La mise en oeuvre des normes internationales de protection des défenseurs des droits de l'homme au Cameroun( Télécharger le fichier original )par François Denis SAME TOY Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Droits d el'Homme et Action Humanitaire 2012 |
XIV. SECTION 2 : LES INSTITUTIONS NON JURIDICTIONNELLES« Les garanties non juridictionnelles de la protection des libertés publiques au Cameroun reposent sur la possibilité reconnue aux particuliers de s'adresser aux institutions tant privées que publiques de défense des droits et libertés individuels. Les institutions privées sont essentiellement composées d'associations de défense des droits de l'Homme. Quant aux institutions publiques, la seule qui existe et qui fait office d'autorité administrative indépendante est le Comité National des Droits de l'Homme et des libertés. »220(*) La protection institutionnelle actuelle des défenseurs des droits de l'Homme au Cameroun, se calque encore sur ce modèle. Elle fait en effet, intervenir tour à tour deux catégories d'acteurs. Un premier à caractère public créé par l'Etat : la Commission Nationale des droits de l'Homme et des libertés (paragraphe 1). Et d'autre part, un autre d'initiative privée émanant de la société civile de défense des droits fondamentaux : le Réseau des Défenseurs des droits humains en Afrique centrale (paragraphe 2). Paragraphe 1 : La Commission Nationale des droits de l'Homme et des libertés (CNDHL) La déclaration des Nations Unies sur les défenseurs impose entre autres aux Etats membres, l'obligation de mettre en place des institutions nationales et indépendantes, ayant pour mission d'assurer la promotion et la protection des droits et libertés fondamentaux sur leurs territoires.221(*) Suivant cette disposition, l'Etat camerounais a le devoir d'aménager dans son ordre juridique interne, des institutions qui favoriseront l'implémentation des droits de l'Homme consacrés dans les textes internationaux. Le Cameroun dans le sens de la mise en oeuvre de cette norme, a mis sur pied « une institution indépendante de consultation, d'observation, d'évaluation, de dialogue, de concertation, de promotion et de protection des droits de l'Homme. »222(*) Il s'agit de la CNDHL. Pourtant la volition du Cameroun inhérente à la création d'un mécanisme national et indépendant de défense des droits de l'Homme, ne date pas de la création de la Commission en 2004, étant donné que l'action de cette dernière y est bien plus antérieure. En effet, la première trace concrète du désir de l'Etat camerounais, de mettre en oeuvre une institution avec pour l'objectif d'accroître l'assise du respect de la dignité et des droits humains, remonte au 08 novembre 1990, avec la création par décret présidentiel223(*), le Comité National des Droits de l'Homme et des Libertés (CoNDHL). « Créé par le décret n° 90/1459 du 8 novembre 1990, le Comité National des Droits de l'Homme et des libertés est chargé d'assurer un contrôle non juridictionnel de la protection des libertés individuelles. [...] Lors de sa création, le C.N.D.H.L apparaît comme l'organe chargé de défendre les droits et libertés des Camerounais. La lecture de l'article 2 du décret créant cet organisme confirme cette assertion. En effet, selon cet article, "le comité a pour mission la défense et la promotion des droits de l'homme et des libertés". [...]Le Comité assure aussi un rôle de suggestion et de diffusion; il a en outre en charge la formation et l'éducation. En fin il doit jouer un rôle de coordination.»224(*) Malgré de telles bases flatteuses quant à sa propension à oeuvrer à la protection des droits individuels établies, l'impact du Comité dans les faits, fut moindre. Le Comité demeure une institution à fort caractère politique, soumise à la puissance écrasante du pouvoir exécutif. « C'est tout juste s'il peut mener des investigations. [...] De plus, lorsque ses investigations sont terminées, le Comité ne peut prendre aucune mesure visant à faire cesser une violation de liberté constatée. La décision de faire cesser une telle violation appartient en définitive, soit à l'auteur de l'acte en cause, soit au supérieur de celui-ci. [...] En fait, le Comité ne dispose que d'un pouvoir de recommandation avec pour rôle d'aider l'administration à respecter le droit. »225(*) De plus, les rapports qu'il produisait n'avaient pas un caractère public, ils étaient destiné au Président de la République jusqu'en mars 1999. Par la suite, les Principes de Paris226(*)et les Commonwealth Best Practices ont apporté un renouveau notamment dans, l'harmonisation des dispositions normatives régissant les institutions nationales de protection et de promotion des droits de l'Homme ainsi qu'en ce qui concerne l'autonomisation des activités. La conséquence directe de ces textes internationaux à l'interne, est la promulgation de la loi n° 2004/016 du 22 juillet 2004 et son décret d'application n°2005/254 du 7 juin 2005 qui consacrent la substitution du Comité en Commission. La CNDHL est une institution beaucoup moins formellement dépendante de l'exécutif que son prédécesseur, possédant un plus large spectre d'action. A l'encontre de la soumission au contrôle des fonds prévus au fonctionnement du CoNDHL par l'exécutif227(*), la CNDHL est statutairement « une institution indépendante dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. »228(*) La CNDHL a deux principales missions : celles d'assurer la promotion et la protection des droits de l'Homme sur l'ensemble du territoire. Pour mener à bien ces deux missions, elle bénéficie d'attributions et de compétences définies par l'article 2 de la loi du 22 juillet 2004. Aussi, dans le cadre sa mission de promotion des droits de l'homme, la CNDHL : « vulgarise par tous moyens, les instruments relatif aux droits de l'homme et aux libertés ; assure le suivi de l'application des conventions internationales ratifiées par le Cameroun ; veille au développement d'une culture des droits de l'homme au sein du public à travers l'éducation, la formation, l'information et l'organisation des conférences et séminaires ; recueille et diffuse la documentation internationale relative aux droits de l'homme et assure, le cas échéant, la liaison avec les organisations poursuivant les buts similaires. » Relativement à la protection des droits de l'homme, elle : « reçoit toutes les dénonciations portant sur les cas de violation des droits de l'homme et des libertés ; diligente toutes enquêtes et procède à toutes investigations nécessaires sur les cas de violation des droits de l'homme et des libertés, et en fait rapport au président de la république ; procède, en tant que de besoin, aux visites des établissements pénitentiaires, des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, en présence du procureur de la république compétent ou de son représentant ; ces visites peuvent donner lieu à la rédaction d'un rapport adressé aux autorités. » La CNDHL joue donc un rôle important dans la promotion et la protection des droits et libertés fondamentaux consacrés par les textes internationaux. Il s'agit donc d'une institution républicaine prédominante de la protection des droits des défenseurs, au même titre que de ceux des autres individus. Dans la même lancée, une organisation de la société civile s'est consacrée à la protection spécifique des défenseurs. A. Paragraphe 2 : Les organisations de la société civileAu Cameroun, le droit de défendre individuellement ou collectivement les droits de l'Homme, tel que consacré à l'article premier de la Déclaration de 98 est garanti. C'est la raison pour laquelle, les organisations de la société civile (OSC) apportent également, à côté de l'autorité républicaine indépendante qu'est la CNDHL, leur contribution à la protection des défenseurs des droits de l'Homme. Il est intéressant à plus d'un titre d'examiner dans le cadre de cette étude, deux OSC locales oeuvrant statutairement, à la protection des professionnels des libertés fondamentales. Il s'agit du Réseau camerounais des organisations des droits de l'Homme (RECODH) ayant une portée nationale et, du Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (REDHAC) qui pour sa part, possède un rayonnement sous-régional. A/ Le Réseau camerounais des organisations des droits de l'Homme (RECODH) Le Réseau camerounais des organisations des droits de l'Homme (RECODH) est en fait un produit de la volonté des dirigeants politiques (1). Depuis sa création, il s'est imposé comme un véritable acteur institutionnel national, oeuvrant à la protection des défenseurs des droits de l'Homme(2). 1) Le produit d'une volonté étatique A la base, le RECODH est une émanation de la volition des dirigeants étatiques, émise dans le cadre de la conception du projet d'amélioration de la gouvernance publique. En fait, l'existence du RECODH est en fait, une réponse aux exigences liées à la mise en oeuvre du Programme National de Gouvernance (PNG) de la République du Cameroun pour la période 2006-2010. Ce programme comprenait entre autres composantes, « l'amélioration de la participation des citoyens et de la société civile à la gestion des affaires publiques ». Cette composante comprenait quatre axes dont le « renforcement du secteur des droits humains ». Ce secteur se constituait de quatre projets parmi lesquels, celui intitulé « renforcement des capacités des ONG des droits humains ». L'une des activités de ce projet était la création d'un réseau de coordination des ONG des droits humains.229(*) Conformément à ce programme, le Projet Droits Humains mis en oeuvre par Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés (CNDHL) avec l'appui du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), a organisé en février 2009 un atelier de formation des organisations des droits de l'homme sur le thème « la sensibilisation sur les droits de l'homme ». L'un des résultats attendu de cet atelier était la création d'une plateforme des organisations des droits de l'homme au Cameroun. A la suite de ce brainstorming, un Comité de Réflexion constitué de 17 organisations fut mis sur pied, avec l'objectif d'élaborer un modèle des textes organiques qui régiront le futur réseau. L'Assemblée générale constitutive du réseau a réuni, soixante organisations de droits de l'Homme locales, à Yaoundé le 06 janvier 2010. Au terme de cette Assemblée, les statuts du Réseau ont été adoptés et les membres de la Coordination Nationale élus. Le RECODH est donc le produit de la volonté conjointe du gouvernement (au travers du PNG), du PNUD et de la CNDHL (au moyen de leur programme conjoint) ainsi que, des organisations de la société civile nationales. Il s'agit d'une institution apolitique, laïque et à but non lucrative, dont la vision est la suivante : « à l'horizon 2015, une masse critique d'OSC sont de véritables bastions, acteurs de réduction significative des violations et des abus des droits humains au Cameroun. » Dans le sens de cette visée, en plus du renforcement des capacités des organisations des droits de l'Homme -qui a motivé sa création-, le RECODH poursuit entre autres comme objectif, la protection et la défense des défenseurs des droits de l'Homme et des libertés fondamentales consacrés par les instruments nationaux, régionaux et internationaux. 2) Un acteur institutionnel de protection des défenseurs des droits de l'Homme important Le RECODH est actuellement à l'échelle nationale, un acteur majeur de la protection des travailleurs des droits de l'Homme. Ceci peut d'une part, s'expliquer par son étendue. Le Réseau a en effet, en quelque trois ans, connu une extension très significative, voire même spectaculaire. Parti d'une soixantaine de membres enregistrés lors de l'Assemblée constitutive, il compte aujourd'hui en son sein, plus quatre cent organisations de la société civile (OSC), réparties dans chacune des 10 régions du pays. D'autre part, il faut également relever que le RECODH a mis en place un mécanisme spécifique, destiné à dénoncer systématiquement les cas de violations des droits des militants des droits de l'Homme dont il est informé. Mais aussi, à apporter une assistance notamment juridique, aux victimes. Chaque fois qu'un défenseur des droits de l'homme est en difficulté, le RECODH saisit les autorités compétentes soient à travers un courrier, soit par une déclaration publique, soit par appel urgent, mais aussi mobilise la communauté des défenseurs des droits de l'homme tant au niveau international, régional que national.230(*) Un membre de la coordination du Réseau commande le mode de fonctionnement de ce mécanisme comme suit : « les défenseurs et associations de défense adhèrent constamment au Réseau et travaillent en collaboration avec lui. Lorsqu'un défenseur est en difficulté, le Réseau lui fournit son aide. Dans le cas où elle n'est pas suffisante, il interpelle