CHAPITRE I : LES TEXTES DE DROIT INTERNE DE PROTECTION
DU PARC
NATIONAL DE LA KIBIRA
Dans le souci d'être à la hauteur des
défis environnementaux, la législation burundaise s'est
dotée des outils juridiques en matière de conservation du PNK.
Ces instruments sont composés du Code de l'Environnement, du Code
Forestier, du décret n°100/07 du 25/1/2000 portant
délimitation d'un Parc National et de quatre Réserves Naturelles
et de la loi n° 1/10 du 30 mai 2011 portant création et gestion des
aires protégées au Burundi révisant le décret-loi
n° 1/6 du 3 Mars 1980 portant création des Parcs Nationaux et des
Réserves Naturelles.
Parmi ces textes de loi, certains assurent une protection
générale du PNK en tant qu'aire protégée du Burundi
(section 1) tandis que d'autres textes sont spécifiques à la
protection du Parc National de la Kibira (Section 2).
Section 1 : Les textes généraux :
protection générale
Le droit positif burundais de protection de l'environnement
qui consacre la protection générale du PNK comporte
essentiellement les textes de loi suivants: le Code de l'environnement (§
1) et le Code forestier (§ 2).
§ 1. Code de l'Environnement du Burundi
Le Code de l'Environnement du Burundi a été
adopté par la loi n°1/010 du 30 juin 2000 et a pour objet de fixer
les règles fondamentales destinées à permettre la gestion
de l'environnement et la protection de celui-ci contre toutes les formes de
dégradation, afin de sauvegarder et de valoriser l'exploitation
rationnelle des ressources naturelles, de lutter contre les différentes
formes de pollution et nuisances et d'améliorer ainsi les conditions de
vie de la personne humaine, dans le respect de l'équilibre des
écosystèmes17. Il définit également les
procédures à suivre pour la création des zones
classées(A), avant d'aborder le but de classement des terrains en aires
protégées (B).
A. De la procédure de classement des terrains en
aires protégées
En son article 73 alinéa 1, le Code prévoit que
lorsque la préservation de l'équilibre écologique l'exige,
tout boisement ou forêt, quels qu'en soient les propriétaires,
peut être classé comme forêt de protection ou réserve
forestière dans les conditions prévues par les dispositions du
Titre V, chapitre I du Code Forestier. Pour l'article 75, en son alinéa
2, la décision de classement est prise par décret et est
précédée d'une enquête publique menée par
l'administration de l'environnement en collaboration avec les autres services
administratifs, les collectivités locales et les populations
concernées. Les modalités de cette procédure sont
fixées par une ordonnance du Ministre ayant en charge l'environnement,
ajoute-t-il.
Par ailleurs, dans l'intérêt de
l'équité et de la justice, une indemnité est prévue
par le présent code en vue de réparer un préjudice certain
causé aux propriétaires ou aux ayants droit affectés par
la mesure de classement dans les conditions et les modalités
établies par la décision de classement18.
Enfin, le code en son article 85 précise que lorsque
les circonstances qui avaient imposé le classement en parcs ou
réserves ont cessé d'en justifier le maintien, les terrains et
tous autres biens classés pourront être désaffectés
par voie de décret, après enquête rendant compte de
l'inopportunité de maintenir le classement.
B. De la préservation de la diversité
biologique
Dans sa partie relative aux espaces naturels et à la
diversité biologique, le Code de l'Environnement consacre plusieurs
dispositions en rapport avec la préservation de la diversité
biologique des aires protégées. Ainsi, l'article 75
prévoit que lorsque la conservation du milieu naturel sur le territoire
de la République présente un intérêt spécial
et implique la préservation de ce milieu contre toute intervention
humaine susceptible de le dégrader ou de le modifier, toute portion du
territoire national, terrestre ou maritime, peut être classée en
aires protégées sous
17 Article 1er du Code de l'Environnement
du Burundi.
