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La question technologique à  la genèse du discours éthique de Hans Jonas. Une lecture du principe responsabilité

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par Bertin NKENGELE
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius de Kimwenza en RDC - Bachelier en philosophie 2013
  

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2.4.3. L'avenir de la responsabilité

Après avoir montré que la responsabilité doit s'exercer de manière totale et continue, il convient de dire qu'elle doit aussi se tourner vers l'avenir. Pour Jonas, « avant tout c'est l'avenir auquel la responsabilité pour une vie, qu'elle soit individuelle ou collective, a affaire »100(*).

En fait les deux caractères de la responsabilité précédemment exposés promeuvent d'une part la totalité de l'existence d'une vie, et la continuité de l'existence de cette même vie d'autre part. Pour le caractère que nous exposons ici, ce qui est envisagé qui découle certes de deux susexposés c'est l'avenir de l'existence, lequel devient un objet susceptible de rendre complet un acte de responsabilité. C'est ainsi que Jonas déclare qu' « ici l'avenir de l'existence entière, par-delà l'influence directe du responsable et, par le fait, par-delà la possibilité d'un calcul concret, devient un objet complémentaire de tous les actes individuels de responsabilité qui à chaque fois se soucient de l'immédiat le plus proche »101(*). Il ajoute encore pour dire que « le caractère futurible propre de ce dont on a la responsabilité est le véritable aspect d'avenir de la responsabilité »102(*).

La responsabilité parentale s'avère elle aussi limitée dans le temps. Dès que l'enfant grandit et devient lui aussi parent, la responsabilité sous laquelle il se trouvait cesse dans une certaine mesure. En est-il de même avec la responsabilité politique ? Celle-ci n'est pas limitée dans le temps : un homme d'État peut mourir, il y aura, par après et de toutes les façons, son remplaçant. Cette responsabilité est permanente. C'est pourquoi Jonas n'a pas hésité de dire que « l'une des responsabilités de l'art de gouverner consiste à veiller à ce que l'art de gouverner reste encore possible dans l'avenir »103(*). Ceci apparaît comme un impératif, chez l'homme d'État, consistant à éduquer ou à former, c'est-à-dire à préparer les hommes d'État futurs, les remplaçants, « les candidats possibles à la répétition de son rôle ». C'est avec cet esprit qu'il peut encore y avoir « la possibilité d'un agir responsable dans l'avenir »104(*).

2.4.4. 2.5. DE LA DIMENSION FUTUROLOGIQUE OU DE L'OBLIGATION POUR LES GÉNÉRATIONS FUTURES DANS L'ÉTHIQUE DE LA RESPONSABILITÉ

Dans le premier chapitre de notre travail, nous avons évoqué la critique que Jonas formule à l'égard de l'éthique classique, notamment celle relative à son caractère d'immédiateté ou de la simultanéité. Cette éthique avait affaire à l'ici et maintenant. Une planification à long terme n'y était jamais envisagée. Le tout se limitait à l'environnement immédiat. Pour ce faire Jonas a préféré réorienter le discours éthique en y intégrant la possibilité de penser aux générations futures. C'est une nouveauté que nous offre l'éthique de la responsabilité. Car avec cette dernière, la responsabilité s'étend même dans le futur lointain, se projette dans le temps et dans l'espace. Les effets de la technoscience ne se produisent pas du jour au lendemain. Ils sont lents. Raison pour laquelle l'éthique jonassienne se projette dans le futur.

Plus haut nous parlions de la responsabilité politique et de la responsabilité parentale. Ces deux types de responsabilité sont pour notre auteur des paradigmes éminents de la responsabilité. La responsabilité parentale, d'ailleurs non réciproque, est de prime abord une responsabilité à l'égard de la postérité, c'est-à-dire à l'égard des enfants qu'on a engendré. On est responsable des enfants du fait qu'on est auteur. Ce comportement est d'ordre instinctuel ou naturel. C'est à partir de cette obligation à l'égard de la postérité que le nouveau discours éthique va chercher comment dépasser ce niveau plus restreint de la responsabilité. Il est question de dépasser l'obligation à l'égard de la postérité pour penser à une obligation plus générale, celle à l'égard de l'humanité future. Penser à l'être-tel futur renvoie à penser à plusieurs choses, notamment à la nature extrahumaine (l'environnement) qui doit demeurer propice à la survie de l'être-tel futur, qui doit être protégé des plaies qui peuvent lui être infligées par la technologie moderne.

L'éthique de la responsabilité, en se voulant une éthique du futur, promeut « l'existence d'une humanité future »105(*). Celle-ci englobe même l'existence d'une postérité. « Que l'humanité soit » est un impératif, mieux un devoir pour les êtres vivants actuels à agir et à poser des actes en faveur de l'avenir de l'humanité. Polluer la nature et penser à l'existence d'une humanité future est une attitude certes contradictoire. Avec l'éthique de la responsabilité, l'existence des générations futures devient une préoccupation première de la responsabilité. C'est pourquoi Jonas, à travers son impératif catégorique, lequel est une adaptation à partir du modèle kantien, ne cesse de prôner l'existence de l'humanité future. Voici comment est formulé positivement ou négativement cet impératif :

« Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre » ou pour l'exprimer négativement : « Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d'une telle vie » ; ou simplement : « Ne compromets pas les conditions pour la survie indéfinie de l'humanité sur terre » ; ou encore formulé de nouveau positivement : « inclus dans ton choix actuel l'intégrité future de l'homme comme objet secondaire de ton vouloir ». 106(*)

* 100 Ibid.

* 101 Ibid.

* 102 H. JONAS, Le Principe responsabilité, p. 152.

* 103 Ibid., p. 165.

* 104 Ibid.

* 105 Ibid., p. 66.

* 106 Ibid., pp. 30-31.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus