Section 4 : Gouvernance et échanges de bloc
4.1 Protection légale et monitoring
La majorité des études sur les opérations
de prises de contrôle concluent que les firmes cibles ont une
propriété dispersée et n'ont pas de barrière
à l'OPA (offre public d'achat), de ce fait, les actions et leurs droits
de vote sont librement transférés. [Voir Grossman et Hart,
1980].
En réalité, dans la plupart des firmes
cotées et particulièrement dans les pays non anglo-saxons, une
part significative du contrôle de ces entreprises est concentrée
dans les mains d'un actionnaire principal [La Porta et al, 1999 et Barca et
Becht, 2001].24 De telle façon, un acquéreur potentiel
ne peut détenir le contrôle de la firme que si l'actionnaire
dominant autorise la vente d'une part ou la totalité de ses titres via
une transaction de bloc.
La relation entre le détenteur du bloc et le manager
est bien mise en évidence dans la théorie de gouvernance. Ainsi,
plus est large le bloc, plus son acquéreur a intérêt
à contrôler pour forcer le manager à lui verser plus de
dividendes. Toutefois, la relation entre l'intensité du monitoring et la
loi dépend particulièrement de la réglementation
envisagée dans les différentes places financières.
En effet, en supposant que les bénéfices
privés sont transférables, un détenteur du bloc d'actions
peut protéger l'intérêt de l'ensemble des actionnaires ou
aussi défendre ses propres intérêts en choisissant
d'être en bonne relation avec le manager.
Notant que les larges actionnaires travaillent uniquement pour
leurs propres intérêts, et par conséquent contre la loi
protégeant tous les actionnaires, le monitoring dans cette situation est
supposé comme étant une pure activité de recherche des
bénéfices privés par les détenteurs de blocs. Dans
le cas d'une collusion entre le détenteur du bloc et le manager au
détriment des petits porteurs, la relation reste identique au cas de non
transfert des bénéfices privés.
Par ailleurs, une telle modification pour la structure de
contrôle de l'entreprise peut avoir des effets importants sur les
différents intervenants notamment en présence d'une protection
juri-
24 Aux Etats-Unis comme au Japon,
les minoritaires n'ont pas accès aux conditions de prix du transfert de
bloc, les transferts de contrôle sont régis par la loi de
marché.
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Transactions de bloc, évaluation et impacts sur les
prix
dique des actionnaires minoritaires telle que celui de la
garantie de cours (le cas adopté en France). 25
4.2 Transfert des bénéfices privés
à travers la prime de contrôle de bloc d'action
Le prix d'un titre dans un bloc négocié est
généralement supérieur au prix d'un titre
négociée sur le flottant. Cette différence
représente la prime de contrôle revenant à
l'acquéreur du bloc. Plusieurs recherches s'accordent sur le fait que la
valeur du contrôle est expliquée en grande partie par les
bénéfices privés offertes uniquement aux actionnaires de
contrôle [Jensen et Meckling, 1976 ; Barclay et Holderness, 1989 ;
Zwiebel, 1995 ; Dyck et Zingales, 2000].
La détention d'un bloc d'actions offre une valeur qui
dépasse le prix financier du titre. Dans ce sens, plusieurs
études ont été menée pour montrer que les blocs
sont généralement cédés majorés par une
prime payée aux cédants [voir Barclay et Holderness, 1989 ; Dyck
et Zingales, 2004 ; Nicodano et Sembenelli, 2004], cette prime est
calculée par la différence entre le prix payé par
l'acquéreur pour la détention du bloc et le cours de
référence cotée avant ou après
l'opération.
[Grossman et Hart, 1988 ; Barclay et Holderness, 1989 ;
Bebchuk, 1994 et Zwiebel, 1995] montrent que l'existence de
bénéfices privés explique la prime payée au vendeur
lors des transferts négociés de blocs d'actions des
sociétés cotées.
