Section 3 : Effets de la dette extérieure sur
les performances économiques
Pour analyser le fardeau de la dette sur l'économie, on
recourt généralement à certains indicateurs concernant la
dette globale et le service de la dette. A cette fin, ceux-ci sont
rapportés aux ressources permettant à un pays de faire face
à ses engagements, ces ressources étant
généralement le PIB et les recettes d'exportations. Pour cela, on
distingue généralement les indicateurs de liquidité et les
indicateurs de solvabilité.
3.1. Les indicateurs de
liquidité
Les indicateurs de liquidité sont liés à
la disponibilité des devises. Dans les années 80, le Burundi
s'est lancé dans un vaste programme d'investissements qui a
nécessité d'énormes emprunts sur le marché
financier international, alors que les taux d'intérêt et le cours
du dollar ont augmenté. Par ailleurs, la facture des importations
s'était alourdie, à cause des crises pétrolières de
1973 puis de 1979. Parallèlement à l'augmentation des coûts
des importations, les recettes d'exportation ont baissé avec la chute
des cours des produits primaires exportables (café, thé,
coton,...) dont il était tributaire.
MANKIW (2003) définit l'indicateur SDE/X, appelé
également « coefficient du service de la dette », comme un
rapport qui est établi entre le paiement des intérêts et le
principal d'une part, les recettes d'exportations d'autre part. Celui-ci
présente en effet un avantage de tenir en compte des conditions
financières dont sont assortis les emprunts ainsi que les exportations,
source principale des devises pour servir la dette extérieure.
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Graphique n°6: Evolution du ratio du service
de la dette extérieure aux exportations
(1980-2010)
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100%
40%
80%
60%
20%
0%
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SDE/X Seuil PPTE(SDE/X)=15%
Entre 1980 et 2010, le ratio SDE/X a augmenté pour
atteindre 39,38% en moyenne sur toute la période, une valeur largement
supérieure au seuil (15%) défini dans le cadre de l'IPPTE. Cela
signifie qu'en moyenne sur cette période, près de 40% des
recettes d'exportations sont utilisées pour le remboursement de la dette
extérieure chaque année alors qu'il y a d'autres dépenses
alternatives qui pourraient contribuer à accélérer la
croissance.
L'alourdissement de la dette extérieure peut être
dû à la conjugaison de plusieurs phénomènes : baisse
des recettes d'exportation, nouveaux emprunts, augmentation des taux
d'intérêts sur les marchés financiers internationaux, etc.
Suite à ces chocs extérieurs, le Burundi s'est endetté non
plus pour financer son développement et compenser le déficit de
l'épargne intérieure, mais plutôt pour s'affranchir de la
dette contractée pendant les périodes antérieures.
Ce graphique indique en effet que le ratio du service de la
dette aux exportations évoluait dans les normes de façon à
laisser l'encours de la dette soutenable jusqu'en 1984. De 1985 à 2009,
le service de la dette a lourdement pesé sur l'économie
burundaise. C'est en 2004 que ce ratio atteint le niveau le plus
élevé en atteignant 85,79%. Ce niveau signifie que plus de quatre
cinquième des recettes d'exportations ont été
affectées au service de la dette en 2004.
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Cela constitue un coût d'opportunité
élevé pour le potentiel de la croissance en ce sens que ces
revenus pourraient être affectés à des fins permettant de
booster la croissance économique, surtout que la composition de
l'affectation de la dette nous a précédemment montré la
faible part des secteurs productifs.
Un autre indicateur de liquidité est également
utilisé, il s'agit du ratio stock de la dette aux exportations. Il sied
de noter que la sensible baisse de ce ratio en 2009 s'explique par l'atteinte
par le Burundi au point d'achèvement qui lui a permis de
bénéficier de l'annulation d'une grande partie de sa dette
publique extérieure comme cela peut se remarquer sur le graphique
ci-après.
Graphique n°7: Evolution du ratio de la dette
extérieure aux exportations (1980-2010)
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4000%
3000%
2000%
5000%
1000%
0%
DPE/X Seuil PPTE (DPE/X)=150%
De manière générale, le ratio de la dette
extérieure aux exportations a connu globalement une tendance
haussière jusqu'en 2002 impliquant ainsi que la dette extérieure
a évolué plus vite que la source essentielle de revenu
extérieure de l'économie (recettes d'exportation). Cette
évolution indique par ailleurs que le pays aurait eu du mal à
s'acquitter de ses obligations au titre de la dette n'eut été la
mise en place d'un cadre d'allègement de la dette (IPPTE et IADM). Les
exportations du Burundi sont non seulement faibles, mais aussi peu
diversifiées. Ce faible niveau des ressources
générées par l'activité économique entraine
alors le recours aux ressources extérieures au titre des emprunts.
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Une crise de liquidité est constatée lorsqu'un
déséquilibre est temporaire et quand, dans le futur, la
couverture des paiements extérieurs pourra être assurée.
Elle est donc, en principe, limitée dans le temps et se traduit par
l'impossibilité de servir la dette dans les termes où elle a
été conclue. La situation se complique davantage lorsque ce
déséquilibre persiste et devient chronique, c'est là que
se pose alors la question de solvabilité.
