A. Vers la fin de l'approche dirigiste et autoritaire
Etant dotée d'une richesse inestimable, la forêt
de la Kibira a toujours été protégée par
l'autorité suprême, et de ce fait, elle existe encore de nos
jours.
Selon Cyriaque NZOJIBWAMI, «le caractère
sacré de cette forêt et la sensibilisation pour son respect, avant
même l'arrivée des colonisateurs, ont fait que beaucoup de gens
refusent sa destruction».98 Ainsi, beaucoup de lois qui
protègent les forêts, y compris la Kibira, existent au Burundi.
Concrètement, dans le souci d'actualisation efficace,
l'instauration d'une législation relative aux aires
protégées au Burundi s'est concrétisée par le
décret-loi n° 1/6 du 03 mars 1980 portant création de parcs
nationaux et des réserves naturelles. C'est dans la même
année que fut créé l'Institut National pour la
Conservation de la Nature (INCN) devenu INECN en 1989, comme organe
gestionnaire des airées protégées. Cette
législation a été renforcée par le
décret-loi n°100/007 du 25 janvier 2000 portant délimitation
d'un parc national et de quatre réserves naturelles qui a doté la
forêt naturelle de la Kibira de son statut légal comme parc
national.
En mettant en défens cette forêt naturelle,
l'autorité étatique visait à la fois la protection des
sols contre l'érosion et la conservation de ses flore et faune sauvages.
En effet, tout le monde s'accorde à reconnaître que les
populations jouent un rôle prépondérant dans l'application
des lois. Par ailleurs, les règles que l'on a établies pour
protéger notamment le parc n'ont eu que peu d'effet, car la population,
en grande partie analphabète, n'a pas été
éduquée pour comprendre la raison d'être de toutes ces
mesures qui d'emblée, empiètent sur ses droits qu'elle
considère comme naturels.
Au fait, le décret-loi de 1980 sur les aires
protégées qui a été révisé par la loi
de 2011 portant création et gestion sur des aires
protégées du Burundi, ne reconnaissait pas les droits d'usage
(bois de construction et de chauffage, droit d'extraction de plantes
médicinales, droit de ramassage du bois mort, etc ) aux populations
locales et autochtones au niveau du PNK. Elles n'étaient
autorisées ni à s'installer à proximité du
périmètre désigné ni à exploiter des terres
dans un rayon de moins de mille mètres autour du parc ou de la
réserve99. Pourtant, à notre sens, la reconnaissance
des droits des populations sur cette aire protégée relève
même de la création de cet espace naturel.
98 NZOJIBWAMI, C., Etude de cas
d'aménagement forestier exemplaire en Afrique centrale: le parc national
de la Kibira, Burundi, FAO, 2002, p.1.
99 Article 7 de du décret-loi n°1/6 du 3
mars 1980 portant création de parcs nationaux et des réserves
naturelles.
Quant au décret de 2000 portant délimitation
d'un parc national et de 4 réserves, il confère aux
communautés riveraines le droit d'usage des ressources dont
l'exploitation ne porte pas atteinte aux objectifs de conservation des
écosystèmes. Mais, ce texte ne montre pas clairement les
modalités et processus d'utilisation acceptable des ressources des aires
protégées concernées100. En conséquence,
dans ces textes de loi, les droits d'usages des ressources des aires
protégées par les populations environnantes restent ambigus bien
qu'ils en font état.
Par ailleurs, dans l'esprit de cette législation qui
régissait le PNK, aucune activité ou orientation n'obligeait
l'autorité gestionnaire des aires protégées à
savoir l'INECN à collaborer avec les communautés locales. A ce
titre, le PNK et les autres aires protégées étaient donc
gérées sous le fort pouvoir étatique, sous le
système sévère de gardiennage avec une méthode
dirigiste et policière mise en place, ce qui implique que le cadre
politique et institutionnel de la conservation de cet écosystème
était favorable d'une gouvernance où l'Etat était le seul
gestionnaire des aires protégées101.
On comprend donc que cette stratégie coercitive
empêchant les populations riveraines du PNK d'utiliser les ressources
naturelles était liée à l'existence des textes de lois
régissant cette aire protégée qui ne tenaient pas compte
des intérêts des populations. Par ailleurs, tout le monde
s'accorde à affirmer que le système de gouvernance
étatique avec l'exclusion des communautés riveraines dans les
activités de conservation n'a fait qu'aggraver la situation
conflictuelle entre les communautés locales et les gestionnaires des
aires protégées. Ces conflits étaient liés au fait
que les populations locales incapables de satisfaire leurs besoins primaires
par manque de terres, s'acharnent sur les zones protégées, les
récupèrent et en exploitent les ressources naturelles à
leur propre compte et au détriment de l'intérêt
général.
Ainsi, force est de constater que les aires
protégées sont en continuelle dégradation due surtout au
défrichement cultural, au prélèvement
incontrôlé des ressources biologiques, aux feux de brousse et
à l'introduction des espèces étrangères. Cela est
la conséquence de l'inefficacité des textes de lois
régissant la conservation du PNK qui se sont avérés
très coercitifs ignorant ainsi la place des populations locales dans la
protection des aires protégées, une fois impliquées.
Devant cette situation lacunaire, il s'est avéré
opportun que le législateur burundais adopte une stratégie qui
s'adapte à une société en pleine évolution.
Dès lors, il importe de penser à une législation qui
promeut le respect des besoins et des droits des populations vivant à
l'intérieur et aux alentours des aires protégées pour sa
pleine effectivité, donc qui privilégie l'approche participative,
d'où la mise en place d'une loi en la matière.
100 Article 5 du décret n°1/007 du 25 janvier 2000
portant délimitation d'un parc national et de quatres réserves
naturelles.
101Article 1 du décret n°100/188 du 05
octobre 1989 portant organisation de l'institut National pour l'Environnement
et la Conservation de la Nature « INECN ».
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