A. La Police de l'environnement et les structures de
recherche
1. La Police de l'environnement
En juillet 2005, le Gouvernement du Burundi, conscient de
l'importance de l'environnement a mis en place une police de l'environnement.
Sous l'autorité du Ministère de la Sécurité
Publique, cette police a été mise en place avec l'appui de la
coopération belge et est chargée de faire respecter les lois et
règlements sur la protection de l'environnement. Elle travaille en
étroite collaboration avec les agents de l'INECN, l'administration
locale, les organisations oeuvrant dans le secteur de l'environnement et la
population environnante du PNK. A cet effet, il est indispensable pour ce corps
de police de connaître des outils de lutte contre l'exploitation
illégale de l'environnement que sont les lois et les conventions
internationales.
Au niveau du PNK, la police de l'environnement est
composée de 25 unités éparpillées dans diverses
positions de la Kibira67. En effet, dans leur mandat d'appuyer les
agents de l'INECN sur terrain dans la surveillance du PNK, cette police joue un
rôle important de prévention des actes nuisibles à la
biodiversité du parc.
Cependant, ce corps de police est confronté à de
nombreuses contraintes qui font qu'elle n'est plus en mesure de contrer les
actes de destruction auxquels fait l'objet la faune et la flore du PNK,
liés surtout au manque de formation professionnelle et de moyens pour
être à la hauteur de cette noble tâche qu'il est
appelé à accomplir.
Malgré la mise en place de la police de
l'environnement, de nombreuses difficultés subsistent dont :
- un manque de formations adéquates en matière
de la protection de l'environnement en général et de la
conservation du PNK en particulier ;
- une distorsion administrative due au fait que ce corps n'est
pas du ressort du Ministère en charge de l'environnement ;
- le cadre d'intervention de cette police n'est pas bien
défini.
66 INECN, Plan d'Aménagement et de Gestion
du Parc National de la Kibira, Gitega, Burundi, Juillet 2009, p.v.
67 INECN, Plan d'Aménagement et de Gestion
du Parc National de la Kibira, Gitega, Burundi, Juillet 2009, p.36.
2. Les structures de recherche
D'après le contenu de l'article 23 du décret
portant structure, fonctionnement et missions du Gouvernement de la
République du Burundi, certaines des missions du Ministère de
l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique concernent la
promotion de la Recherche scientifique et technologique dans les
différents secteurs de la vie nationale et la promotion du
développement de la science, de la technologie et l'innovation pour en
faire un outil de développement durable68.
A ce titre, le Ministère de l'Enseignement
Supérieur et de la Recherche Scientifique comporte des institutions
universitaires très impliquées dans les activités de
recherche sur l'environnement et particulièrement en matière de
conservation des écosystèmes naturels. C'est ainsi que
l'Université du Burundi est impliquée dans la conservation de la
biodiversité à travers les activités de recherche. La
Faculté des Sciences et celle des Sciences Agronomiques mènent
des activités de recherche dans les aires protégées en
général et le PNK en particulier il faut noter que la recherche
appliquée est nécessaire pour la bonne gestion d'un espace
naturel69.
A titre illustratif, à l'issue d'une étude
réalisée par les chercheurs de la Faculté des Sciences
Agronomiques de l'Université du Burundi sur la forêt ombrophile de
la Kibira, il a été constaté que ce site est
dégradé bien que certains paramètres font croire qu'il y a
plutôt reconstitution. A travers cette étude, ses
réalisateurs ont, à cet effet, recommandé aux responsables
de l'INECN d'actualiser et de mettre en oeuvre, dans les plus brefs
délais, les plans de gestion du Parc pour sauvegarder ce qui reste de
cette forêt ombrophile de montagne70.
Quant à l'Institut Supérieur d'Agriculture de
Gitega de l'Université du Burundi (ISA), il forme des étudiants
sur des programmes relatifs à l'environnement et délivre des
diplômes d'Ingénieurs et de Biologistes. En collaboration avec
l'INECN, il dispose, à travers les parcs nationaux, d'un beau champ
d'investigations qui permet aux professeurs et à leurs étudiants
de réaliser des travaux de recherche sur la diversité biologique
du PNK.