18 Article 74 du Code de l'environnement du
Burundi.
forme de parc national ou en réserve naturelle dans les
conditions prévues par la législation régissant cette
matière.
L'article 88 dispose par ailleurs que la préservation
de la diversité biologique, la reconstitution des
écosystèmes dégradés et la
régénération des espèces animales et
végétales menacées ou en voie de disparition constitue une
obligation incombant à l'Etat, aux collectivités locales et aux
personnes privées, physiques ou morales
De même, les espèces animales et
végétales ainsi que leur milieu naturel doivent être
protégées et régénérées au moyen
d'une gestion rationnelle en vue de préserver ces espèces et leur
diversité19.
Quant aux espèces animales et végétales
menacées ou en voie de disparition, dans les dispositions de l'article
93, le Code de l'Environnement énonce que si leur protection
s'avère insuffisante ou inefficace, il pourra être institué
par décret, des zones dites « réserves intégrales
» en vue de renforcer la conservation « in situ » des
espèces visées. La même disposition ajoute qu'à
l'intérieur de ces zones, toute activité humaine et toute
pénétration du public y sont autorisés par
l'Administration de l'Environnement.
Quoique ce Code prévoie des dispositions visant
à préserver la diversité biologique des aires
protégées du Burundi, quelques lacunes subsistent :
- Il n'aborde pas les aspects d'accès aux ressources
génétiques et de partage des avantages découlant de leur
utilisation ;
- La protection des connaissances traditionnelles
associées aux ressources biologiques n'apparaît pas ;
- Il n'aborde pas les organismes génétiquement
modifiés alors qu'ils constituent des menaces sérieuses pour la
biodiversité ;
- La notion de payement des services rendus par les
écosystèmes n'y figure pas ;
- L'éducation et la sensibilisation du public n'occupe
pas une grande place dans ce code alors que c'est un aspect important sur
lequel il faut insister pour assurer la conservation de la
biodiversité.
§ 2. Code Forestier du Burundi
Le Code forestier a été institué par la
loi n°1/02 du 25 mars1985 portant Code forestier du Burundi. Ce texte est
d'une grande importance. Il fixe l'ensemble des règles
particulières régissant l'administration, l'aménagement,
l'exploitation, la surveillance et la police des bois et
forêts20. Il aménage plusieurs dispositions en rapport
avec les forêts et boisements du domaine de l'Etat (A) et d'autres
relatives à la sauvegarde de l'intégrité des
écosystèmes forestiers (B).
19 Article 89 du Code de l'Environnement du
Burundi.
20 Article 5 du Code forestier du Burundi.
A. De la gestion des ressources forestières du
domaine de l'Etat
Ce code aménage des dispositions relatives à
l'aménagement et à l'exploitation des coupes de bois. Ainsi,
à l'article 11 de ce Code, le législateur soumet les boisements
et forêts du domaine de l'Etat à une condition
générale d'aménagement réglé par ordonnance
ministérielle.
L'article 12 quant à lui, déroge aux
dispositions de l'article 11, en disposant que l'exploitation des forêts
et boisements de l'Etat pourra se faire soit par permis de coupe portant sur un
nombre déterminé d'arbres, soit par permis d'exploitation portant
sur une superficie déterminée. Ce Code précise
également la procédure qui est prévue pour la
réalisation des ventes des coupes et de leurs produits aux fins du
respect de la concurrence loyale.
Ainsi, dans ses dispositions, l'article18 précise que
dans les forêts et boisements de l'Etat, les coupes et le produit des
coupes sont vendus par le service forestier avec publicité et appel
à la concurrence dans les conditions fixées par ordonnance
ministérielle. Toutefois, la même disposition aménage une
dérogation au principe énoncé ci-haut en rapport avec les
oeuvres sociales et humanitaires selon le besoin. En effet, elle ajoute que le
Ministre ayant les forêts dans ses attributions peut exceptionnellement
autoriser des coupes gratuites dans les boisements de l'Etat au profit des
oeuvres sociales qui en justifient la nécessité.
