II.2- Les types de recours aux soins en cas de
paludisme
Selon Picheral, [1984] le recours aux soins est «
l'expression et la manifestation de la morbidité ressentie et/ou
diagnostiquée qui se traduit par une consommation médicale
». Dans notre zone d'étude, il ressort de nos enquêtes que
les populations utilisent plusieurs types de recours pour le même
épisode morbide palustre.
Le tableau 18 présente les différents types de
recours aux soins des populations en cas d'accès palustre. Nous
constatons qu'en moyenne 76,2 % des ménages interrogés vont aux
postes de santé. Mais parmi ceux-ci, 46 % vivent dans les villages
d'implantation de ces structures de soins (Anambé et Mampatim). Les 30,2
% qui restent, se répartissent entre les huit autres villages de notre
échantillon.
Par ailleurs, 52 % et 10,01 % des ménagent ont
affirmé avoir recouru à l'automédication traditionnelle et
au tradipraticien.
Tableau 18 : Les différents types de
recours aux soins en cas de paludisme
Lieux de recours aux soins
|
Effectif
|
Fréquence (%)
|
Centre de santé
|
3
|
0,7
|
Case de santé
|
70
|
25,3
|
Poste de Santé
|
211
|
76,2
|
Automédication moderne
|
5
|
1,8
|
Auto. Traditionnelle
|
145
|
52,3
|
Tradipraticien
|
28
|
10,01
|
Source : Enquête dans les
ménages, 2008
Ces résultats nous indiquent, d'une manière
générale, que la médecine traditionnelle occupe une place
prépondérante dans le choix du recours aux soins. La
médecine traditionnelle est définie par Picheral, [1984] comme
étant « les formes et modes de représentation, de
signification des connaissances et pratiques médicales (recours aux
soins) en dehors de la médecine officielle ». La
préférence de recourir à la tradition plutôt
qu'à la médecine moderne résulte de plusieurs aspects dont
deux qui nous semblent fondamentaux dans notre analyse : la culture et
l'accessibilité des services de santé.
En milieu rural, l'utilisation de la pharmacopée
demeure une des premières actions en cas de maladie. De Sardan, [2004]
dans son analyse sur la santé en Afrique démontre que « la
culture locale est incriminée, en ce que des coutumes, des habitudes ou
des représentations
74
et pratiques populaires, voire l'ignorance des populations,
dissuaderaient les malades de se rendre à temps dans les structures de
santé, par un recours excessif aux traitements dits «
traditionnels» ou aux guérisseurs ».
Par ailleurs, la faible couverture sanitaire fait que les
populations optent, dans la plupart des cas, pour une consultation
coutumière. Niang, [1997] souligne que « l'importance de la
médecine traditionnelle constitue selon Fassin, [1994] outre son
rôle d'héritage culturel, une compensation aux insuffisances des
dispositifs sanitaires modernes notamment dans les zones rurales ».
La comparaison faite entre le nombre de cas de paludisme et la
distance aux postes de santé (cf. tableau 19) montre que la distance
joue un rôle primordial dans le choix du recours aux soins.
Tableau 19 : Comparaison entre le nombre de cas
de paludisme et la distance aux postes de santé
Villages
|
Distance au poste de santé (km)
|
Nombre de cas de paludisme
présumés
|
Thiéoulé
|
20
|
36
|
Kossanké
|
15
|
15
|
Diankancounda Oguel
|
15
|
73
|
Dembayel
|
13
|
73
|
Awataba
|
9,7
|
29
|
Aine Mady Yoro
|
8
|
8
|
Medina Samba Baldé
|
7,5
|
10
|
Missirah Demba Sadio
|
7
|
152
|
Anambé
|
1
|
231
|
Mampatim
|
1
|
584
|
Source : Registres de consultation
des postes de santé, 2007
L'analyse de ce tableau fait ressortir l'importance du facteur
distance dans le recours aux soins au niveau des structures de soins en cas
d'accès palustre. En effet, les villages proches des postes de
santé présentent une présomption palustre
élevée. C'est le cas de Mampatim et d'Anambé où les
ménages interrogés ne font en moyenne pas plus d'un km pour
accéder aux postes de santé. Rappelons que c'est au niveau de ces
deux villages où sont installés les postes de santé.
Le village de Medina Samba Baldé, qui se situe à
7,5 km du poste de santé, a la plus faible morbidité palustre (10
cas) de notre échantillon. Selon les populations interrogées,
l'absence
75
d'infrastructures routières adéquates constitue
un blocage pour se rendre au poste de santé d'Anambé en cas de
maladie.
Les villages d'Aine Mady Yoro, Missirah Demba Sadio et
d'Awataba exposent un scénario qui est pratiquement identique à
l'ensemble des villages de la Communauté Rurale de Mampatim. Ces
villages se localisent à peu prés à distance égale
par rapport aux postes de santé, mais chacun d'entre eux a sa
particularité. Aine Mady Yoro et Missirah Demba Sadio sont
traversés par la route bitumée Nationale 6 qui est en très
bon état. Ce qui veut dire que l'on soit en saison sèche ou
pluvieuse, les populations peuvent atteindre facilement les postes de
santé. Cependant, Missirah Demba Sadio a un nombre de cas (152) de
paludisme largement supérieur à Aine Mady Yoro (57). La
différence en est que dans le village d'Aine Mady Yoro on rencontre le
plus grand nombre de guérisseur traditionnel de notre
échantillon. Ce qui fait que les habitants se font consulter d'abord par
un tradipraticien en cas de maladie. Un chef de ménage en
témoigne : « c'est une tradition sacrée ici. Par respect
à nos coutumes, la médecine moderne vient toujours en dernier
recours. fl y'à au moins un guérisseur dans presque chaque
ménage ».
Pour le village d'Awataba, les habitants sont obligés
d'emprunter des pistes faites de latérites, truffées de nids
d'oiseaux et souvent dégradables en période d'hivernage. La photo
ci-dessous montre une piste reliant le village au poste d'Anambé
où l'eau de pluie stagnante empêche tout trafic normal. Sur cette
entrefaite, les populations n'ont que deux possibilités : soit faire un
grand détour pour se rendre au poste de santé, soit resté
sur place tout bonnement en désespoir de cause.
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Photo n°2
L'impraticabilité d'une piste reliant le village
d'Awataba au poste de santé d'Anambé
Le village de Thiéoulé a la particularité
d'être la seule localité de notre échantillon qui se trouve
à plus de 15 km d'un poste de santé. Là aussi, la distance
constitue une contrainte considérable pour le recours
thérapeutique des populations.
En définitive, l'absence notoire de voies de
communication fait que les populations de la Communauté Rurale de
Mampatim sont confrontées à une difficulté d'accès
aux postes de santé. Ainsi, le recours aux soins est conditionné
en grande partie par l'accessibilité physique aux structures de
santé. L'enclavement de certains villages contraint les habitants
à mettre parfois des heures pour rejoindre les lieux de recours aux
soins.
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