Section 4 : La dette publique et l'Initiative PPTE pour
le Burundi
L'allègement de la dette en faveur du Burundi, un pays
faisant partie des PPTE, peut être une bouffée d'oxygène
qui lui permettrait de sortir de l'ornière de sa dette
extérieure.
4.1. Le Fardeau de la dette extérieure et
l'accès du Burundi à l'IPPTE
Pendant longtemps, la charge de la dette extérieure
pesait très lourd sur l'économie du Burundi. L'encours de la
dette extérieure est estimé à 1 237 millions de Dollars
à fin 2003, soit plus de deux fois le PIB. En 2004, cet encours est
passé à 1 384 Millions de Dollars. Cette dette était
essentiellement multilatérale, directe, concessionnelle et fortement
influencée par l'évolution du taux de change car elle est
libellée en devises étrangères.
Le caractère essentiellement multilatéral de la
dette extérieure du Burundi ainsi que la situation
socioéconomique exceptionnelle du pays pendant les années de
crise ne lui permettaient pas de tirer d'emblée profits des
mécanismes classiques d'allègement à savoir le
rééchelonnement et l'accès à l'IPPTE.
Selon le rapport de l'économie burundaise 2003-2004,
les dispositifs d'allégement de la dette passaient par l'adoption d'un
programme de stabilisation et des réformes économiques soutenues
par des prêts concessionnels. Or, le rééchelonnement et les
opérations sur le stock de la dette à des conditions
concessionnelles (IPPTE) ne pouvaient être obtenus qu'après une
période pouvant être longue et sous réserve des
résultats satisfaisants.
S'agissant des conditions d'éligibilité, le
Burundi est devenu éligible à l'allègement de la dette
dans le cadre de l'IPPTE après les progrès notables
enregistrés dans la stabilisation de son économie et dans la mise
en oeuvre continue de politiques rationnelles visant la stabilité
macro-économique et financière, la croissance et la
réduction de la pauvreté tel que prévu par le CSLP.
48
Selon le document relatif à l'approbation du Burundi au
point de décision de l'IPPTE renforcée (2005), sur base des
réformes de politiques et des réformes institutionnelles, les IBW
et toute la communauté des bailleurs de fonds s'accordent à
reconnaître qu'il a réuni les conditions permettant d'atteindre le
point de décision, à savoir :
i. Pays de la catégorie A (c'est-à-dire
éligible aux ressources concessionnelles du FAD uniquement), avec un
faible revenu par habitant et des indices évidents de pauvreté
généralisée ;
ii. Démontrer la poursuite continue de la
stabilité macro-économique, des réformes sociales et
structurelles à travers des performances satisfaisantes
enregistrées dans le cadre d'un programme soutenu par la Facilité
pour les pays sortant d'un conflit (FRPC) ;
iii. Fournir la preuve des progrès
réalisés dans le domaine politique, en matière de
sécurité et pour la consolidation du processus de paix dans le
pays.
C'est ainsi qu'en août 2005 le Burundi a réuni
les critères d'éligibilité à l'allègement de
la dette et a atteint le point de décision au titre de l'IPPTE
renforcée. En conséquence, les Conseils d'Administration du FMI
et de la BM ont approuvé, en sa faveur, une assistance au titre de
l'allègement de sa dette auprès des créanciers
multilatéraux et bilatéraux d'un montant s'élevant
à 826 millions de dollars (en VAN fin décembre 2004) sur une
période de 39 ans.
Si la dette reste jugée insoutenable après
application par les donateurs bilatéraux des traitements traditionnels,
le pays peut entamer une seconde phase de réformes. Arrivé au
point d'achèvement, le pays bénéficie d'un
allègement de la dette pour rendre celle-ci soutenable. Mais, l'atteinte
du point d'achèvement est sujette à certaines conditions.
Pour le Burundi en effet, prévue pour Avril 2008,
l'atteinte du point d'achèvement a été retardée
parce qu'à cette date le pays n'avait que partiellement
réalisé les progrès prévus par le cadre de
l'annulation de la dette.
49
Le rapport conjoint du FMI et de l'IDA (2009) indique que le
Burundi a fait des progrès notables pour réaliser les (9)
déclencheurs du point d'achèvement. L'atteinte par le Burundi du
point d'achèvement était subordonnée à la
réalisation des conditions suivantes :
i. Préparation d'un DSRP complet ainsi que son
exécution et son suivi pendant au moins un an ;
ii. Maintien de la stabilité macroéconomique et
d'une performance satisfaisante dans le cadre d'un programme soutenu par la
FRPC ;
iii. Utilisation des économies budgétaires
résultant de l'allègement intérimaire de la dette PPTE
conformément aux priorités identifiées au point de
décision et dans le DSRP;
iv. Renforcement de la gestion des dépenses
publiques;
v. Application des mesures de gouvernance liées
à la prestation des services du secteur public;
vi. Progrès satisfaisant dans l'exécution du
programme de démobilisation;
vii. Appel d'offres en vue de la vente des actions de
l'État dans la majorité des laveuses mécaniques du
café;
viii. Progrès satisfaisant dans la réalisation
des objectifs éducatifs et sanitaires; et
ix. Amélioration de la capacité de gestion de
la dette.
Les allègements sont répartis selon le principe
de partage équitable entre créanciers du fardeau de la dette.
Ainsi, les allègements de chaque créancier sont proportionnels
à leur part de créances.
Le tableau suivant montre la part des différents
créanciers du Burundi dans la remise de la dette extérieure
publique.
