1.2. Financement et créditeurs étrangers
La plupart des pays qui ont contracté des
crédits extérieurs ont le plus souvent connu de sérieuses
difficultés pour les rembourser. L'option fréquente est celle des
renégociations sur les modalités de remboursement et des
rééchelonnements auprès des comités consultatifs de
la dette publique. Les plus connus sont le Club de Paris, le Club de Londres et
les IFI.
1.2.1. Le Club de Paris
C'est un groupe informel de gouvernements créanciers se
réunissant régulièrement à Paris depuis 1956, le
secrétariat étant assuré par le Trésor
français. Les créanciers rencontrent les pays débiteurs
afin de convenir avec eux des mesures de restructuration de leur dette, mesures
qui entrent dans le cadre de l'aide internationale accordée aux pays
confrontés à des difficultés de service de leur dette
mettant en oeuvre des programmes d'ajustement soutenu par un accord du FMI.
1.2.2. Le Club de Londres
C'est un comité consultatif négociant la dette
privée des PVD pour le compte des banques commerciales et qui ne se
réunit pas forcement à Londres. C'est un groupe informel de
créanciers bancaires privés, qui s'est structuré au cours
des années 70 sur le modèle du Club de Paris, pour
renégocier les créances qu'ils détiennent sur les Etats et
les entreprises des PED. Les rencontres se font à l'initiative du
débiteur, lesquelles se font dans différents centres de finance
internationale. Le Club n'existe que pendant les négociations. La
présidence des négociations s'effectue par une importante
institution financière, alors que le comité est composé de
membres représentant les différents débiteurs, que ce soit
des banques ou des fonds d'investissement (surtout s'ils détiennent des
obligations financières).
10
1.2.3. Les Institutions Financières
Internationales
Les IFI sont des institutions multilatérales auxquelles
adhèrent des Etats dans le but d'harmoniser les relations
financières internationales. Elles regroupent le FMI, la BM, ainsi que
les banques et les fonds régionaux de développement (Banque
Africaine de Développement (BAD), Banque Asiatique de
Développement, Banque Européenne pour la Reconstruction et le
Développement, la Banque de Développement des États de
l'Afrique Centrale...). La BM et le FMI forment le noyau dur des IFI.
A la base de toute théorie d'endettement, le point
focal est toujours constitué par la capacité de remboursement du
pays débiteur ainsi que son seuil d'endettement supportable.
1.3. Soutenabilité de la dette
Que l'on raisonne en termes de solvabilité ou
soutenabilité, les conditions financières des emprunts
contractés pour un PED jouent un rôle majeur dans la
problématique de l'endettement. Le remboursement de la dette est
analysé comme le résultat d'une volonté de payer
correspondant à la maximisation de son intérêt par le
débiteur, en l'absence de toute possibilité de saisie de garantie
par le créancier.
1.3.1. Notion de soutenabilité de la dette
publique
Le concept de soutenabilité se définit
ordinairement par le fait qu'à long terme un rapport jugé
pertinent entre la dette et un flux de ressources (recettes publiques,
exportations, PIB, etc.) reste stable. La notion de soutenabilité est
difficile à mettre en oeuvre sur le plan empirique, et
particulièrement dans le cas des pays les plus pauvres pour lesquels les
durées de remboursement sont particulièrement longues (MOISSERON
et RAFFINOT, 1999).
La soutenabilité de la dette suppose à la fois que
l'État soit considéré comme :
? liquide, c'est-à-dire qu'il
soit en mesure de refinancer la dette venant à échéance
;
? solvable, c'est-à-dire que
les créanciers aient un jugement positif sur sa capacité à
rembourser sa dette sur le long terme.
11
Ces éléments reposent largement sur la confiance
des créanciers et la crédibilité des autorités.
