Chapitre 1 : Le challenge de la « renormalisation
» des rapports
En 1979, les Etats-Unis sous Carter, et la RPC menée
par Deng Xiaoping, normalisèrent officiellement leur relation sept ans
après la visite historique de Nixon à Shanghai. Cette
normalisation entraîna au passage l'interruption des relations
américaines avec Taïwan et le retrait de leur force de l'île.
Signe que Tiananmen causa une importante rupture, il fallut procéder
à la « renormalisation ».
Section 1 : Le « problème » Fang
Lizhi
Dans ce climat tendu avec le Congrès, toute la
difficulté pour le Président Bush était de reconstruire
une relation avec la Chine à laquelle n'était pas favorable son
pays. Pour tenter d'apaiser l'hostilité grandissante du parlement
américain, G. Bush en appela à la défense de
l'intérêt national américain230. L'enjeu
était double car simultanément, la tension entre les deux pays
continuait de s'accentuer. Cette animosité s'aggrava autour de la
polémique concernant Fang Lizhi, devenu le symbole de la division entre
les deux pays à l'automne 1989231. A cet égard, bien
qu'aucun des deux gouvernements ne souhaitaient la rupture, aucun
n'était en mesure non plus de pouvoir l'éviter. Effectivement,
immédiatement après le 4 Juin 1989, Fang et sa femme se
réfugièrent à l'ambassade des Etats-Unis232.
Quelques jours plus tard, celui-ci fut accusé par les autorités
chinoises de propagande contre-révolutionnaire233. Dès
lors, cette affaire constitua une source de tension entre les deux diplomaties
: l'une réclamant son censeur le plus célèbre pour le
condamner, l'autre, obligée de l'accueillir dans son ambassade.
Après le voyage de H. Kissinger, un compromis fut trouver pour
démêler ce noeud diplomatique : Fang serait autorisé
à quitter l'ambassade pour gagner les Etats-Unis ou un pays tiers ; en
échange, les Etats-Unis devraient lever les sanctions publiquement,
conclure des projets de coopération économique et enfin, inviter
Jiang Zemin en visite officielle dans le but de sortir la Chine de son
isolement international234. Ce fut l'objet du second voyage de
Scowcroft et d'Eagleburger. Cependant, face aux bouleversements en Europe de
l'Est, aucun camp ne se trouvait en mesure de s'écarter de ses
positions. Un accord ne fut trouvé qu'en Juin de l'année suivante
(1990)235.
230 Ibid., p. 93.
231 KISSINGER Henry, De la Chine, op. cit. p. 414.
232 U.S. DEPARTMENT OF STATE, « Embassy Refuge [Excised]
- 7th of June 1989 », Digital National Security Archive,
China and the U.S., 3p.
233 U.S. DEPARTMENT OF STATE, « [China: Fang Lizhi as
Scapegoat] - 12th of June 1989 », Digital National Security
Archive, China and the U.S., 3p.
234 KISSINGER Henry, De la Chine, op. cit. p. 419.
235 Ibid., p. 422.
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Section 2 : Le maintien des efforts de communication
Le Président Bush, privilégiant une approche
réaliste des relations internationales au-delà des
considérations idéologiques, humanitaires ou éthiques,
préférait conserver les intérêts stratégiques
et commerciaux des Etats-Unis dans une relation stable avec la
Chine236, ce qu'il entreprit de faire dès l'été
1989. Après un séjour en Europe au mois de Juillet, George Bush
écrivit une autre lettre à Deng pour le convaincre d'aller vers
une forme d'ouverture237. Deng lui répondit le 11 Août
affirmant à nouveau que la Chine demeurait souveraine et rappelant
à son homologue américain que des sanctions contre son pays
étaient encore en cours238. Parallèlement, George Bush
saisissait toutes les occasions qui lui étaient offertes pour maintenir
le contact avec les hauts dirigeants chinois. Ainsi James Baker rencontra Qian
Qichen à la conférence de Paris sur le Cambodge en Juillet et de
nouveau à l'Assemblée Générale des Nations Unies en
Septembre239. George Bush envoya aussi des émissaires
personnels (son frère Prescott Bush et l'ancien secrétaire d'Etat
Alexander Haig) sans forcément délivrer des messages
spécifiques mais davantage pour montrer ses intentions d'apaisement de
la relation. A la fin du mois d'Octobre l'ancien Président Richard Nixon
s'envola pour Pékin pour une réunion formelle avec les hauts
dirigeants chinois prévue bien avant les événements de
Tiananmen240. Néanmoins, cette visite revêtit un
caractère stratégique en cette période tourmentée.
