Section 3 : Les mobiles de l'endettement
extérieur
L'équilibre du budget est réalisé lorsque
les dépenses publiques sont adaptées aux recettes de l'Etat de
sorte qu'il y ait une stricte égalité entre elles. Toutefois,
l'équilibre budgétaire n'est pas toujours une condition pour
garantir l'efficacité économique. En cas de
déséquilibre entre les recettes et les dépenses (celles-ci
étant supérieures aux recettes), le budget est déficitaire
et son financement peut être d'origine interne et / ou externe à
l'économie considérée.
Dans la littérature, l'endettement est lié
à un déséquilibre. Suivant les cas, il peut s'agir de
l'insuffisance de l'épargne domestique pour financer l'investissement,
des recettes budgétaires pour couvrir les dépenses publiques
ainsi que le caractère déficitaire des flux entre le pays et le
reste du monde.
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3.1. Le déséquilibre
« Epargne-Investissement » et le
déficit courant
La dette publique peut résulter de l'insuffisance de
l'épargne intérieure pour financer les investissements. Elle est
donc la conséquence d'un déséquilibre
Epargne-Investissement qui traduit un besoin de financement.
Partant de l'identité comptable de KEYNES, l'endettement
public découle du déséquilibre interne des variables
macroéconomiques notamment l'offre et la demande. En effet, il est
prouvé que :
(1), avec :
: Importations ;
PIB : Produit Intérieur Brut ;
M
X : Exportations ;
C : Consommation ;
I : Investissement.
En déduisant l'expression de l'investissement de
l'équation (1), on a :
(2), avec :
(PIB-C) désigne l'épargne intérieure tandis
que (M-X) représente l'épargne extérieure. La relation (2)
montre que si la balance des transactions sur les biens et services est
déficitaire, l'épargne intérieure n'est pas suffisante
pour financer l'investissement. Dans ce cas, il faut recourir à
l'épargne d'origine extérieure.
La réécriture de la relation (2) donne la nouvelle
relation suivante :
(3)
Avec cette nouvelle relation, il apparaît que si le
PIB est inférieur à la dépense intérieure
(C+I), alors l'écart doit être compensé
l'épargne extérieure (M-X), représentant
l'endettement public extérieur. Cela veut dire tout simplement que tout
pays qui veut vivre au dessus de ses moyens doit faire recours à la
dette extérieure.
Il convient enfin de signaler que le recours à
l'épargne extérieure (accumulation de la dette extérieure)
correspond un déficit de compte courant. Si le déficit courant
provient d'un niveau d'investissement élevé, l'emprunt peut
permettre au pays de booster sa croissance économique.
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3.2. L'endettement public et croissance
économique
Pour financer son déficit, l'Etat peut soit recourir
aux excédents budgétaires réalisés dans le
passé, soit contracter un emprunt. La dette de l'État se
définit donc comme l'ensemble des emprunts effectués par
l'État, dont l'encours (montant total des emprunts) résulte de
l'accumulation des déficits de l'État.
Par ailleurs, MANKIW (2003) indique que le déficit
budgétaire est un flux, c'est-à-dire une grandeur
économique mesurée au cours d'une période donnée
(ex : un an), alors que la dette est un stock, à savoir une grandeur
économique mesurée à un moment donné.
Ces deux notions, bien que différentes, sont intimement
liées. En effet, le flux du déficit budgétaire vient
alimenter l'encours de la dette, qui en retour agit sur le niveau de
déficit par l'augmentation des intérêts versés, qui
sont une charge (dépense) budgétaire.
La dette publique de l'année présente n'est que
la résultante de l'encours de la dette de l'année
antérieure et du solde budgétaire présentement
réalisé. Deux cas peuvent donc s'observer :
? La dette diminue, d'une année à l'autre, si le
solde budgétaire est en excédent, cela
nous conduit à conclure que l'excédent
budgétaire permet de réduire la dette ;
? Si, au contraire, le solde budgétaire traduit un
déficit, la dette augmente. Le déficit budgétaire de
l'année s'ajoute par conséquent à la dette publique du
passé. La dette est ainsi le produit de l'accumulation des
déficits budgétaires du passé.
Or, le solde budgétaire peut s'analyser en deux
composantes. Il s'agit en premier lieu du solde primaire qui est la
différence entre les recettes de l'année et les dépenses
de l'année hors paiement des intérêts sur la dette et s'il
s'avère que ce solde est négatif, on parle dans ce cas de
déficit primaire. S'il est excédentaire, on est en
présence d'un excédent primaire. Le paiement des
intérêts dus sur la dette publique passée et que
l'État doit rembourser l'année en cours constitue l'autre
composante.