D'après le FMI(2003), « la dette d'un pays est
soutenable lorsqu'il peut financer le solde de la balance des opérations
courantes et assurer les obligations du service de la dette sans faillir, sans
solliciter le rééchelonnement, sans accumuler les
arriérés et enfin sans compromettre la croissance pour arriver
à cette fin, il faut s'assurer que les ratios d'endettement ne vont pas
connaître une tendance explosive à long terme.»
La question de la soutenabilité d'une dette publique
doit donc s'inscrire dans un cadre dynamique en prenant en compte non seulement
le solde budgétaire mais aussi la vigueur de la croissance et le niveau
des taux d'intérêts.
1.3.2. Contrainte de liquidité et
solvabilité de l'Etat
L'analyse de la solvabilité d'un Etat s'inscrit dans un
cadre juridique différent de l'approche suivie pour une entité
privée, pour laquelle il est possible de liquider les actifs
détenus dans le cadre d'une procédure de faillite.
L'absence de telles procédures pour les Etats
souverains repose sur le principe de l'intangibilité de l'Etat et sur
l'insaisissabilité des avoirs publics. Un Etat est néanmoins
contraint de respecter un équilibre budgétaire inter-temporel,
dans la mesure où les créanciers n'acceptent pas de
détenir indéfiniment sa dette publique, et donc il ne peut
s'endetter perpétuellement.
La contrainte budgétaire inter-temporelle peut se
comprendre comme un sentier d'équilibre de la dette, reliant le taux
d'intérêt et le taux de croissance de l'économie à
long terme avec les excédents primaires futurs actualisés. Deux
variables apparaissent donc essentielles :
L'excédent primaire, qui permet à un État
de dégager les ressources pour faire face aux échéances de
remboursement d'une part ;
Le taux d'intérêt qui représente la charge
financière pesant sur la dette d'autre part.
12
Un Etat doit continuellement refinancer sa dette venant
à échéance et peut donc faire face à une crise de
liquidité si ce refinancement n'est pas assuré. Une crise de
liquidité survient lorsque les actifs immédiatement disponibles
ne permettent pas de couvrir le service de la dette ; elle peut intervenir sans
que sa solvabilité soit remise en cause.
La solvabilité est une notion dont la dynamique est mal
prise en compte dans un environnement incertain. Un Etat solvable à une
période donnée peut devenir insolvable à la suite de
chocs. Dès lors, il est courant d'évoquer la soutenabilité
de la politique budgétaire et, par extension, la soutenabilité de
la dette publique.
1.3.3. Evaluation de la soutenabilité de la
dette publique
La notion de soutenabilité de la dette publique
représente une question cruciale pour l'ensemble des Etats
émergents et des Etats à bas revenus, elle demeure relativement
difficile à cerner, tant que les approches et les définitions
dont elle fait l'objet diffèrent. Le FMI définit la
soutenabilité comme « la capacité à faire face
à une contrainte budgétaire, en dehors de toute modification
majeure des recettes ou des dépenses publiques, et à un
coût de financement sur le marché donné».
D'une manière générale, la gestion des
finances publiques d'un pays est soutenable si, d'une part, les déficits
budgétaires sont financés par des ressources non inflationnistes
et n'obligent pas l'Etat à recourir à des financements
exceptionnels pour combler et si, d'autre part, le gouvernement peut
s'acquitter intégralement de ses obligations actuelles et futures au
titre du service de sa dette publique (intérieure et extérieure),
sans recourir à des rééchelonnements, ni accumuler des
arriérés de paiements et sans compromettre sa croissance.
Dans le cadre de l'IPPTE, les IBW ont défini les seuils
pour les indicateurs afin de définir de façon chiffrée la
notion de soutenabilité de l'endettement extérieur d'un pays. Ces
ratios étaient placés assez haut dans le cadre de l'initiative
initiale (1996), ce qui explique en partie le fait que sept pays1
(sur 41 éligibles et dont 33 en Afrique subsaharienne)
1 La Bolivie, la Guyane, le Mozambique, l'Ouganda, le
Burkina Faso, le Mali et la Côte d'Ivoire.
