I-3- Ingérences, et espionnage rampant des
Français
Les rapports qui lient l'ancienne métropole à
ses anciennes colonies sont tellement brumeux et opaques que l'on n'arrive pas
clairement à comprendre en quoi ces dernières pourraient
être appelées Etats souverains. En effet, leurs
souverainetés politiques sont tellement entamées et
désintégrées qu'elles fonctionnent comme de nouvelles
colonies, car la France est omniprésente et veut tout
contrôler ; c'est ce qui amène Norbert à dire ce qui
suit à Georges :
Moi, je n'aime pas travailler avec les coopérants
blancs, surtout les Français. Ils dérangent trop avec leurs
méthodes. Nous sommes en Afrique ici, et pas chez vous autres. Les
Toubabs veulent toujours tout savoir de ce qui se passe chez nous. Est-ce que
je te demande comment ça se passe chez toi ? (Mongo Beti
1999 : 127)
Cette ingérence, le policier Norbert l'assimile
volontiers à une recolonisation :
Comment ça, chez moi ? Protesta Norbert, je me
suis plus chez moi ici ? Vous, les français, vous voulez faire la
recolonisation maintenant ? Alors, c'est vrai ce qu'on dit dans les
journaux indépendants ? Vous, les Français, vous venez nous
recoloniser ? Les Toubabs reviennent pour tout prendre ? (Mongo
Béti : 130).
L'ancienne métropole est omniprésente et ses
immixtions se font remarquer même dans les milieux
universitaires :
Mais l'opinion fut outrée de voir mettre en doute un
événement aussi grave, auquel était sans doute
mêlé, disait-on maintenant, le gouvernement de l'ancienne
métropole, à moins que, coutumiers de l'immixtion dans les
Républiques africaines, il n'eut orchestré lui-même ce
qu'on commençait à qualifier de boucheries dans les milieux
universitaires. (Mongo Beti 1994 : 95)
Nos analyses nous ont montré que la France
s'ingère dans tous les domaines de la vie socio politique de ce pays
d'Afrique noire francophone. Par ailleurs, nous avons pu lire dans tout notre
corpus une rage d'espionnage rampant. Le personnage de Georges Lamotte dont
l'identité réelle reste très floue aux yeux de beaucoup de
personnages est le symbole même de l'espionnage français. Eddie
n'hésite pas à lui rappeler que tous les Français sont des
barbouzes : « -est-ce que je ni inquiète de savoir
si vous êtes une barbouze, moi ? Vous ne savez donc pas ce qu'on dit
des français ici ? Que vous êtes tous des
barbouzes. » (Mongo Beti 2000 : 47) Georges
généralise d'ailleurs cette image à tous les Blancs qui
résident sur le continent africain : « - Ecoutez
bien, Eddie, déclara l'homme blanc. Je ne sais même pas ce que
veut dire ce mot. De toute façon, vous ne me croiriez pas. Tous les
blancs en Afrique sont des Barbouzes, vous seriez bien le seul à
échapper à ce fantasme. » (Mongo Beti : 223)
S'il est vrai que Georges ironise ici, il n'en demeure pas moins vrai qu'il est
régulièrement indexé comme une barbouze. Dans ses
conversations avec Bébète, cette dernière y insiste :
« on dit que tous les Français sont des barbouzes. Tu es
une barbouze ? Pourquoi tu m'as caché... » (Mongo
Beti 1999 :95) Georges apparaît désormais comme un bon
serviteur de la coopération franco-africaine :
Le lendemain, le directeur de l'ANDECONINI, à qui
Georges venait de rendre compte en bon serviteur de la coopération
franco-africaine, lui déclara ; - Bravo, chers ami, trois fois
bravo ! Vous n'imaginez pas le prix des informations que vous nous
apportez là ; en fait elles n'en ont pas. Encore une fois, bravo.
(Mongo Beti : 202)
L'image qui se dégage aussi de cette ancienne
métropole est celle d'un pays qui excelle dans les fraudes
électorales et qui sait également manipuler l'opinion.
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