Ainsi donc, force est de constater que les structures de
recherche apportent un appui indéniable à l'INECN dans la
conservation et la gestion du PNK, au moyen des investigations
effectuées sur la flore et la faune de cet écosystème
naturel.
68 Article 23 du Décret n°100/08 du 13
septembre 2010 portant structure, fonctionnement et missions du Gouvernement de
la République du Burundi.
69 NINDORERA, D., Etude sur le cadre
légal, politique et institutionnel en matière de
biodiversité, Bujumbura, 2013, p.26.
70 HABONIMANA, B., NDIHOKUBWAYO, N., HABONAYO, R.,
NZIGIDAHERA, B., Bagaert, J., Essai de détermination des indicateurs
de dégradation forestière : cas de la forêt ombrophile de
la Kibira au Burundi, p.12.
71 DJIGO Seybatou A., NINDORERA D., Projet
d'amélioration de l'efficacité des aires protégées
pour la conservation de la biodiversité au Burundi,
Bujumbura, 2010, p.23.
B. L'Office du Thé du Burundi (OTB) et la
Régie de Production et de Distribution d'eau et
d'électricité (REGIDESO), Burundi.
Au PNK, il existe des structures publiques qui mènent
diverses activités dans le parc et en milieu riverain. Ces structures
pourraient participer directement ou indirectement dans la préservation
de la biodiversité du parc.
1. L'Office du Thé du Burundi (O.T.B)
L'Office du Thé du Burundi a beaucoup de plantations
théicoles à la lisière du Parc National de la Kibira dont
la production dépend du microclimat créé par le Parc
National de la Kibira.
En effet, l'exploitation de ces plantations théicoles
par l'OTB procure de l'emploi et des revenus aux populations riveraines du PNK
et contribue ainsi à l'amélioration de leurs conditions de vie et
à la conservation des ressources naturelles du PNK.
La forme de partenariat de l'OTB dans la protection de la
biodiversité du PNK revêt deux aspects. D'une part, elle se
présente sous forme d'une approche participative du fait que les
populations employées par l'OTB sont impliquées dans la gestion
du PNK et d'autre part, comme une activité génératrice des
alternatives dans la mesure où les populations riveraines du parc qui
dépendaient des ressources naturelles de la Kibira
bénéficient désormais d'une autre source de subsistance.
En effet, l'existence de trois sociétés théicoles autour
de la Kibira (Teza, Rwegura et Mabayi) constitue une source de revenus pour les
populations des communes voisines. Ces sociétés utilisent une
main -d'oeuvre très importante pour la cueillette de la feuille verte et
les autres activités d'entretien des pistes, des
pépinières et des plantations. C'est ainsi que dans le secteur
Teza, la principale société reste l'OTB qui emploie 1200
journaliers dans ses plantations de thé. Dans le secteur Rwegura, on
note essentiellement que l'O.T.B. occupe 3.000 personnes dans ses plantations
de thé et le PNK. Dans le secteur Mabayi, on peut noter l'OTB de Buhoro
qui occupe environ 800 personnes dans ses plantations de
thé71.
Ainsi donc, ces structures représentent une soupape
inespérée. En effet, une grande partie de la population parvient
à se maintenir dans les environs du parc grâce aux revenus
supplémentaires que ces sociétés engendrent.
Il convient toutefois de souligner qu'avec la crise, le taux
d'occupation de certaines institutions a diminué beaucoup. Pour le cas
notamment du PNK, une partie du personnel de surveillance de
l'INECN a abandonné son travail suite aux combats qui
s'y déroulaient, laissant libre cours à la coupe du bois et aux
défrichements abusifs de certaines zones du PNK72.
Il faut signaler enfin que le fait de faire participer les
communautés locales en proposant des alternatives à
l'exploitation du PNK (artisanat, élevage, emplois dans les parcs et
autour de ces derniers, la création des pistes touristiques, etc.) est
une des solutions que le pays peut envisager pour conserver sa
biodiversité et améliorer la vie des populations riveraines.
Cette gestion inclusive conduit à l'utilisation durable des ressources
naturelles de cette aire protégée.