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Tableau n°2: La remise de la dette par
créanciers du Burundi
Créanciers du Burundi
|
Part de la remise
|
IDA
|
51,1%
|
Groupe de la Banque Mondiale
|
18,0%
|
FMI
|
3,4%
|
Autres Multilatéraux
|
12,3%
|
Bilatéraux Club de Paris
|
10,5%
|
Bilatéraux non Club de Paris
|
4,0%
|
Créanciers Commerciaux
|
0,7%
|
Source : IDA/FMI,
2009
Il ressort du tableau que l'IDA a remis une part importante de
la dette extérieure du Burundi, soit 51% de la dette totale.
L'une des innovations de l'IPPTE est que l'annulation de dette
va donc concerner aussi les dettes multilatérales, c'est à dire
provenant des institutions financières internationales (BM, FMI, BAD,
etc.).
51
4.2. Viabilité des ressources
PPTE
Pour l'exécution des dépenses budgétaires
dans le cadre de l'initiative PPTE, les ressources PPTE sont
déterminées chaque année en fonction de
l'allègement des dettes qui auraient dû être payées
aux différents créanciers s'il n'y avait pas eu
allègement. Ces ressources sont ainsi allouées à
l'intérieur de l'économie et donc réparties dans les
différents domaines en fonction des ministères.
En 2009, le Burundi a atteint le point d'achèvement et
a bénéficié, à ce titre, de l'allégement de
l'IPPTE. Ce supplément de ressources va permettre au pays de financer sa
croissance en général avec une attention particulière sur
la santé et l'éducation ; c'est dans cet ordre des idées
que certaines mesures comme la gratuité des soins pour les enfants de
moins de 5 ans et les femmes qui accouchent ont été prises dans
le domaine de la santé ainsi que la scolarisation gratuite à
l'école primaire (NSABIMANA et al., 2010).
Tableau n°3: Structure des dépenses PPTE
2009-2010
MINISTERES
|
2009
|
%
|
2010
|
%
|
VARIATION
|
Ministères
|
2 594 000 000
|
4,9%
|
1 159 575 164
|
11,7%
|
+6,8%
|
Généraux
|
|
|
|
|
|
Ministères sociaux
|
37 743 944 385
|
66,7%
|
57 875 467 223
|
58,6%
|
-8,1%
|
Ministères économiques
|
14 813 250 680
|
28,4%
|
39 597 918 357
|
40%
|
+11,6%
|
Total général
|
52 151 195 065
|
100%
|
98 632 960 744
|
100%
|
+52,8 de
|
|
|
|
|
|
2009
|
Source : Ministère des
Finances
En 2010, les dépenses PPTE se sont accrues par rapport
à 2009 avec la prépondérance des Ministères
sociaux. Toutefois, les Ministères à caractère
économique ont connu un progrès significatif entre 2009 et 2010,
passant de 28,1% à 40% alors que les Ministères sociaux ont connu
un recul.
52
Synthèse du second chapitre
Partant de sa genèse et en passant par son
évolution, nous avons montré la structure et l'évolution
de la dette publique du Burundi. Notons ici que la composition et la structure
de celle-ci ont évolué au fil des années mais restant
toutefois dominée par la dette publique extérieure. La dette
publique extérieure et intérieure représentent
respectivement 58,76 et 41,24 % en 1980 et 86,57 et 13,43% en 2005 de la dette
publique totale.
Le recours à divers indicateurs d'endettement
public nous a permis en outre de constater le caractère
quasi-insoutenable de la dette publique extérieure du Burundi avant
qu'il ait été éligible à l'IPPTE. En effet,
après avoir calculé et analysé les ratios de
liquidité et de solvabilité, il s'est avéré que
ceux-ci étaient au rouge si, du moins, on s'en tient aux seuils
fixés par les IBW (BM, FMI) en matière d'endettement
extérieur, et ceci représenterait (ou plutôt
représente déjà) par conséquent un (potentiel)
fardeau sur l'économie burundaise.
Enfin, le Burundi a été admis à
l'allègement de sa dette au titre de l'IPPTE et l'IADM. Au point de
décision, l'allègement de la dette extérieure
intérimaire en faveur du Burundi a été mise en oeuvre
depuis 2005 d'une part, et l'aboutissement au point d'achèvement ,en
2009, lui a permis de bénéficier d'annulation d'une partie
importante de sa dette de la part de ses créanciers, surtout
multilatéraux, d'autre part. La dette qui était à un
niveau insoutenable est devenue soutenable.
Après cette analyse descriptive de la dette
publique extérieure, il nous revient, dans le chapitre qui suit, de
recourir à une méthode empirique pour infirmer ou confirmer
l'hypothèse de départ. En effet, pour tirer des conclusions
fiables, l'on doit se baser sur une analyse empirique des données
statistiques, en y appliquant des méthodes statistiques et
économétriques bien connues car les chiffres absolus ne donnent
pas beaucoup de renseignements en matière d'endettement d'un pays,
encore moins, sur l'ampleur du fardeau de la dette sur une
économie.
53
CHAPITRE III : IMPACT DE LA DETTE PUBLIQUE EXTERIEURE
SUR LA CROISSANCE ECONOMIQUE AU BURUNDI : ANALYSE
EMPIRIQUE
L'impact de la dette extérieure sur la croissance
économique peut différer d'un pays à un autre compte tenu
de sa spécificité. En effet, comme le montrent les
résultats des travaux empiriques déjà cités au
premier chapitre, ils restent contradictoires quant à la nature de la
relation entre la dette extérieure et la croissance, selon le panel de
pays choisis et la période d'étude. L'objet de ce chapitre est
ainsi de mettre au point, à travers une analyse empirique, l'impact de
l'endettement public extérieur sur la croissance économique du
Burundi.
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