Section 4 : Dette et croissance : Une revue
sélective de la littérature empirique
L'analyse de la relation entre l'endettement public
extérieur et la croissance économique a fait l'objet de plusieurs
travaux empiriques parmi lesquels nous retenons les synthèses de
certains pour déterminer le cadre d'analyse du modèle de
croissance du Burundi.
Certains auteurs pensent que l'emprunt extérieur a un
effet positif sur la croissance jusqu'à un certain seuil; au-delà
de celui-ci, son effet devient négatif. Jusqu'à un certain seuil,
les emprunts supplémentaires accroissent la probabilité de
remboursement de la dette; au-delà de ce seuil, les chances que les
créanciers soient remboursés diminuent. Lorsque le pays commence
à avoir du mal à obtenir des prêts, il lui devient plus
difficile d'accumuler du capital, ce qui peut ralentir sa croissance. En bref,
il semble que les effets négatifs du surendettement ne se fassent sentir
que lorsqu'un certain seuil a été atteint.
C'est ainsi qu'une forte présomption s'est
développée, dans les années 1990, autour du lien entre les
taux excessifs d'endettement d'une part et, les faibles taux de croissance
ainsi que la détérioration du capital humain d'autre part, dans
les pays pauvres ; le niveau très élevé de la dette
extérieure de ces pays est alors indexé comme un handicap majeur
et la principale cause de leurs contreperformances économiques
(N'GARESSEUM, 2005).
Cette présomption a incité la recherche de
nouvelles approches et stratégies de traitement de la dette de
l'ensemble des PPTE et, la réalisation de nombreux travaux de recherche
sur la relation entre la dette extérieure et la croissance
économique. Toutes ces études effectuées soit sur un panel
de pays soit pris individuellement ont montré que l'endettement excessif
a un effet négatif sur le taux de croissance.
Sur le plan empirique, indique N'GARESSEUM (2005),
deux hypothèses sont généralement
vérifiées quant à l'effet de l'endettement public
extérieur sur la croissance:
La dette extérieure affecte la croissance
économique directement et négativement, en réduisant les
incitations à entreprendre des réformes structurelles et,
indirectement à travers ses effets sur l'investissement ;
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Le service de la dette extérieure affecte
négativement la croissance économique à travers ses effets
sur le volume et la structure des dépenses publiques et sur
l'investissement privé.
BORENSZTEIN (1990) a conclu par une
étude économétrique sur les données de la dette des
Philippines que l'encours et le ratio du service de la dette/exportations ont
globalement un effet inverse sur la formation du capital privé et
incitent l'endettement du pays.
ROUGIER (1994) trouve, toutefois, des
résultats contrastés au sein des pays africains. D'après
ses analyses économétriques, l'encours de la dette
rapporté au PIB exerce un effet dépressif sur la croissance en
Côte d'Ivoire, au Mali et au Tchad sur la période 1970-1991. En
revanche, l'effet est positif pour le Niger, Madagascar et le Kenya.
ADEDEJI (1991) a montré que
l'alourdissement continu de la dette extérieure et les paiements du
service de la dette constituent une menace pour le redressement
économique des pays de l'Afrique Subsaharienne. Les versements au titre
du service de la dette ont augmenté plus vite que les
décaissements réels. Ceci s'est traduit dans l'immédiat
par une forte chute des transferts financiers vers l'Afrique Noire. En effet,
la forte chute des transferts financiers vers l'Afrique et l'insuffisance de
l'épargne intérieure, au niveau continental, constituent des
effets contraires à la croissance et au développement
économique.
YAPO (2001) trouve dans une étude
empirique que le taux de croissance du PIB évolue dans le sens contraire
de l'endettement en Côte d'Ivoire. Donc, un taux de croissance
économique assez élevé réduit les
opportunités d'endettement ; ce qui l'amène à la
conclusion selon laquelle les performances macro-économiques ont
tendance à limiter dans une certaine proportion les contraintes
liées aux besoins en capitaux extérieurs.