2. La Régie de Production et de Distribution d'eau
et d'électricité (REGIDESO), BURUNDI
Un grand nombre de rivières prenant source dans la
forêt de la Kibira, ce massif forestier entretient des conditions
hydrologiques et climatiques essentielles pour la production
d'électricité et de l'eau pour l'irrigation. Ainsi, près
de 100 captages sont aménagés dans le périmètre ou
à proximité immédiate de la Kibira. Ces captages
alimentent les populations riveraines en eau potable et participent au
développement rural73.
Par ailleurs, la REGIDESO dispose d'une grande centrale
hydroélectrique du pays au niveau du lac de retenue de Rwegura (en
province Kayanza, au centre du pays) sur la rivière Gitenge
alimentée essentiellement par des cours d'eau provenant du Parc National
de la Kibira.
Dans ces conditions, la REGIDESO emploie un personnel
important dans la production du courant électrique qui peut influer
négativement sur le parc notamment à travers des cultures
pratiquées à la lisière du Parc. D'où, la
nécessité d'un partenariat entre les deux institutions (INECN et
REGIDESO) pour la bonne gestion du parc. En effet, la REGIDESO tire beaucoup de
profits des ressources naturelles du PNK notamment de ces cours d'eaux. Ainsi,
il peut être demandé à la REGIDESO de contribuer à
la protection de ce parc pour continuer à recevoir de l'eau qui alimente
ces différents captages dont celui du barrage électrique de
Rwegura. Pourtant, l'autorité gestionnaire du PNK ne
bénéficie d'aucun avantage en contrepartie sous forme d'apport
relatif aux moyens humains et matériels mis en oeuvre pour la
préservation de cet écosystème naturel.
Cela pose le problème d'accès aux ressources et
au partage des avantages découlant de leur utilisation. En effet, ce
principe est consacré par le Protocole de Nagoya sur l'accès aux
ressources génétiques et le partage juste et équitable des
bénéfices découlant de leur utilisation relatif à
la Convention sur la Diversité Biologique du 29 octobre 2010. Le Burundi
n'a pas encore adhéré à ce Protocole bien que les
démarches d'adhésion soient en cours.
72 NZOJIBWAMI, C., Etude de cas
d'aménagement forestier exemplaire en Afrique centrale: le parc national
de la Kibira, Burundi, 2002, FAO, p.1.
73 NZIGIDAHERA, B., Analyse de la
biodiversité végétale nationale et identification
des priorités pour leur conservation, INECN-
PNUD, Bujumbura, 2000, p.127.
A notre avis, le concept d'accès et de partage juste et
équitable des avantages devrait être pris en compte au niveau des
textes légaux et administratifs concernant l'exploitation des ressources
biologiques au Burundi conformément aux dispositions du dudit
protocole74. Bref, le besoin d'une législation nationale et
d'une structure en matière d'accès et partage des avantages
s'avère indispensable afin de permettre au pays et à l'INECN
particulièrement de tirer profit des ressources naturelles de cette aire
protégée.
Section 2: Les Communautés locales et autochtones,
ONGs nationales, coopération bilatérale et
multilatérale
En plus des institutions publiques, les communautés
locales et autochtones, plusieurs ONGs nationales, la coopération
bilatérale et multilatérale participent dans la mise en oeuvre
des politiques nationales de protection et de gestion en rapport avec les
ressources naturelles du PNK.
§1. Les Communautés locales et autochtones et
les ONGs nationales A. Les communautés locales et
autochtones
Les communautés locales sont les
premières à exercer des pressions sur les ressources des aires
protégées en général et plus
particulièrement sur celles du PNK pour satisfaire leurs besoins
multiples. Il s'agit notamment de la recherche du bois de chauffage, de la
recherche des plantes médicinales et des ressources
alimentaires75. Au niveau de la population locale, la coordination
est une affaire de l'administration. Cependant, certains membres de la
communauté s'organisent en groupement pour l'exploitation des
éléments de la biodiversité du Parc de façon
autorisée ou illicite comme les scieurs, les chasseurs, les coupeurs des
arbres de construction ou à but artisanal, les collecteurs des animaux
pour la vente. Evidemment, tous ces groupes nécessitent une organisation
afin de contribuer dans la sauvegarde de cet écosystème
forestier.
Les groupes autochtones (les Batwa) jouent un
rôle important dans l'utilisation des ressources biologiques des aires
protégées surtout le Parc National de la Kibira. Ces derniers
vivent de plusieurs ressources qu'ils récoltent dans le parc. Ils
servent également d'intermédiaires aux tradipraticiens dans la
collecte des plantes et animaux utilisés en médecine
traditionnelle et dans le commerce.
Aux fins de pouvoir mener une gestion du PNK efficace sur le
plan écologique, bénéfique sur le plan social et viable
sur le plan économique, le Projet Parcs pour la Paix « PPP »
en collaboration avec l'INECN, mène des concertations avec les
populations riveraines (communautés locales et
74 Article 5.2 du Protocole de Nagoya sur
l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et
équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif
à la Convention sur la Diversité Biologique.
75INECN, Rapport d'étude sur les modes
de gouvernance et les catégories d'aires protégées
actuelles et futures au Burundi, Bujumbura, 2008, p.16.
autochtones) dans la préservation des aires
protégées, de la forêt de la Kibira. En effet, c'est depuis
2001 que l'INECN a mis en place un système d'intégration des
communautés dans la gestion des aires protégées autour des
plans communautaires de conservation des aires protégées. Il
existe actuellement deux plans communautaires élaborés pour les
communautés riveraines du PNK (à Bugarama et à Rwegura)
mis en place dans le cadre du Projet Parcs pour la Paix « PPP ». Ces
concertations se déroulent normalement depuis les collines, les secteurs
et les zones par le biais d'un diagnostic participatif (D.P) au cours duquel
les communautés locales ont été appelées à
:
1. décrire le milieu dans lequel elles vivent, leur
mode de vie, les atouts disponibles pour conserver l'aire
protégée (PNK) ;
2. décrire et hiérarchiser les menaces de
l'aire protégée et les problèmes environnementaux du
milieu environnant ;
3. analyser les groupes cibles par rapport aux
problèmes environnementaux ;
4. analyser et hiérarchiser les causes profondes de
ces problèmes sur base de relation de cause à effet ;
5. identifier des solutions sur base de l'arbre à
problème ;
6. définir des actions concrètes pour
résoudre les menaces ;
7. fournir des indicateurs, l'échéancier ;
8. identifier les intervenants, y compris les
communautés elles-mêmes ;
9. définir le code de conduite des communautés
et autres acteurs dans la conservation de l'aire
protégée76.
A la fin de cet exercice, les communautés riveraines du
parc sont en mesure de connaître avec exactitude les problèmes
environnementaux qu'elles vivent et les solutions appropriées à
adopter. De plus, elles connaissent désormais le rôle qu'elles
doivent jouer pour atteindre les solutions. A ce niveau, il convient de
préserver les droits coutumiers et faire en sorte que les plans
d'aménagements et gestion comprennent absolument toutes les indications
nécessaires concernant les responsabilités de chacun des
partenaires.
Enfin, des dispositions doivent être prises pour que la
participation des populations locales débute effectivement avec la
préparation des plans d'aménagement et de gestion jusqu'à
la mise en oeuvre effective de ces derniers. Actuellement, la gestion des aires
protégées et des boisements doit être une gestion
collaborative où les populations locales surtout celles vivant dans
et/ou autour de ces écosystèmes forestiers se sentent directement
concernées par la conservation de la biodiversité.
Ceci transparaît bien dans le rapport d'étude sur
les modes de gouvernance et les catégories d'aires
protégées77 et dans la loi y relative.
76NZIGIDAHERA B., NZOJIBWAMI C., BIRUKE Maneno,
MISIGARO A., Plan communautaire de conservation du Parc National de la
Kibira en zones NKONGE et RWEGURA, Bujumbura, 2002, p.7.
77 INECN, Rapport d'étude sur les modes
de gouvernance et les catégories d'aires protégées
actuelles et futures au Burundi, Bujumbura, 2008, p.19.
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