les autorités conformément à leurs obligations. Cette mesure généralement est couronnée de succès. En principe, nous privilégions les voies de recours en interne, mais quand le besoin se fait ressentir, le Réseau peur recourir au concours des instances internationales. »231(*) Le réseau est maintes fois intervenu avec succès, pour secourir des défenseurs an détresse. C'est le cas par exemple pour les défenseurs MEY ALI, Richard DJIMELI FOUFIE où la mobilisation collective qu'il a généré, est parvenue à faire cesser le harcèlement judiciaire dont le premier était victime, et à contraindre les bourreaux de l'autre à le libérer. Si à l'échelle nationale, le RECODH constitue une importante OSC de protection des défenseurs, son action est suppléée sur le plan de la sous-région, par une autre institution non gouvernementale. B/ Le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique Centrale (REDHAC) L'autre des acteurs non gouvernementaux majeurs agissant pour la défense des défenseurs des droits de l'Homme, est le Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (REDHAC). Il s'agit d'une association sous-régionale, à caractère apolitique et à but non lucratif, non confessionnelle et non violente. Il a été créé le 1er Avril 2007 à Kigali au Rwanda, par les défenseurs des droits humains délégués des pays de la sous-région d'Afrique centrale. Son siège à Douala au Cameroun mais il s'étend sur sept autres pays d'Afrique centrale à savoir : la République démocratique du Congo, le Tchad, le Gabon, la République Centrafricaine, la République du Congo, la Guinée équatoriale ainsi que Sao Tomé et Principe. Le REDHAC est animé par un objectif global : assurer la reconnaissance du statut du défenseur des droits de l'homme en Afrique Centrale. Il s'agit d'une organisation de la société civile oeuvrant spécifiquement et exclusivement pour la protection des défenseurs des droits humains. Elle se propose de promouvoir le statut des défenseurs, de les former, de soutenir leur action, de créer entre eux une solidarité et, de défendre en toutes circonstances, leurs droits en Afrique Centrale. Afin de pouvoir réaliser les objectifs qu'il s'est assigné, le REDHAC oeuvre précisément, dans les divers domaines suivants : la promotion des droits des défenseurs ; leur protection ; le plaidoyer pour la reconnaissance officielle de leur statut ; le renforcement de leurs capacités ; leur assistance juridique et judiciaire ainsi que, la production d'enquêtes et de rapports informant le public en temps réel, sur les conditions de travail des défenseurs de la sous-région. Le REDHAC figure parmi les acteurs de la société civile oeuvrant à la protection des défenseurs des droits de l'Homme, les plus importants à l'échelle régionale. Ceci peut s'expliquer en premier lieu, par la densité du réseau de partenariat institutionnel qu'il possède. En effet, l'institution possède un statut d'observateur à la Commission nationale des droits de l'Homme et des peuples (CADH) et, prend part au Forum des ONG qui se tient annuellement, en prélude de la session de la CADH. Elle développe d'autre part, de fructueux rapports de collaboration avec les autorités et les organisations majeures internes et internationales, de protection des droits de l'Homme. C'est donc auprès des institutions les plus fortes et, dans les plus hautes sphères de décisions, que le REDHAC déploie ses activités de rapportage et de plaidoyer, pour la valorisation du statut de défenseur des droits humains. Mais encore, il a la possibilité de recourir au soutien de ses partenaires interne, régionaux ou internationaux, pour venir en aide aux défenseurs en péril. Ce qui lui confère une grande capacité d'action en temps réel. Dans le même ordre d'idées, une autre raison faisant du REDHAC un outil de choix dans la protection des défenseurs, repose sur la palette d'action à sa disposition, pour secourir les défenseurs. En plus de l'assistance juridique et judiciaire, le REDHAC peut en temps réel déjà à son niveau, prendre des mesures pour faire cesser les violations encourues par les militants. Celles-ci peuvent aller de l'indemnisation à la délocalisation des professionnels ou de leurs familles. Ceci est du à l'autonomie qui caractérise l'institution. Autonomie qui lui vaut d'être