La politique chinoise de l'administration Bush après la répression place Tiananmen : l'interdépendance peut-elle apaiser les tensions politiques ? 1989-1993( Télécharger le fichier original )par Nicolas Le Guillou Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 1 Science Politique - Relations Internationales spécialité Sécurité & Défense 2014 |
Chapitre 1: L'interdépendance dans la politique mondialeAu premier rang de ces concepts clés figure la pertinence d'une observation plus en adéquation avec la réalité du système international en constante évolution. 101 NYE Joseph S., « Independence and Interdependence », Foreign Policy, n°22 (Spring, 1976), pp. 133-134. URL: http://www.jstor.org/stable/1148075, Consulté le : 03/03/2015 102 LETOURNEAU Jean-François, « Les conséquences pacificatrices de l'interdépendance économique et la montée des tensions entre la Chine populaire et Taïwan au tournant du 21ème siècle », op. cit. p. 34. 103 MACLEOD Alex, O'MEARA Dan, Théorie des relations internationales, contestations et résistances, op. cit. p. 110. 26 Section 1 : La prise en compte d'une pluralité d'acteurs et de dimensions relationnellesPower and Interdependence est ouvertement né d'une réaction au réalisme en perte de vitesse à la fin des années 1970. Le rôle croissant des individus, des acteurs transnationaux, des organisations internationales, des questions économiques, la remise en question de l'efficacité du recours à la force (impact de la défaite américaine du Vietnam notamment) ont ainsi amené R. Keohane et J. Nye à développer leur théorie. Par conséquent, l'Etat bien qu'acteur principal du système international n'est plus tout seul, les rapports internationaux ne sont plus seulement intergouvernementaux, l'intérêt national et le comportement des Etats ne sont plus homogènes et unitaires104. Il faut désormais prendre en ligne de compte le rôle politique des mouvements révolutionnaires, des fondations privées, des sociétés multinationales, des acteurs gouvernementaux et non-étatiques. Dans notre étude nous nous intéresserons ainsi à l'influence de l'intégration de la Chine et des Etats-Unis dans les organisations internationales multilatérales, au poids du commerce sino-américain, les acteurs que celui-ci fait intervenir, aux processus économiques transnationaux entre les deux pays, le commerce des armes par exemple. Section 2 : Organiser la politique extérieure dans un monde interdépendant D'autre part, penser l'interdépendance complexe du monde c'est reconnaître que la traditionnelle distinction entre politique extérieure et intérieure s'estompe parfois. Il faut donc offrir un traitement particulier aux interconnections entre politique étrangère et politique interne. C'est ce qui justifie notre angle d'attaque du sujet : l'étude de la relation sino-américaine post-Tiananmen au travers de la prise de décision américaine. Nous nous situerons donc à deux échelles de politique décisionnelle. D'après les auteurs, la politique étrangère n'est en effet plus guidée (comme les réalistes le préconisent) par le seul sens de l'intérêt national, mais par une conception pluraliste de ce dernier impliquant un processus d'ajustement permanent entre pressions internes et contraintes externes105. Qui plus est, si la sécurité nationale doit continuer d'occuper une place de premier ordre dans la définition de la politique étrangère, celle-ci ne doit plus forcément être perçue seulement sous l'angle militaire. Dans un monde d'interdépendance complexe, l'agenda diplomatique n'est donc plus dominé uniquement par les questions de sécurité militaire, la hiérarchie des enjeux s'articule autour de problématiques plus variées. La distinction entre high et low politics se gomme progressivement, les échiquiers non politico-militaires tels que le commerce, la finance, l'énergie, la 104 Ibid. p. 99. 105 BATTISTELLA Dario, Théories des relations internationales, op. cit. p. 230. 27 recherche technologique et spatiale s'insérant aux côtés de l'échiquier militaro-stratégique106. Notre travail s'intéressera autant aux enjeux politico-stratégiques qu'économiques ou perceptuels de la relation sino-américaine. Section 3 : Penser l'interdépendance complexe du monde : s'intéresser au processus de coopération L'interdépendance complexe de R. Keohane et J. Nye dépeint les conflits dans un monde de coopération sans y voir cependant un facteur potentiel de dépassement de l'anarchie interétatique107. Dorénavant, le recours à la force est limité selon les auteurs par 4 conditions que sont : le risque d'escalade nucléaire, la résistance des petits Etats, les effets incertains ou négatifs que cela peut avoir sur les objectifs économiques et les oppositions de l'opinion publique aux coûts humains potentiels d'un conflit armé108. Ces propos sont toutefois largement nuancés par les auteurs dans la seconde édition et admettent que la guerre demeure une option pour un certain nombre d'acteurs. De plus, pour les deux théoriciens, dans un monde interdépendant, les Etats perdent de leur « contrôle sur les résultats »109 ce qui les incite à développer des actions collectives dans le cadre de la diplomatie multilatérale. Cette idée, nous le verrons, est tout à fait pertinente appliquée au cas de la dimension relationnelle sino-américaine à l'ONU au moment de la Guerre du Golfe. Néanmoins, plus que l'interdépendance en tant que telle c'est l'évolution de la puissance en situation d'interdépendance qu'analysent R. Keohane et J. Nye110. |
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