A l'issu de cette semaine à Pékin, Nixon proposa d'ailleurs
à l'administration Bush de faire le premier pas dans la reprise d'un
contact officiel241. A peu près à cette époque,
Kissinger, ancien secrétaire d'Etat et conseiller à la
sécurité nationale de Nixon, accepta à son tour une
invitation des dirigeants chinois en Novembre242. A l'issue de cette
entrevue les conditions d'un retour à la normale furent transmises par
Deng : la résolution du problème Fang Lizhi et ensuite viendrait
une visite de Jiang Zemin aux Etats-Unis243. Dans cette perspective,
G. Bush prit l'initiative d'envoyer Lawrence Eagleburger et Brent Scowcroft une
seconde fois à Pékin pour un nouveau voyage
secret244.
236 HARDING Harry, A Fragile Relationship: The United States
and China since 1972, op. cit. p. 247.
237 BUSH George, SCOWCROFT Brent, A la Maison-Blanche : 4 ans
pour changer le monde, op. cit. p. 173.
238 Ibid. page 174.
239 SUETTINGER Robert L., Beyond Tiananmen: the politics of
US-China relations 1989-2000, op. cit. p. 97.
240 U.S. DEPARTMENT OF STATE, « President Nixon's Visit -
26th of October 1989 », Digital National Security Archive,
China and the U.S., 3p.
241 SUETTINGER Robert L., Beyond Tiananmen: the politics of
US-China relations 1989-2000, op. cit. p. 98.
242 KISSINGER Henry, De la Chine, op. cit. p. 409.
243 SUETTINGER Robert L., Beyond Tiananmen: the politics of
US-China relations 1989-2000, op. cit. p. 98.
244 U.S. EMBASSY IN CHINA, « Schedule for Chinese Visit
of General Scowcroft and Deputy Secretary Eagleburger - 8th of
December 1989 », Digital National Security Archive, China and the
U.S., 3p.
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Section 3 : L'hostilité vigoureuse du
Congrès
L'hostilité du Congrès allait de pair avec
l'animosité sino-américaine. Le Congrès et l'opinion,
depuis le 4 Juin 1989, manifestaient leur empressement pour des sanctions plus
lourdes. Tandis que G. Bush plaidait pour une vision réaliste des
relations internationales le Congrès penchait davantage pour une
perspective idéaliste, plus proche des valeurs américaines telles
que la liberté, la démocratie et les Droits de
l'Homme245. La formulation et la conduite de la politique chinoise
faisait l'objet d'intenses rivalités au plus haut sommet de l'Etat
américain. Derrière les résolutions et les
déclarations sur la Chine et les réponses de l'administration
Bush, le Congrès commença à considérer des mesures
plus autoritaires pour supplanter l'exécutif dans la politique
chinoise246. Le 21 Juin 1989, une représentante
démocrate, Nancy Pelosi, proposa une loi pour faciliter le
renouvellement des visas étudiants chinois : celle-ci prévoyait
également de permettre aux étudiants chinois de travailler aux
Etats-Unis deux ans sans avoir à retourner en Chine247.
Initialement anodine, sa loi prit une ampleur inattendue et devint très
vite une priorité du Congrès. Après être
passée à la Chambre des Représentants le 31 Juillet, elle
fut votée à l'unanimité au Sénat le 19 Novembre. Le
lendemain elle fut présentée au Président248.
Au même moment l'administration américaine et le
département d'Etat, prenant conscience qu'une telle loi renforcerait
l'animosité entre les deux pays, ruinerait les efforts de
médiation du Président et annulerait définitivement les
échanges étudiants sino-américains (si importants pour
l'administration pour diffuser les valeurs américaines), tenta de
pourfendre cette mesure249. Le 30 Novembre, le Président
Américain posa son veto250 en sachant pertinemment que
dorénavant, sa politique chinoise serait scrutée dans les
moindres détails. Le voyage de Scowcroft et d'Eagleburger le 11
Décembre 1989 fut d'ailleurs vivement dénoncé par la
presse et le Congrès et des représentants
religieux251.
Malgré les efforts de l'exécutif pour maintenir
les liens tout en les reconfigurant, les pressions sur la scène
intérieure mirent en péril l'exercice de la politique chinoise de
l'administration Bush. Pour ne pas améliorer la situation, le cadre
géopolitique mondial allait bientôt s'écrouler, quelques
mois après la répression place Tiananmen.
245 SUETTINGER Robert L., Beyond Tiananmen: the politics of
US-China relations 1989-2000, op. cit. p. 94.
246 Ibid., p. 95.
247 MANN James, About Face: A History of America's Curious
Relationship with China, From Nixon to Clinton, op. cit. p. 211.
248 SUETTINGER Robert L., Beyond Tiananmen: the politics of
US-China relations 1989-2000, op. cit. p. 96.
249 BUSH George, SCOWCROFT Brent, A la Maison-Blanche : 4 ans
pour changer le monde, op. cit. p. 176.
250 THE WHITE HOUSE, OFFICE OF THE PRESS SECRETARY, «
Statement by the President - 30th of November 1989 »,
Digital National Security Archive, China and the U.S., 2p.
251 U.S. DEPARTMENT OF STATE, « [Protest of Scowcroft and
Eagleburger Trip to Beijing] - 12th of December 1989 »,
Digital National Security Archive, China and the U.S., 2p.
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