Section 2 : Les enjeux et les mobiles de l'endettement
public extérieur au Burundi
Avant d'évaluer les effets de l'endettement
extérieur sur l'économie burundaise, il importe de commencer par
la mise en évidence ses caractéristiques, notamment en termes de
mobilisation des ressources propres, du financement des investissements et
d'affectation des ressources empruntées.
2.1. Insuffisance de l'épargne
intérieure
Au Burundi, l'insuffisance des ressources nécessaires
pour l'investissement s'est traduite par le recours à l'endettement
public extérieur. Ce dernier peut donc être un moyen important de
poursuivre une politique de croissance et de développement
économique de notre pays.
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Graphique n°3 : Evolution comparée des
taux d'épargne intérieure et d'investissement
(1980-2010)
-10
-20
-30
30
20
10
0
Taux d'épargne Taux d'Investissement
37
Ainsi, sur base de ce graphique, nous constatons, d'un
côté, que le niveau d'investissement a été positif
mais très faible alors que l'investissement constitue une variable
fondamentale dans l'explication de la croissance, la situation s'est
empirée avec la survenance de la crise sociopolitique de 1993. D'un
autre, le niveau de l'épargne reste faible, insuffisant et
négatif pour la plupart des années surtout depuis les
années 90. Ceci occasionne donc un écart strictement
négatif. Le Burundi s'est vu alors obligé de recourir aux
crédits à la fois intérieurs et extérieurs car il
n'a cessé de faire face à un déficit de ressources
intérieures du fait que les besoins d'investissements dépassent
largement les ressources intérieures.
Ces deux variables de l'économie ont
évolué en dents de scie mais nous permet de dégager deux
sous périodes :
De 1980 à 1989, l'épargne intérieure est
faible mais positive (sauf en 1980 et 1982). Elle passe de -743,1 à 8
186,4MBIF et l'investissement, quant à lui, il passe de 11 493,3
à 29 279MBIF. Cela revient à dire que le financement de
l'investissement est en partie fait par les ressources propres du pays.
De 1990 à 2010, la situation s'est
dégradée. En effet, le taux d'épargne intérieure a
été quasiment négatif, car l'épargne
intérieure est restée quasiment négative. La situation est
ainsi alors que le niveau d'investissement a presque toujours
représenté au moins un dixième du revenu national. La
situation s'est empirée sur la période 1997-2001 où le
38
niveau d'investissements a fortement chuté (variant de
5 à 9% du PIB) suite aux effets conjugués de la crise de 1993 et
le blocus économique de 1996.
Cette tendance prouve que l'insuffisance de l'épargne
intérieure est à l'origine de l'endettement extérieur. En
effet, sur la période allant de 1980 à 2010, l'écart entre
l'épargne intérieure et l'investissement reste très
important au cours de la période sous revue. Par ailleurs,
l'épargne intérieure parait très faible et même
négative pour certaines années.
2.2. Mobilisation des recettes
budgétaires
Durant les périodes de forte croissance, les recettes
fiscales augmentent du fait de la hausse des revenus. A l'inverse, elles
baissent en période de récession, en raison de la chute des
revenus et de l'augmentation des dépenses. Or, le solde
budgétaire dépend naturellement de l'évolution des
recettes et dépenses publiques.
Graphique n°4: Evolution du solde
budgétaire en % du PIB
(1980-2010)
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0
-2
-4
-6
-8
-10
Solde budgétaire global (en % du PIB)
Le ratio solde budgétaire/PIB est resté
négatif sur les trois décennies étudiées. Depuis
1990, le budget est resté déficitaire jusqu'à nos jours
atteignant 9,65% du PIB en 1996.
Il faudrait toutefois indiquer que le niveau
déficitaire du budget n'est pas uniquement dû à la chute
des recettes publiques, l'évolution plus prononcée des
dépenses par rapport aux recettes publiques en est également la
cause.
Les effets de la crise qui a éclaté en 1993 se
sont amplifiés avec les trois années du blocus économique
(1996-1999). Suite à cette crise, les cas de fraude et de corruption ont
augmenté ainsi que les circuits d'approvisionnement informels baissant
ainsi la base taxable et les recettes de l'Etat (MABUSHI et al, 2009).
En outre, le gel de la coopération internationale a été un
coup dur sur l'économie burundaise (chute sensible des appuis
budgétaires).
Le moyen le plus efficace pour financer les dépenses
publiques et réduire la dépendance à l'égard des
crédits étrangers est donc de mobiliser les ressources
nationales. C'est pour cette raison que SPIEGEL (2007) estime que les niveaux
peu élevés de recouvrement d'impôts dans bon nombre de pays
pauvres limitent considérablement les dépenses publiques et
oblige les pays concernés à emprunter ou à dépendre
des flux d'aide pour financer leurs besoins de base en matière de
développement.
2.3. Affectation de la dette publique
extérieure
L'allocation efficiente des ressources implique que les
secteurs productifs bénéficient d'une part importante de la dette
extérieure.
Graphique n°5 : Affectation de la dette publique
extérieure par secteur en % de la dette publique extérieure
totale (1980-2010)
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40
60
20
0
Equipements publics Secteurs productifs Secteur social
Divers
39
40
Au cours de la décennie 80-90, la dette était
concentrée beaucoup plus dans les équipements publics par rapport
aux autres secteurs. De même les secteurs productifs ont
bénéficié des montants importants et en hausse continue
sur cette décennie. Cependant, depuis les années 90, les montants
affectés aux secteurs productifs ont évolué à la
baisse, cela étant en grande partie due aux perturbations
engendrées par la crise sociopolitique de 1993.
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