3.2. Les indicateurs de
solvabilité
Les indicateurs de solvabilité sont liés
à l'incapacité de rembourser à cause d'une mauvaise
allocation des capitaux. L'endettement extérieur rapporté au PIB
(DPE/PIB) élevé traduit un problème de taille. En effet,
si le pays devrait rembourser la totalité de sa dette extérieure,
il devait y consacrer une part importante de la valeur de sa production
nationale. Si le stock de la dette dépasse le PIB, c'est que le pays
doit recourir à un nouvel emprunt pour pouvoir assurer son
remboursement. Cependant, il y a lieu de noter que ce ratio demeure assez
imprécis dans la mesure où il ne tient pas compte des conditions
financières des emprunts.
Graphique n°8: Evolution de l'encours de la
dette extérieure en % du PIB (1980-2010)
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250%
200%
150%
100%
50%
0%
DPE/PIB Seuil(DPE/PIB)=50%
Au lendemain de la crise de 1993, la dette extérieure
exprimée en pourcentage du PIB a dépassé 100%. Cela
signifie que quand bien même toutes les ressources nationales seraient
consacrées au seul remboursement de la dette extérieure, elles ne
suffiraient pas.
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En effet, exprimé en pourcentage du PIB, la dette
extérieure publique est passée de 12,75% en 1980 pour monter
régulièrement jusqu'en 1986 et atteindre ainsi 46,45%. Ce ratio
est resté en dehors de la marge soutenable fixée à 50%
entre 1987 et 2008, atteignant le niveau le plus élevé en 2003
(212,59%) pour redescendre en 2009 à 36,44% suite à l'IADM.
Selon BHATTACHARYA et CLEMENTS (2004), un pays est
surendetté lorsque sa dette dépasse normalement sa
capacité de remboursement, et on peut s'attendre à ce que son
service de la dette soit lourd au point de freiner la croissance
économique mais seulement lorsqu'il dépasse un certain seuil
estimé à 50% du PIB pour la valeur nominale de la dette
extérieure.
Graphique n°9 :
Evolution du service de la dette en % du
PIB
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4%
8%
0%
6%
2%
SDE/PIB Seuil(SDE/PIB)=3%
Le ratio SDE/PIB est un indicateur du problème de la
dette. Son avantage est qu'il tient compte des conditions financières
dont sont assortis les emprunts en y associant le PIB, ressources globales dont
dispose la nation. Il montre en effet l'ampleur des prélèvements
annuels effectués au titre du service sur la production nationale.
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De 1980 à 1987, ce ratio évoluait encore dans
les limites acceptables fixées par les IBW établies à 3%.
Toutefois, de 1988 à 1990, il a légèrement
dépassé le seuil pour revenir dans la marge jugée
acceptable jusqu'en 2000. De 2001 à 2008, ce ratio est resté en
dehors de ladite limite et pour revenir en deçà de celle-ci
dès 2009 suite à l'annulation de la dette.
A ce niveau, il faut noter que la faiblesse de ce ratio est
due à l'accumulation des arriérés de paiement. Pendant
plus d'une décennie, la coopération financière avec les
bailleurs de fonds a été suspendue du fait de la guerre et de
l'accumulation des arriérés auprès des créanciers
bilatéraux et multilatéraux.
Le service de la dette publique extérieure ne
représentait que 26,5% des exportations en 1994 et 39,9% en 1999.
Comparée au PIB, la dette extérieure représentait en
moyenne 119,6% entre 1993 et 1999. La plus grosse partie de cette dette est due
aux IBW. Historiquement, le Burundi a régulièrement
remboursé la dette due à cette catégorie des
créanciers. Toutefois, la baisse des ressources d'exportations et le
tarissement des financements extérieurs ont réduit sensiblement
les capacités de remboursement de la dette extérieure, de telle
manière qu'on a été obligé d'opérer
seulement quelques paiements partiels et sélectifs depuis 1995. Ainsi le
pays a commencé à accumuler des arriérés sur les
autres payements qui totalisaient à peu près 70 millions de
Dollars vers la fin de l'année 1998 (Rapport annuel de la BRB, 1999).
46
3.3. Le niveau d'endettement extérieur et la
croissance économique
L'endettement public extérieur est devenu un
problème majeur auquel est confrontée l'économie du
Burundi depuis le début des années 80. A cet effet, le
remboursement de la dette publique extérieure est devenu certes un
facteur de blocage parce qu'il entrave toutes politiques contribuant à
la croissance et au développement économiques par l'effet du
service de la dette.
Graphique n°10 : Evolution comparée du
PIB réel et de la dette extérieure en MBIF
(1980-2010)
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1 600 000
1 200 000
800 000
400 000
0
Dette Publique Extérieure PIB
réel
D'un côté, on remarque que le niveau
d'endettement n'a cessé de prendre une allure croissante depuis 1980
jusqu'en 2008, date à la quelle le Burundi a commencé à
bénéficier de la remise importante d'une partie de sa dette suite
à l'admission dans les PPTE, passant de 11 030,4 à 1 567
958,7MBIF pour descendre à 527 748,2MBIF en 2010. D'un autre, une
dégringolade du revenu national réel depuis 1992 jusqu'en 2000
passant de 137 284 à 108 164MBIF suite à la crise sociopolitique
qui a secoué le pays.
Depuis les années 2000, l'économie a repris
progressivement son cours normal avec une production nationale qui passe de 110
436MBIF en 2001 à 146 999MBIF en 2010 (soit une nette
amélioration de 33%) grâce au retour de la sécurité.
Les crédits étrangers peuvent donc soit contribuer à la
relance économique s'ils sont judicieusement utilisés soit, dans
le cas contraire, conduire une économie dans une ruine. Sur les trois
décennies sous étude, on remarque que l'endettement
extérieur au Burundi n'a pas été accompagné par
l'amélioration de la production nationale.
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