l'atteinte de ses objectifs. L'analyse des différents journaux du corpus (AES-SONEL Today et «33» degrés à l'ombre) nous a permis de comprendre que dans ces deux structurent, bien que les salariés représentent le maillon fort (producteurs, distributeurs, ambassadeurs et consom'acteurs) ; ces derniers sont en partie lésés et marginalisés au profit d'une communication commerciale (SABC) et propagandiste (AES-SONEL). Nous avons constaté et observé à travers les journaux d'entreprises une sorte de négociation entre l'entreprise et ses cibles sur la forme (la couverture « packaging », l'esthétique « stylique », paratexte...) et sur le fond (ton, registres d'expression, marques d'énonciation...) ; pour premièrement susciter l'intérêt des cibles, ensuite les modeler afin que ces derniers puissent participer au projet de l'entreprise. D'ailleurs ce plan stratégique est manifeste avec la volonté des organisations à s'ouvrir d'avantage au grand public à travers le journal numérique en intranet et sur la page web de l'entreprise. Malheureusement, cette logique communautariste des entreprises demeure plus un leurre et une illusion sur la toile qu'une réalité. Car le journal d'entreprise en ligne est une forme de communication de masse, orientée vers une cible éclatée, imprévisible, difficile à cerner qui reste tout de même virtuelle. Les entreprises au Cameroun pensent avoir trouvé un nouveau créneau pour créer une communauté virtuelle et partager l'information sur la toile à travers leurs journaux d'entreprises en ligne (cible souhaitée/voulue) ou leurs sites, et pourtant le plus souvent il n'existe presque pas de récepteurs (cible réelle/perçue). Et les quelques visiteurs (chercheurs d'emplois, apprentis chercheurs, salariés de l'entreprise...) se trouvent exposés à une communication commerciale, publicitaire et propagandiste ne favorisant pas la cohésion. A travers ces pratiques, nous apercevons donc la dimension utilitariste du journal en ligne qui consiste plus à promouvoir un service, un produit ou l'image de l'entreprise que de favoriser le partage. Cela étant dit, après l'analyse comparative des journaux d'entreprises, nous nous sommes rendu compte que le journal d'entreprise de la SABC prend plus d'initiatives dans l'élaboration de la forme, à travers la qualité du papier, le format irrégulier et ses nombreuses rubriques mieux structurées. Et moins d'initiatives dans l'implication, la participation, et la motivation de ses salariés. Mais priorise la communication commerciale, en communiquant sur la qualité de ses produits. L'entreprise communique également sur les performances, la responsabilité et l'intégrité, prônant ainsi une culture d'entreprise fortement hiérarchisée (le mythe du chef est très développé). A AES-SONEL, le journal d'entreprise avant d'être un support info-communicationnel, est d'abord une relation inestimable entre les différents services et départements. En tant que magazine corporate (production de la Direction de la Communication et Gestion de la Marque), AES-SONEL Today connait la participation de la communication interne, externe, commerciale ; des différentes directions, tout en permettant à certains salariés de l'entreprise de rédiger des articles. L'entreprise à travers son journal partages cinq valeurs (Sécurité- Intégrité-Engagement- Excellence- Fun) indispensables à la survie et au bon fonctionnement de la structure. Contrairement à «33» degrés à l'ombre qui à une vocation beaucoup plus commerciale, AES-SONEL Today à travers ses communications institutionnelles, partage des valeurs plus fortes ; dont le fruit est visible chez le personnel de travail (éthique, logique d'engagement). Bien qu'AES - SONEL Today sur la forme soit peu attrayant et moins bien structuré que «33» degrés à l'ombre, il est néanmoins mieux rédigé. En choisissant travailler sur les « Missions et défis du journal d'entreprise dans les organisations au Cameroun : entre propagande blanche, marketing holiste et construction d'une image institutionnelle », nous nous sommes donnés pour objectif principale de comprendre les logiques qui se trouvent au coeur de la production des journaux d'entreprises d'AES-SONEL et de la SABC. Et à travers les pratiques inductives menées par ces organisations (propagande, marketing, publicités) l'interrogation qui à fait office de problème de recherche se situait au niveau des objectifs poursuivis par les journaux d'entreprises d'AES-SONEL et de la SABC. Le problème ainsi présenté, nous avions élaboré un questionnement constitué d'une question de recherche et de deux questions subsidiaires ; structurés de la manière suivante : quelles sont les logiques qui se trouvent au coeur de la production des journaux d'entreprises d'AES-SONEL et de la SABC ? En d'autres termes, quels sont les objectifs de production des journaux d'entreprises d'AES-SONEL, et de la SABC ? Par ailleurs, quelle perception les cibles (internes/externes) d'AES-SONEL et de la SABC, ont du journal d'entreprise ? Dans cette approche qui se veut compréhensive et significative, nous