I-4- La France fraudeuse et manipulatrice de
l'opinion
Trop de soleil tue l'amour est le roman du retour des
exilés. C'est aussi un regard posé sur certains
dysfonctionnements perceptibles dans la vie politique de l'ancienne
métropole qui se projette comme modèle de fraudes
électorales. Autant elle aide ses protégés dictateurs
africains à frauder à chaque scrutin électoral, autant
elle-même manipule les urnes :
C'est pour ainsi dire une institution dans ces pays là
mêmes qui se prétendent de vieilles démocraties, sinon les
inventeurs de la démocratie. Sinon les inventeurs de la
démocratie. Camarades, est-ce que vous connaissez le nombre de demandes
d'annulation déposées devant les tribunaux après la
récente élection s législatives françaises ?
Trois cent cinquante six, pas une de moins, camarades. Il n'y a de demande
d'annulation que s'il y eu fraude cela concerne la moitié des
députés français. La moitié des
députés français ont été élus
grâce à la fraude. (Mongo Beti 2000 : 192)
Dans l'étude que nous avons faite sur l'image du
Président dans les derniers romans de Mongo Beti, il nous a
été donné de constater que ce dictateur qui
bénéficie des protections de l'ancienne métropole est un
tyran qui spolie la presse dite indépendante pendant que la presse
gouvernementale est contrôlée et instrumentalisée comme
outil de propagande politique et de manipulation de l'opinion. Nous avons pu
lire aussi les traces de la presse étrangère, en l'occurrence la
presse écrite et la presse électronique françaises. Il
s'agit d'une presse complaisante et complice de la dictature qui sévit
ici. Dans la monotonie existentielle qui sévit dans cette
république bananière, la presse française apparaît
comme la seule diversion : « Les journaux du monde
civilisé, seule diversion au désespoir rampant, arrivent avec une
semaine de retard. » (Mongo Beti 1999 : 12)La presse
écrite française dont on retrouve les traces dans L'Histoire
du fou est l'Univers. La légèreté avec laquelle elle
gère les informations qu'elle diffuse montre une carence très
grave dans la déontologie et dans l'éthique de la profession
journalistique. Le narrateur note :
Tout semblait avoir commencé avec un journal de
l'ancienne métropole, l'univers, quotidien paraissant le soir, qui, en
évoquant l'affaire du marabout des putschistes, sans avoir
dépêché d'envoyé spécial sur place, sans
bénéficier des conseils et de la documentation d'aucun
correspondant local(...) s'était autorisé à
d'écrire par la caricature la situation politique du pays. (Mongo Beti
1994 : 94)
L'univers est une presse méprisante qui est
au service de la dictature. Toutefois, son manque de professionnalisme porte
entorse à l'image même du dictateur qu'elle protège :
« Au lieu de l'effet de désamorçage
espéré, le mépris affiché par l'univers avait
abouti au résultat exactement inverse, qui allait rendre plus
périlleuse que jamais la position de son protégé, le
dictateur chef de l'Etat. »(Mongo Beti : 95)
La presse de l'ancienne métropole est un outil de
manipulation de l'opinion utilisé dans sa diversité pour
nettoyer et pour embellir l'image du dictateur qu'elle protège :
Le pays était livré à ce que, avec le
recul, je ne peux appeler autrement qu'une anarchie policière.
L'ancienne métropole avait eu beau se démener dans la coulisse,
inspirer des articles de presse remplis des plus nobles
références, commander à la hâte des ouvrages aussi
savants qu'il est imaginable, financier à grands frais des reportages
télévisés à la gloire de son protégé,
l'image de sa position que laissait le chef de l'Etat n'était pas, (...)
une dynastie victorienne... » (Mongo Beti 1994 : 187)
Par contre, cette presse pro impérialiste au service de
la dictature est très apte au dénigrement et à la
moquerie, quand il est question de l'Afrique noire francophone :
En revanche, une information fâcheuse à propos
des ressources de sieur Ndibilongo Joachim ne serait pas seulement
préjudiciable, à son image personnelle, elle
éclabousserait toute l'élite de notre société
toujours exposée au dénigrement et aux moqueries de
l'étranger. Les médias de là-bas, qui voient bien la
paille dans nos yeux mais ignorent la poutre des leurs, auraient tôt fait
d'extrapoler et de généraliser. (Mongo Beti 2000 :
328-329)
Dans les rapports qui existent entre l'ancienne
métropole et ses anciennes colonies, la francophonie apparaît aux
yeux de Mongo Beti comme un instrument d'oppression et non de partage. A cette
francophonie politique qui sert essentiellement à instituer et à
perpétuer la conquête sous le couvert du partage linguistique
s'ajoute les relents de racisme et de xénophobie français.
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