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La politique chinoise de l'administration Bush après la répression place Tiananmen : l'interdépendance peut-elle apaiser les tensions politiques ? 1989-1993

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par Nicolas Le Guillou
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 1 Science Politique - Relations Internationales spécialité Sécurité & Défense 2014
  

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Chapitre 2 : L'émergence progressive de la Chine dans un monde interdépendant

Il sera ici question de plusieurs cas de figures, exemples et cas concrets mettant en évidence cette émergence progressive de la Chine dans les sphères intergouvernementales les plus importantes de la politique mondiale. Effectivement, dès les années 1980 la Chine participa plus activement aux institutions internationales. L'intégration de la Chine dans ces organisations, dont certaines représentant symboliquement les valeurs classiques américaines, démontra que la politique extérieure chinoise devenait plus multilatérale, plus coopérative, et s'inscrivait dans un monde économique mondial libéral.

Section 1 : Le protocole d'accession au GATT et ses enjeux

Les préparatifs de Pékin pour devenir membre du GATT débutèrent assez tôt en 1982 lorsqu'elle devint observatrice300. En 1986, la Chine soumit sa candidature au Secrétariat du GATT ce qui impliqua de rendre son économie conforme aux règles du régime de l'organisation301. Cette arrivée potentielle au sein du GATT ne passait pas inaperçue et bien que la Chine ne fût pas encore

296 HARDING Harry, A Fragile Relationship: The United States and China since 1972, op. cit. p. 336.

297 JUDET Pierre (sous la direction de Claude Aubert, Jean-Pierre Cabestan et Françoise Lemoine), « La Chine après

Deng. La Chine monte en puissance », Tiers-Monde, 1996, tome 37 n°147, p. 483.
URL : /web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1996_num_37_147_5054, Consulté le 03 Février 2015. L'article offre d'ailleurs un état des lieux assez synthétique des évolutions de l'économie chinoise au début des années 1990 jusqu'en 1995.

298 FUNABASHI Yoichi, OKSENBERG Michel, WEISS Heinrich, An emerging China in a world of interdependence: a report to the Trilateral Commission, 1994, The Trilateral Commission, New York, p. 35.

299 JUDET Pierre (sous la direction de Claude Aubert, Jean-Pierre Cabestan et Françoise Lemoine), « La Chine après Deng. La Chine monte en puissance », art. cit. p. 484.

300 PERRY Susan, La politique chinoise des Etats-Unis 1989-1997, op. cit. p. 157.

301 Ibid., p. 158.

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en 1986 l'économie la plus puissante, elle deviendrait le pays à économie dirigée le plus important302. Son accession fut cependant vivement discutée dès le début notamment par les Américains. L'enjeu était en fait de pousser la Chine sur la voie des réformes de son marché pour ouvrir complètement l'économie chinoise303. C'est exactement ce que le monde des affaires souhaitait. De plus, et nous le verrons dans la section suivante, une intégration de la Chine dans le GATT (devenu OMC en 1995) impliquait de lui promettre le statut de la nation la plus favorisée de manière inconditionnelle et permanente304. Or, depuis Tiananmen, ce statut était particulièrement contesté par le Congrès et fit l'objet d'intenses discussions. Le groupe de travail qui se réunit à Pékin en Décembre 1989, six mois après les massacres, tira ses premières conclusions en Février 1992. Les progrès avaient été faits mais la procédure ne reprit qu'en mars 1993305. Tiananmen avait produit ses effets mais tout n'était qu'une question de temps. La communauté internationale et particulièrement les dirigeants américains avaient conscience que l'adhésion de la Chine au GATT contribuerait à l'intégrer encore davantage dans l'économie mondiale et à poursuivre ses réformes structurelles dans le sens d'un marché plus libre. En adoptant les standards du GATT, les bénéfices économiques seraient mutuels. Après les discussions sur l'Uruguay Round en 1994, les discussions reprirent entre Américains et Chinois, mais il fallut attendre Novembre 2001 pour que son entrée à l'OMC soit effective.

Bien que l'entrée de la Chine au GATT fût encore loin d'être concrète pendant le mandat de G. Bush, les débuts de négociation en Décembre 1989 montrèrent néanmoins une volonté de la part des Chinois de se fondre dans le circuit économique libéral. D'autant que cette initiative n'était pas isolée.

Section 2 : Les institutions financières et commerciales internationales

Après avoir rejoint le système de Bretton Woods en intégrant la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International en 1980, Pékin devint en 1992 le plus important bénéficiaire des fonds de la Banque Mondiale306. De même, à la fin des années 1980 la RPC rejoignit la Banque

302 Ibid., p. 160.

303 U.S. DEPARTMENT OF STATE, « PRC GATT Accession - 10th of May 1989 », Digital National Security Archive, China and the U.S., 4p.