un acteur majeur non seulement dans la protection, mais aussi dans la promotion et la formation des défenseurs locaux des droits de l'Homme. CONSLUSION DU DEUXIEME CHAPITRE La mise en oeuvre des normes internationales de protection des défenseurs des droits de l'Homme par l'Etat camerounais, repose également sur l'élaboration d'un dispositif institutionnel destiné à assurer, l'implémentation et la réalisation des prérogatives reconnues à ces derniers. Ce système interne fait intervenir à la fois des mécanismes juridictionnels et non juridictionnels. Les premiers consistent en les juridictions judiciaires et administratives. Alors que les seconds, reposent sur une dynamique plus complexe faisant intervenir à la fois d'un côté, une autorité administrative indépendante la Commission nationales des droits de l'Homme et des libertés (CNDHL) et d'autre part, des organisations de la société civile (OSC). L'action déployée en ce sens, par le Réseau camerounais des organisations des droits de l'Homme (RECODH) et le Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (REDHAC) a été particulièrement intéressante à ce titre, pour être analysée dans le contexte de cette étude. CONSLUSION DE LA PREMIERE PARTIE Cette première partie, avait pour objectif de rendre compte de l'articulation de la mise en oeuvre par le Cameroun, des normes internationales de protection des défenseurs des droits de l'Homme. Il s'agissait pour le moins, d'appréhender les ressorts utilisés par l'Etat, dans l'exécution de ses obligations et engagements internationaux en la matière. Dès lors que retenir en somme ? Principalement que le Cameroun, dans le cadre de la réalisation du droit international inhérent à la protection des défenseurs des droits de l'Homme, emploie des mécanismes juridiques à la fois normatifs et institutionnels. En effet, la mise en oeuvre de ces dispositions internationales dans le contexte camerounais, s'appuie d'abord sur une dynamique purement normative, consistant en leur internalisation dans l'ordre juridique national. Les droits ainsi consacrés par les normes universelles à l'attention des défenseurs, se trouvent à leur tour protégés et exigibles, dans le cadre interne camerounais. Puis, dans le sens de compléter l'intégration interne des règles internationales, le législateur crée et met sur pied, des mécanismes dont la mission principale est d'assurer l'implémentation et la réalisation des normes consacrées. L'implication directe est que le défenseur a la possibilité de recourir à des institutions, non seulement dans le sens de la jouissance des prérogatives qui lui sont reconnues mais également, pour obtenir réparation en cas de violation de ces dernières. C'est dire que les droits internationaux reconnus aux défenseurs, sont exécutables et actionnables dans l'ordre interne camerounais, et donc effectifs.232(*) Ceci conduit donc, d'un point de vue logique, à confirmer dans un premier lieu, l'hypothèse attestant de l'effectivité de la mise en oeuvre par le Cameroun, des normes internationales de protection des surveillants des droits de l'Homme. Cependant, cette confirmation ne peut être que réservée pour le moment. Ce essentiellement quand on sait que, l'effectivité des droits de l'Homme fait référence à leur entière mise en oeuvre et à leur complète réalisation.233(*) D'autre part, étudier l'effectivité du droit revenant aussi, au-delà de l'existence simple de la règle, à rechercher ses effets réels sur les comportements sociaux234(*), il faut nécessairement évaluer la portée sociale matérielle, des mécanismes déployés par le Cameroun dans le sens de la mise en oeuvre du droit international relatif à la protection des défenseurs. L'on se rend compte à ce niveau, de ce que les procédés ainsi développés par l'Etat camerounais, se heurtent dans la pratique à d'importants écueils, qui limitent considérablement leur effectivité. SECONDE PARTIE : LA LIMITATION DE LA MISE EN OEUVRE La notion d'effectivité prise dans un sens large, ne se résume pas seulement à l'existence du droit. En effet, cette dernière plus que la positivité du droit, recherche sa portée, son influence véritable sur la réalité factuelle. Comme l'expose par ailleurs fort à propos Véronique CHAMPEIL DESPLATS, « quelle que soit la définition