SAMBA et MOULEMVO (2005),quant à eux,
au terme de leur étude relative à la dette publique
extérieure et à son service, comme facteurs d'aggravation de la
crise dans les pays de la CEMAC, dont le Cameroun et le Congo Brazzaville, il
ressort nettement que le poids de la dette et son service constituent un
obstacle majeur au développement économique
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durable, car leur modèle leur a permis d'établir
un effet négatif de la dette vis-à-vis des investissements
publics tant dans le cas du Cameroun que celui du Congo Brazzaville.
L'analyse empirique effectuée par CLEMENTS
et al. (2003) portait sur un échantillon de 55 pays
à bas revenu (dont le Burundi) éligibles à une FRPC, sur
la période 1970-99. Leur recherche examinait les canaux par lesquels la
dette externe affecte la croissance. Leurs résultats suggèrent en
effet que la réduction substantielle du stock de la dette
extérieure projeté pour les PPTE augmenterait directement la
croissance du revenu par tête approximé à 1% par an. En
outre, la réduction du service de la dette pourrait également
booster indirectement la croissance à travers ses effets sur
investissement public.
ELBADAWI et al. (1996) ont
confirmé l'effet du surendettement sur la croissance économique
au niveau de 99 PED et ont tenté d'identifier le canal par lequel
l'endettement agit négativement sur la croissance. Pour cela, ils ont
identifié trois canaux de transmission des impacts de la dette sur la
croissance. Il s'agit de l'effet de la dette sur la croissance, l'effet de la
dette sur la liquidité en raison de la ponction due sur le service de la
dette et enfin l'effet de la dette (de manière indirecte) sur les
dépenses du secteur public et des déficits. L'étude a
conclu que c'est l'accumulation de la dette qui a un impact négatif sur
la croissance.
OSEI (2000) se focalise sur les implications
de l'endettement extérieur sur la croissance économique au Ghana.
L'étude essaie d'assurer une meilleure compréhension du
problème de la dette extérieure du Ghana pour permettre la
recherche de mesures adéquates et efficaces relatives à sa
solution. L'analyse porte sur la période 1983-1990, période au
cours de laquelle le Ghana a poursuivi un programme de redressement
économique et a adopté un programme d'ajustement structurel
approuvé par le FMI. Utilisant divers indicateurs du poids de la dette
extérieure, l'auteur met l'accent particulièrement sur deux
d'entre eux, à savoir le ratio du service de la dette et le ratio
dette/PNB. La recherche conclut que la dette est l'un des facteurs qui
entravent la croissance rapide de l'économie ghanéenne. Pour
continuer à assurer le service de sa dette, le Ghana a besoin de
poursuivre les programmes d'expansion des exportations afin d'élargir la
base de ses exportations non traditionnelles, et d'adopter des mesures en vue
d'accroître son épargne intérieure.
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BURUNGI et ATINGI (2000) ont analysé
le problème de la dette extérieure de l'Ouganda et ses
implications sur la croissance durable. Ils examinent l'étendue de la
dette extérieure de l'Ouganda, évaluent de manière
empirique les facteurs internes et externes qui influencent son accumulation et
la capacité du pays à assumer son service ainsi que sa
«soutenabilité». Un effort particulier est fait pour
établir un lien entre la dette et la croissance économique. Les
principales conclusions décèlent l'acuité de l'obligation
du pays en matière de service de la dette et le fait qu'une large
proportion de la dette de l'Ouganda n'est pas éligible au
rééchelonnement.
Les remboursements de la dette ont été
identifiés comme étant la cause fondamentale de la lenteur de la
croissance économique. L'allègement de la dette n'est pas
suffisant, et un engagement continu du gouvernement en faveur des reformes
structurelles et d'une bonne gestion de la dette est indispensable.
Dans la recherche du lien entre dette et croissance,
PATILLO et al. (2002) ont produit une étude
très intéressante sur la question. Ils partent de l'affirmation
de la théorie économique qui estime que l'emprunt contenu dans
les limites raisonnables peut aider les PED à affermir leur
croissance.