Ce texte aménage également d'autres
dispositions destinées à l'exercice du droit d'usage dans les
forêts de l'Etat. Ainsi, il dispose qu'il ne peut pas être fait
dans les forêts et boisement de l'Etat, aucune concession de droit
d'usage de quelque nature et sous quelque prétexte que ce
soit21.
Quant aux dispositions de l'article 40, elles prescrivent une
interdiction aux bénéficiaires d'un droit d'usage selon les
circonstances. Cet article précise que dans toutes les forêts de
l'Etat, quand, pour des raisons sylvicoles, l'exercice des droits d'usage au
bois est préjudiciable au maintien de l'état boisé,
l'autorité compétente peut interdire l'exercice de ce droit
pendant une période déterminée, période qui peut
être prorogée, si nécessaire.
Par ailleurs, l'exercice des droits d'usage au bois dans les
forêts de l'Etat est limité à la coupe du bois de
chauffage, de construction et de pirogue nécessaire aux besoins
domestiques22.
B. De la sauvegarde de l'intégrité des
écosystèmes forestiers
En vue de la sauvegarde de l'intégrité des
écosystèmes forestiers, le Code forestier aménage des
dispositions qui y sont consacrées. Il s'agit, par exemple, des
dispositions des articles 77 à 81 relatifs à la
réglementation des défrichements, en principe interdits, mais
admettant des exceptions sous certaines conditions et sur autorisation
préalable. Il s'agit également de la réglementation des
feux de végétation et la définition des mesures de
prévention (voir les articles 90 à 96). De même, il s'agit
de l'institution des forêts de protection ou réserves
forestières pour
21 Article 38 du code forestier du Burundi.
22 Article 41 du code forestier du Burundi.
lutter contre la dégradation des sols et pour la
conservation d'espèces végétales ou animales en voie
d'extinction23.
Enfin, les articles 161 et 162 indiquent les conditions
auxquelles sont soumis le classement et le changement d'affectation des
essences forestières de protection.
En effet, l'article 161 prévoit que les forêts et
boisements classés en forêts de protection ou en réserves
forestières sont soumis à un régime spécial
déterminé par ordonnance ministérielle et concernant
l'aménagement, l'exercice des droits d'usage, le régime des
exploitations, les feuilles et extractions.
L'article 162 préconise que le classement d'un espace
naturel comme forêt de protection interdit tout changement d'affectation
ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la
conservation ou la protection de l'état boisé.
Ainsi donc, l'application et le respect de telles dispositions
contribuent à bien gérer les ressources forestières du
pays et par conséquent à honorer les engagements
contractés au titre de la Convention sur la diversité biologique
dans ses aspects de conservation et d'utilisation durable conformément
aux articles 6, 8 et 10 de la Convention sur la diversité biologique.
Cependant, certaines lacunes existent dans ce Code forestier
et qui limitent son efficacité :
- le régime de la répression des
activités susceptibles de détruire les réserves
forestières est faible. Ainsi par exemple, le Code forestier en son
article 106 réprime le feu sauvage d'une amende de 1.000 à 10.000
Fbu et d'une servitude pénale de trois mois à trois ans. Si l'on
tient compte des milliers de francs burundais que l'Etat a consentis pour
installer et conserver les ressources forestières, cette
répression est faible ;
- l'absence de textes d'application qui limite
l'applicabilité et par conséquent son effectivité ; - le
Code forestier n'est pas harmonisé avec le Code de l'Environnement ;
- l'absence de l'approche participative dans la gestion des
boisements domaniaux.
L'analyse que nous venons d'effectuer concerne les textes de loi
qui assurent une protection générale de la biodiversité du
PNK en vue de sa gestion et de son utilisation durables. Toutefois, le constat
est que ces textes comportent des lacunes qui, par voie de conséquence,
limitent leur efficacité. Nous allons aborder dans la suite l'examen des
instruments dont les dispositions sont spécifiques à la
protection des ressources naturelles du PNK.
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