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Si on note SBt le solde
budgétaire, SPt le solde primaire, puis en
désignant par Dt-1 et Dt
la dette de l'année t-1 et
l'année t respectivement, le solde
budgétaire est donné par la relation suivante : SBt =
SPt-(r*Dt-1) où r est le taux
d'intérêt. La dette de l'année en cours sera quant à
elle donnée par : Dt = Dt-1-SBt. Ces deux
relations permettent de calculer l'encours de la dette à la
période t, soit Dt =
(1+r)*Dt-1-SPt
Cette équation nous permet de constater que la dette
publique dépend non seulement de l'importance de la dette passée,
des taux d'intérêts mais aussi du solde primaire.
Plus les taux d'intérêt seront
élevés, et plus la dette passée sera grande, plus l'Etat
devra dégager un important excédent de son solde primaire, s'il
souhaite diminuer la dette publique. Cela signifie qu'il ne suffit pas à
un Etat d'avoir un solde primaire en équilibre pour stabiliser sa dette,
il lui faut aussi payer les intérêts sur sa dette passée et
ces intérêts seront d'autant plus élevés que la
dette passée est importante et que les taux d'intérêt sont
forts.
Pour que la dette soit stable, il faut donc que le solde
primaire couvre au moins le remboursement du service de la dette (capital et
intérêts). Si la dette passée est très grande, ou si
les taux d'intérêt sont très élevés, l'Etat,
qui doit payer de lourds intérêts, peut ne pas y parvenir : la
dette va alors croître d'année en année à la
façon d'une « boule de neige ». La partie de la dette
passée que l'Etat ne peut plus rembourser faute de ressources propres
suffisantes le sera probablement en recourant un nouvel emprunt, ce qui
augmentera d'autant la dette passée, voire le taux
d'intérêt moyen.
Toutefois, malgré les développements ci-haut sur
les explications de la dette, il existe des controverses théoriques
remarquables sur la relation dette-croissance. Plusieurs théories ont
été développées sur l'endettement d'un pays. Elles
vont de la perception même de l'emprunt public à la
capacité d'endettement d'un pays. L'endettement public n'a jamais fait
l'unanimité chez les économistes. Sa perception varie selon les
écoles de pensée. C'est ainsi que certains économistes
pensent que la dette peut être nécessaire et même efficace
pour le développement d'un pays alors que d'autres rejettent
systématiquement l'emprunt public et pensent que tout emprunt public ne
peut qu'être nuisible pour les agents économiques.
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En effet, les keynésiens pensent que l'endettement
n'occasionne des charges ni pour les générations futures ni pour
des générations présentes du fait des investissements
qu'il génère. Un déficit budgétaire justifié
et maîtrisé peut être un facteur de relance
économique, de lutte contre le chômage: stimulation de la demande
et/ou de la consommation globale (infrastructures), qui par le biais de l'effet
multiplicateur, sont capables de promouvoir une croissance durable. Dans cette
approche, l'endettement public favorise la relance de la demande qui, par son
effet accélérateur, entraîne une augmentation plus que
proportionnelle de l'investissement qui provoque à son tour une hausse
de la production, permettant ainsi de créer les emplois et de lutter
contre la pauvreté. Selon cette approche, en effet, les capitaux
étrangers fournissent un complément d'épargne et de
devises, permettant ainsi d'investir pour accélérer la croissance
des économies bénéficiaires.
Cependant, le poids de la dette qui en résulte peut
remettre en cause cet enchaînement vertueux. Un service de la dette
extérieure très élevé oblige le secteur public
à restreindre ses investissements, à défaut de ressources.
Par ailleurs, le paiement du service de la dette absorbe les ressources qui
auraient pu être consacrées aux programmes d'investissements
indispensables à la croissance.
C'est pour cette raison que les classiques considèrent
l'endettement comme un impôt futur et l'imputent à l'Etat, une
connotation négative car selon eux, l'endettement public
défavorise l'accumulation du capital et la consommation des
générations présentes et futures. Selon RICARDO, les
agents économiques voient dans l'emprunt un impôt
différé dans le temps et vont se comporter comme s'ils sont
contraints de payer un impôt ultérieurement pour rembourser cet
emprunt peu importe le décalage intergénérationnel.
Théoriquement, la dette extérieure peut
favoriser l'accumulation du capital physique et donc accélérer la
croissance économique. Aussi longtemps que les emprunts
extérieurs sont investis dans des secteurs productifs, dans un
environnement économique stable, sans distorsions des prix et sans chocs
extérieurs, ils permettent d'accélérer la croissance et
d'assurer, à l'échéance, les remboursements.
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