13
seulement aient pu bénéficier de celle-ci avant
que la campagne internationale de la société civile n'obtienne
l'abaissement des seuils en 1999.
Dans l'IPPTE renforcée, la procédure a
été sensiblement simplifiée. La dette est
déclarée insoutenable si, au point de décision, un des
ratios sélectionnés est supérieur aux seuils
prédéterminés. La dette « excédentaire »
est alors annulée en plusieurs étapes. Trois ratios sont pris en
considération, dont deux utilisent la VAN pour tenir compte de la
différence de poids des prêts, et permet ainsi de juger du
caractère équitable du partage du fardeau entre
créanciers.
La VAN d'une dette est une mesure du degré de
concessionnalité de celle-ci. Pour PERRIN et al. (2005), elle
se définit comme la somme actualisée au taux de marché
approprié des annuités (intérêt et principal)
restant à courir sur une dette existante. Ainsi, dès lors que le
taux d'intérêt appliqué à un prêt est
inférieur au taux de marché, la VAN de celui-ci est
inférieur à sa valeur nominale.
Tableau n°1 : Critères de
soutenabilité de la dette extérieure
INDICATEURS
|
Initiative PPTE originale
|
Initiative PPTE renforcée
|
Stock de la dette (VAN)/Exportations
|
<200-250%
|
<150%
|
Service de la dette/Exportations
|
<20-25%
|
<15%
|
Stock de la dette (VAN)/Recettes budgétaires
|
<280%
|
<250%
|
Source : BOUGOUIN et RAFFINOT (2002)
Un pays voulant un endettement soutenable doit répondre
à ces trois conditions:
? Stock de la dette (en VAN) / exportations
: Il évalue, pour une année donnée, le poids
relatif de la dette totale du pays par rapport au montant de ses exportations
en valeur de cette même année. Ce ratio devrait être compris
entre 200 et 250% (PPTE originale) et inferieur à 150% (PPTE
renforcée) pour que la dette soit soutenable.
14
? Service de la dette / exportations
: Il évalue, pour une année donnée, le poids
relatif de ce que doit rembourser le pays par rapport au montant de ses
exportations en valeur de cette même année. Pour un endettement
soutenable, le pays devrait présenter un ratio compris entre 20 et
25%(PPTE originale) et inferieur à 15% (PPTE renforcée).
? Stock de la dette(en VAN) / Recettes
budgétaires : Il évalue pour une année
donnée le poids relatif de la dette totale du pays par rapport aux
recettes budgétaires qu'il est à mesure de mobiliser cette
même année. Le seuil de soutenabilité a été
fixé à 280% pour l'IPPTE initiale et à 250% pour l'IPPTE
renforcée pour que sa dette soit réputée de soutenable.
Toutefois, le fait de retenir des ratios est très
discutable, surtout lorsqu'ils sont calculés pour une année
donnée. Aussi le sait-on, c'est la dynamique d'évolution de la
dette qui importe. Pour les IBW, la justification de cette méthode est
purement empirique car au-delà de ces seuils, on constaterait,
historiquement, que les pays ont rencontré des difficultés de
remboursement (FMI, 2002).
L'examen du Département de l'évaluation des
opérations de la BM (OED, 2003) conclut que le principal indicateur
utilisé dans le cadre de l'Initiative, le ratio VAN de la dette aux
exportations, sans être parfait, est opérationnellement
préférable aux autres pour des raisons d'ordre pratique.
Par le biais de ces trois indicateurs, les créanciers
évaluent, d'une part, la capacité du pays à dégager
les ressources nécessaires au remboursement de sa dette
extérieure et, d'autre part, le poids que ces remboursements fait peser
sur la capacité financière de l'État. Autrement dit, la
soutenabilité de la dette correspond au fait que les finances publiques
puissent rester solvables, c'est-à-dire conserver un niveau de dette qui
sera couvert à l'avenir par des surplus budgétaires (hausse des
prélèvements ou baisse des dépenses)
nécessaires.
15
|