avions apporté des résultats provisoires selon lesquels : les journaux d'entreprises d'AES-SONEL et de la SABC ont pour rôle d'exercer une influence sur les cibles (internes et externes), induire les modes de comportement et orienter les conduites des salariés à travers une politique managériale (l'idéologie du « top-management », comité directionnel) afin de s'assurer de l'adhésion et la participation de ces derniers dans l'atteinte des objectifs fixés par la structure. En deuxième ressort, les journaux d'entreprises d'AES-SONEL et de la SABC ont pour objectifs de production, d'informer les cibles sur les actions et activités de l'entreprise, de présenter sa vision et ses résultats. Et comme troisième hypothèse, les salariés d'AES-SONEL et de la SABC perçoivent ce dispositif info-communicationnel116(*) (le journal d'entreprise) comme un instrument de propagande, mis sur pied par la structure pour se construire une image de marque et sympathie. Pour étayer nos hypothèses, nous nous sommes appuyés sur un ancrage théorique mettant en oeuvre la sociologie des logiques d'action, choisie dans ce travail pour montrer comment le journal d'entreprise en tant qu'espace d'expression permet aux organisations de rendre visible et compréhensible leurs logiques, tout en présentant le sens qu'un acteur donne à son action ; la théorie de la médiation, employée dans ce travail, pour montrer comment le journal d'entreprise en tant qu'espace de reliance contribue à faire l'apologie du lien sociale (vitrine de l'entreprise à l'externe et miroir à l'interne); en faisant communiquer et participer le personnel de travail autour de son projet et la théorie des représentations sociales, pour étudier les perceptions que les récepteurs (cibles internes et externes) ont des journaux d'entreprises d'AES-SONEL et de la SABC.. L'analyse de ces différentes questions à travers les nombreuses confrontations avec le terrain nous permettent de retenir comme principaux résultats que : les journaux d'entreprises d'AES-SONEL et de la SABC à travers les logiques d'action de la hiérarchie dans les différents usages du support et les objectifs de production de ces magazines ; sont des dispositifs info-communicationnels, qui s'appuient sur la propagande blanche, le marketing holiste pour se construire une image institutionnelle et pour faire adhérer et participer les cibles (internes et externes) au projet de l'entreprise afin d'atteindre ses objectifs. En d'autres termes, ces organisations font plus de la communication publicitaire et marketing au détriment de la communication institutionnelle. En somme, même si le journal d'entreprise dans ses missions se trouve confronté aux nombreux ambivalences et défis ; il reste tout de même un support d'intégration dont les messages délivrés s'appuient sur la vision globale et l'identité de l'entreprise. Sa présence est nécessaire pour développer la culture d'entreprise, favoriser la loyauté, la citoyenneté et l'identification des collaborateurs envers l'entreprise ; puisqu'il reflète l'intérêt de la direction pour ses collaborateurs. Toutefois, il faut souligner que le journal d'entreprise n'est pas qu'une dépense mais un investissement pour l'entreprise, et lorsqu'il est mieux piloté permet de fructifier les résultats de l'entreprise et de justifier le retour à l'investissement. En raison de quoi il coûte moins que peut coûter son absence. Avec des disfonctionnements internes dus à l'absence de communication : désinformation, démotivation, crise, distorsion ; sans oublier le « plus vieux média du monde »117(*), la rumeur. Particulièrement puissante et mieux connue sous le nom de « radio moquette »118(*). Ainsi, le journal d'entreprise atteindra mieux ses objectifs, en fédérant et en motivant son personnel à travers une mission unificatrice, qui consiste à présenter la synthèse des avis provenant de l'idéologie de ceux qui dirigent la structure, en parfaite ajustement avec les réalités de l'entreprise et en définissant un espace de médiation en son sein qui assurera une fonction critique et une remise en cause119(*). Pour y parvenir, une liberté rédactionnelle inscrite dans les règles et techniques d'écritures, dans les principes et procédures professionnelles est nécessaire ; afin de permettre au salarié d'exprimer ses opinions et ses sentiments, d'avoir une marge de manoeuvre et d'intervention, l'impliquer et lui donner la parole, afin de développer chez lui le sentiment de citoyenneté dans l'entreprise. PERSPECTIVES : Il aurait été plus intéressant pour nous d'aborder la dimension numérique en ligne du journal d'entreprise comme valeur forte de la culture organisationnelle ; qui dans un contexte de culture internationale, redéfinie le statut du journal d'entreprise, vers la désignation nouvelle du journal de l'entreprise ; introduisant ainsi la nécessité de s'appesantir sous la titraille du journal d'entreprise au journal de l'entreprise : l' « e-agency », les enjeux d'une nouvelle relation Entreprise-Salariés-Grand public. Cela fera peut-être l'objet des prochains travaux, si l'occasion nous est donnée. Ainsi, les choix communicationnels réalisés par les organisations camerounaises telles que, AES-SONEL et SABC de communiquer davantage sur la toile démontrent la volonté pour ces dernières de s'ouvrir au grand public et de désanctuariser les frontières de l'entreprise. Autrefois l'adaptation du journal d'entreprise à la technologie Intranet était un plus aux structures et permettait de donner de la valeur ajoutée aux communications internes. Mais le contexte concurrentiel (pour la SABC) économique et social (pour AES-SONEL) remodifiant par la suite les objectifs assignés à la communication (qui demande d'être adaptés en fonction du contexte) imposent l'ambition pour ces entreprises d'aller à la conquête des cibles plus éclatées et hétérogènes (faire une sorte de communication de masse) ; car, Intranet étant limité uniquement au réseau interne de la structure ne permet pas de s'adresser au même titre à la cible externe désormais capitale pour les entreprises. Ce besoin de conquérir de nouvelles cibles (cibles virtuelles) dans le but d'élargir le marché, conduit ces organisations à faire des communications inductives (à caractère commercial publicitaire et propagandiste) au web, afin de s'assurer de l'adhésion et la participation des cibles au projet de l'entreprise. Cela étant dit, internet (le web) est une sorte de révolution pour les entreprises qui gagneraient aujourd'hui d'avoir des cibles internationales, pouvant participer de près comme de loin au bon fonctionnement de la structure. Car dans cet espace virtuel, le journal d'entreprise (pris ici dans cette dimension comme journal de l'entreprise) s'inscrit dans une tendance plus démocratique ; permettant dans le même sillage aux salariés internes sous une identité anonymée de contester par moyen détourné (site, pages web de l'entreprise) les pratiques de l'entreprise, impossibles à décliner dans une boîte à idée ou lors d'une interview. Aussi, dans cette dimension totalement virtuelle, la communication prend largement le pas sur l'information ; les modalités sont de moins en mois pyramidales ou verticales, mais plus horizontales, avec des options telles que : écrire, partager, publier, aimer, commenter pour ne citer que ceux-là. Autant, nous avons constaté que l'entreprise AES-SONEL mène sur la toile une véritable guerre d'image ; en promouvant pour son compte trois sites ( www.aes.com / www.aessoneltoday.com / www.myeasylight.com) fournissant les informations d'ensemble sur l'entreprise. Mais plus intéressant encore, le nouveau né www.myeasylight.com ; contrairement à AES-SONEL Today support papier « marque vilaine, rejetée », le service myeasylight représente la marque tampon, sympathie de la structure. Comme l'indique son nom, elle a pour rôle d'améliorer l'image de l'entreprise, de satisfaire la clientèle, de rendre sa vie plus facile et plus meilleure. A partir d'un téléphone portable ayant la puce MTN ou ORANGE, soit par le biais d'internet, ce service permet désormais aux clients de régler leurs factures par mobile, de faire des requêtes ou d'effectuer les paiements en ligne. Quant à la SABC, son journal d'entreprise au web connait une toute autre articulation du contenu, puisqu'en ligne l'information est continue, le journal n'est certes pas modifié quotidiennement, mais il perd sa périodicité de trimestriel et devient plus mouvant. Le journal d'entreprise (qui prend dans ce cadre l'appellation du journal de l'entreprise) de la SABC est un véritable conglomérat médiatique, car avec le web l'entreprise parvient à travers ce journal de concilier le média et le hors média, en créant un trafic vers le site de l'annonceur, ses points de vente et les différents échanges avec les internautes. Une valeur ajoutée dont bénéficie largement l'entreprise. Nonobstant les faits, même si le journal d'entreprise (support papier) en prenant la forme au web du journal de l'entreprise perd en partie son identité (à travers tout type d'information : offres d'emploi et de stages, promotion du service ou du produit, politique de l'entreprise, information sur les actions et les activités de l'entreprise...) ; la révolution internet est une niche importante pour les entreprises ambitieuses comme AES-SONEL et la SABC, qui ne souffrant d'aucun problème de notoriété, on besoin en revanche de dorer leurs images institutionnelles. * 115Westphalen M-H., Libaert T. ; La communication externe de l'entreprise, 2e édition, Dunod, Paris 2008, p.4 * 116 Dispositif info-communicationnel est un terme utilisé par Breton P., Caune J., Wolton D. et al ; dans leur ouvrage collectif Médiations, paru dans Les Essentiels d'HERMES, CNRS EDITIONS, France, 2010, p.154. * 117Kapferer J-N. ; Rumeurs, Le Seuil, 1987, p.209 * 118Op.cit. D'Almeida N., Libaert T. p.18 * 119Lardellier P. ; Paradoxe et devenir de la presse d'entreprise française, communication et organisation, consulté le 28 mai 2013, disponible sur communicationorganisation.revue.org/2046 |
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