Toutefois, lorsqu'un échange de bloc est
déclaré, le cours l'action peut varier en augmentant ou en
diminuant à cause des prévisions des investisseurs quant aux
changements espérés au niveau de la gestion et à
l'évolution de la valeur de l'entreprise.
Ainsi, la réaction du marché autour de
l'échange de bloc reflète les bénéfices
partagés du contrôle, ainsi que la prime payée pour le bloc
échangé représente la valeur que l'acquéreur du
bloc attribue au contrôle (les bénéfices privés du
contrôle). De plus, le choix du prix post-déclaration est
expliqué par le fait que la différence entre le cours d'achat du
bloc et le cours de l'action coté après la déclaration de
l'opération est plus informative sur les bénéfices
privés du contrôle [Barclay et Holderness, 1989].
25 Le législateur français contraint
les acquéreurs de blocs de contrôle de faire participer les
actionnaires minoritaires à la transaction en leur proposant une offre
publique d'achat simplifiée par voie de garantie de cours, par laquelle
il s'engage à acquérir toutes les actions qui lui seront
apportées.
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Transactions de bloc, évaluation et impacts sur les
prix
[Barclay et Holderness, 1989] étaient les premiers
chercheurs qui ont étudié l'ampleur des bénéfices
privés à travers la prime payée dans les larges
échanges.
Pour un échantillon de 63 échanges de blocs
d'actions des entreprises américaines pendant la période
1978-1982, les auteurs trouvent que le prix de la transaction de bloc
dépasse en moyenne le cours post-opération de 20,4% , soit 13,1%
du prix d'achat du bloc et 4,3% de la valeur boursière de la cible. Dans
ce sens, [Nicodano et Sembenelli, 2004] montrent que cette mesure conduit
à sous-évaluer la valeur concrète des
bénéfices privés à moins que la transaction de bloc
porte au moins 51% des droits de vote de l'entreprise. Donc, la méthode
d'estimation des bénéfices privés établie par
Barclay et Holderness n'est opérationnelle que si le bloc
transféré accorde le contrôle à son
acquéreur.
4.3 La concentration du pouvoir et les
bénéfices privés du contrôle
Les avantages de contrôle des possesseurs de blocs
d'actions sont doubles : premièrement, ils détiennent une
proportion importante des votes. Ceci est traduit par une plus grande autonomie
au niveau de la prise de la décision dans l'entreprise.
Deuxièmement, en considérant leurs droits aux flux financiers,
ces propriétaires sont plus encouragés à augmenter la
valeur de la firme.
Du côté de blockholder, deux types de gains
expliquent et justifient l'acquisition d'un bloc de contrôle : des gains
communs (shared benefits of control) et des gains privés (private
benefits of control). Dans ce cadre, [Barclay & Holderness, 1992] montrent
que les détenteurs de blocs peuvent amplifier la performance de la firme
et parallèlement et de dégager des bénéfices
privés du contrôle.
[Shleifer et Vishny, 1997] expliquent qu'en dépassant
un certain seuil de participation, les larges actionnaires (majoritaires)
possèdent pratiquement le contrôle autoritaire de l'entreprise et
ont par conséquent excessivement de pouvoir pour dégager des
bénéfices privés non partagés avec les actionnaires
minoritaires.
La notion de bénéfices privés est
associée particulièrement à la concentration du pouvoir
par un ou plusieurs actionnaires dominants. Ainsi, [Dyck et Zingales, 2001]
analysent les bénéfices privés du contrôle et les
définissent comme les avantages, monétaires ou non,
réservés strictement aux actionnaires de contrôle. Selon
[Johnson et al. , 2000], le contrôle permet un transfert souple de
ressources de l'entreprise aux actionnaires dominants. La prise en main
avantagée d'une part importante du cash-flow économique par
ceux-ci est la déclaration d'un conflit avec des actionnaires
extérieurs qui souffrent d'une expropriation.
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