précise que l'on adopte de l'effectivité, on peut conventionnellement s'accorder sur le fait cette notion renvoie à la question générale du passage du devoir être à l'être ou, en d'autres termes, de l'énoncé de la norme juridique à sa concrétisation. »235(*) Dès lors, étudier l'effectivité d'un droit, c'est également chercher à en évaluer les degrés d'application, à préciser ses mécanismes de pénétration en société.236(*) C'est en fait, véritablement évaluer les effets de ce droit, en prenant en compte le point de vue des usagers de la norme.237(*) Dans ce sens, rechercher l'effectivité de la mise en oeuvre par le Cameroun, des règles internationales protectrices des activistes, commande d'analyser l'impact social concret des mesures déployées pour ce faire, par l'Etat. Il s'agit autrement dit, d'appréhender par le biais d'un examen de la réalité sociale, le degré de mise en oeuvre de ces textes par le Cameroun. A cet effet, un aperçu du quotidien des travailleurs camerounais des droits de l'Homme, laisse apparaître des écarts existant entre le droit prescrit et la réalité relative au droit. De fait, la mise en oeuvre du droit international de la protection des défenseurs au Cameroun, se heurte à des écueils sérieux qui entravent son effectivité complète (chapitre 1). Toutefois, cette limitation ne présente pas un caractère irrévocable et, elle porte en elle-même, les germes de sa réversibilité (chapitre 2). CHAPITRE 3 : LA CONSISTANCE DE LA LIMITATION La mise en oeuvre des normes internationales de protection des défenseurs des droits de l'Homme au Cameroun est considérablement limitée dans sa réalisation pratique. Les obstacles aux mesures déployées par l'Etat sont propres à chacune d'elles. Ceux-ci tiennent donc aussi bien d'une part, au contexte social et à l'ordre juridique interne (section 1), qu'aux institutions mises en place d'autre part (section 2). * 220 Idem, p. 222. * 221 La déclaration dispose en effet, en son article 14 alinéa 3 que : « L'État encourage et appuie, lorsqu'il convient, la création et le développement d'autres institutions nationales indépendantes pour la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tout territoire relevant de sa juridiction, qu'il s'agisse d'un médiateur, d'une commission des droits de l'homme ou de tout autre type d'institution nationale. » * 222 Cf. article 1(2) de la loi n° 2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés. * 223 Il s'agit du décret n° 90/1459 du 08 novembre 1990 portant création du Comité National des Droits de l'Homme et des Libertés. * 224 ATANGANA AMOUGOU J. L., Op cit, p. 222. * 225 Idem, p. 227. * 226 Principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection des droits de l'Homme : Résolution A/RES/48/134 du 20 décembre 1993. * 227 Cf. Laurent DOH, « Les neuf péchés de Chemuta Banda Président de la CNDHL : Pourquoi Paul Biya doit le démettre », L'article 3 du décret du 8 novembre 1990 encourage de telles pratiques comme l'illustrent les cas évoqués dans cet article consultable sur http://www.icicemac.com/node/6713. * 228 Cf. article 1(3) de la loi n° 2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la CNDHL. * 229 Réseau camerounais des organisations des droits de l'Homme (RECODH), Rapport sur l'état des droits de l'Homme au Cameroun 2011, pp. 1-2 * 230 Source : RECODH, Formulaire de candidature pour le prix 2013 du réseau panafricain des défenseurs des droits de l'Homme (inédit), p. 6. * 231 Propos recueillis lors d'un entretien avec le coordonnateur national du RECODH. * 232 BESSON S., « L'effectivité des droits de l'Homme : du devoir être, du pouvoir être et de l'être en matière de droits de l'Homme », in XXX, pp. 70-71. * 233 Idem, p. 69. * 234 RANGEON F., « Réflexions sur l'effectivité du droit », in XXX, p. 126. * 235 CHAMPEIL-DESPLATS V., « Effectivité et droits de l'Homme : Approche théorique » in A la recherche de l'effectivité des droits de l'Homme, CHAMPEIL-DESPLATS V. et LOCHAK D. (Dir.), Paris : Presses universitaires de Paris 10, Année, pp. 11-26, article disponible sur : http://books.openedition.org/pupo/1152 (consulté le 30/08/2013). * 236 RANGEON F., « Réflexions sur l'effectivité du droit », in XXXX, p. 128. * 237 Idem, p. 135. |
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