Pour ces auteurs, les économies qui en sont au stade
initial de leur développement disposent d'un stock de capital
limité et offrent des possibilités d'investissement plus
rentables que les économies matures. Aussi longtemps qu'elles emploient
les capitaux empruntés pour financer des investissements productifs et
échappent à certains maux (instabilité
macroéconomique, chocs de grande ampleur), leur croissance devrait
s'accélérer et leur permettre de rembourser à
l'échéance les dettes contractées. Cela reste vrai dans le
cadre des théories fondées sur l'hypothèse, plus
réaliste, que les pays ne sont pas toujours en mesure d'emprunter
à leur gré, car le marché craint qu'ils ne
répudient leurs dettes. Il se pose la question de savoir pourquoi
l'accumulation de lourdes dettes freinent-elles la croissance?
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La réponse à cette question est contenue dans
les théories du «surendettement» qui estiment que si l'on peut
penser que la dette future dépassera les capacités de
remboursement des pays débiteurs, le coût de son service
découragera les investissements intérieurs et extérieurs,
pénalisant ainsi la croissance. En effet, craignant que la production
soit taxée au fur et à mesure par les créanciers au titre
du service de la dette, les investisseurs potentiels hésiteront à
supporter des coûts immédiats pour accroître la production
à venir. En d'autres termes, plus l'encours de la dette est
élevé, plus la probabilité de son remboursement devient
faible. Leur étude a dégagé le résultat suivant: la
dette a une relation en forme de courbe en U renversée avec la
croissance (courbe de LAFFER).
Dans une étude complémentaire, PATILLO
et al. (2004) ont amélioré leur modèle
de la croissance à un groupe de 61 PED (y compris le Burundi) durant la
période 1969-98 et constatent que le doublement du niveau moyen de leur
dette extérieure a pour effet de réduire de près d'un
point la croissance tant du capital physique par habitant que de la
productivité totale des facteurs. En d'autres termes, si l'encours de la
dette est élevé, il pèse sur la croissance en ralentissant
aussi bien l'accumulation du capital que la progression de la
productivité totale des facteurs.
Toutes ces études nous montrent que la dette
extérieure n'a pas toujours été bénéfique au
développement économique des PED plus particulièrement
ceux de l'Afrique subsaharienne.
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Synthèse du premier
chapitre
Après une brève introduction qui nous
indique que le problème de l'endettement ne peut surgir que dans un pays
ne disposant pas de ressources financières suffisantes pour assurer son
développement ou combler le déficit budgétaire, ce premier
chapitre apporte la lumière sur ce qu'est la notion de la dette
publique, celle de la dette publique extérieure et la notion de
soutenabilité de la dette publique . Il est également question de
déceler les enjeux et les mobiles qui seraient à l'origine de
l'endettement public.
En outre, la relation théorique entre la dette
publique et la croissance économique fait l'objet et constitue
même la pierre angulaire de notre thème. Certes, cette relation ne
fait pas l'unanimité des auteurs et des divergences surgissent quant aux
effets de la dette publique sur la croissance économique en
témoignent les résultats empiriques contrastés qui
diffèrent d'un pays à un autre, d'un panel de pays à un
autre et/ou d'une période à l'autre.
Dans l'esprit de résoudre (au moins partiellement)
le problème lié au surendettement des pays pauvres très
endettés, la communauté des bailleurs a initié, sous la
pression des ONG internationales, un cadre d'allégement de la dette
publique bilatérale et, pour la première fois, la dette publique
multilatérale. En revanche, l'éligibilité d'un PPTE
à l'Initiative était sujette à des conditionnalités
plus dures dans l'IPPTE initiale de 1996 et plus ou moins assouplies dans
l'Initiative renforcée de 1999.
Une analyse descriptive de la dette publique,
particulièrement la dette publique extérieure du Burundi,
constitue le chapitre suivant.
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CHAPITRE II : ANALYSE DESCRIPTIVE DE LA DETTE
PUBLIQUE EXTERIEURE AU BURUNDI
Ce chapitre se focalise sur l'analyse descriptive de
l'évolution de l'endettement public extérieur et son incidence
sur les performances économiques du Burundi. Il est en outre question de
présenter succinctement les mécanismes d'allégement de la
dette dans le cadre de l'IPPTE.
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