304 Un rapport du Congrès américain de Juin 1992 définit le statut MFN et spécifie les conditions de son application. A ce titre, l'article 1 du GATT est rappelé p. 5 : celui-ci oblige en effet à accorder d'importants privilèges commerciaux aux pays membres : cf : U.S. LIBRARY OF CONGRESS, « Most-Favored-Nation Status of the People's Republic of China - 17th of June 1992 », Digital National Security Archive, China and the U.S., 17p.

305 PERRY Susan, La politique chinoise des Etats-Unis 1989-1997, op. cit. pp. 170-171.

306 BOTTELIER Pieter, « China and the World Bank: How a Partnership », Stanford Center For International Develoment, Working Paper n° 277, Avril 2006, p. 3.

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asiatique de Développement et l'Association de coopération économique de l'Asie-Pacifique (APEC) en 1991307. S'agissant de la Chine, adhérer à ces organisations présentaient deux avantages de taille : gagner la reconnaissance de la communauté internationale et maximiser l'apport de ressources internationales afin de moderniser sa propre économie308. Mais à bien des égards, ces développements eurent aussi des effets bénéfiques pour les Américains. Une Chine prospère, efficiente et active dans l'économie internationale était d'abord plus à même de satisfaire les besoins essentiels des Etats-Unis qu'une Chine dont l'économie était à la traîne et désorganisée. D'autre part, sur le plan des intérêts vitaux américains, une Chine dont la réussite se faisait par l'intégration économique paraissait moins dangereuse qu'une Chine dont les succès résultaient de son autarcie. De manière plus pragmatique, l'ouverture de la Chine à l'économie mondiale offrait des possibilités de commerce intéressantes et profitables pour les investisseurs américains pour les raisons évoquées plus haut (deux économies complémentaires). A ne pas négliger non plus, l'adhésion de la Chine à ces organisations cultivaient l'espoir chez les classes dirigeantes américaines qu'à termes, Pékin s'ouvrît à la libéralisation politique309.

Section 3 : Les accords et régimes de maîtrise des armements

Un autre aspect peut être moins évident mais tout aussi important pour les intérêts américains concerne les accords et régimes de contrôle des armements. N'oublions pas qu'une des raisons principales d'adhésion des Etats à ce type de régime répond à un besoin de préservation de leurs intérêts par anticipation des actions des autres acteurs, et jouer un rôle de contrainte sur les comportements des acteurs de la scène internationale310. Au cours des années 1980 et 1990, Pékin s'engagea donc progressivement dans les régimes internationaux de maîtrise des armements : l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) en 1984, la convention sur les armes biologiques la même année, une autre convention sur les armes chimiques en 1993, et surtout le Traité de Non Prolifération en 1992311. Entre 1992 et 1994, Pékin déclara ses intentions de respecter les normes et directives du régime de contrôle de la technologie des missiles créé en Avril 1987 (RTCM)312. Les Chinois et les Américains comprirent en effet que ces ratifications pouvaient contribuer à réduire les tensions internationales tout en augmentant la stabilité du système,

307 FUNABASHI Yoichi, OKSENBERG Michel, WEISS Heinrich, An emerging China in a world of interdependence: a report to the Trilateral Commission, op. cit. pp. 42-45.

308 LAMPTON M. David, Same Bed, Different Dreams: Managing U.S.-China Relations, 1989-2000, op. cit. p. 162.

309 HARDING Harry, A Fragile Relationship: The United States and China since 1972, op. cit. p. 336.

310 LAMPTON M. David, Same Bed, Different Dreams: Managing U.S.-China Relations, 1989-2000, op. cit. p. 162.

311 U.S. EMBASSY IN CHINA, « Chinese Views on NPT Extension - 25th of November 1992 », Digital National Security Archive, Weapons of Mass Destruction, 5p.

312 LAMPTON M. David, Same Bed, Different Dreams: Managing U.S.-China Relations, 1989-2000, op. cit. p. 83.

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favorable au développement du commerce. Dans chacune des deux politiques étrangères, bien que la hiérarchie des enjeux se dissipait, les questions de sécurité conservèrent de leur importance car directement liées à la prospérité de leur économie. Une nouvelle configuration dans les rapports s'organisa, retraçant les contours de la théorie de l'interdépendance complexe. Au-delà de ces enjeux mais répondant à la même complexification des rapports, les relations s'animèrent autour de domaines jusque-là inexistants.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo