La question technologique à la genèse du discours éthique de Hans Jonas. Une lecture du principe responsabilité( Télécharger le fichier original )par Bertin NKENGELE Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius de Kimwenza en RDC - Bachelier en philosophie 2013 |
2.4.1. La totalité de la responsabilitéDe toutes les façons, la responsabilité est appelée à s'exercer de manière tout à fait totale. La totalité apparaît comme l'une des propriétés que les deux paradigmes de la responsabilité ont en commun. Les propriétés que la responsabilité parentale et celle de l'homme d'État ont en commun révèlent par conséquent l'essence de la responsabilité dans sa forme la plus complète. Cette totalité veut sans doute dire que ces responsabilités s'occupent de tous les aspects des objets de responsabilité. Ceci va « de la simple existence jusqu'aux intérêts les plus élevés »90(*). En effet, les parents, en faisant venir l'enfant au monde, veulent qu'il soit le meilleur des enfants qui puisse exister. Comment ils y parviennent ? Ils commencent naturellement par subvenir (satisfaire) aux besoins les plus élémentaires, les plus vitaux de l'enfant, pour s'occuper par la suite de son éducation prise dans tous les sens : les aptitudes, les relations, le comportement, le caractère, le savoir, dont la formation doit être surveillée et encouragée ; et ensemble avec tout cela si possible également le bonheur. En un mot : le pur être comme tel et ensuite le meilleur être de ces êtres est ce que le souci parental a in toto en vue.91(*) A l'instar de la responsabilité parentale, la responsabilité politique vise la promotion de l'existence d'une vie humaine, une existence continue. La promotion de l'existence d'une vie non dans sa singularité, mais dans sa totalité, c'est-à-dire la vie de la collectivité toute entière qui n'est rien d'autre que la res publica ; est ce qui doit être visée par l'homme d'État. « L'objet de la responsabilité (politique) est la res publica »92(*). Le souci de tout homme d'État est de s'occuper de tous les aspects de cet objet. C'est ainsi que Jonas déclare que « l'homme d'État au sens plénier du terme porte pendant la durée de son mandat ou de son pouvoir la responsabilité pour la totalité de la vie de la collectivité, ce qu'on appelle le bien public »93(*). Au niveau de l'éducation, nous pouvons découvrir que les responsabilités parentale et politique se complètent et s'interpénètrent. L'une est du domaine privé et l'autre du public. La première est obligée à s'ouvrir au public, car elle est incluse dans la seconde. Cependant, « dans le cas d'une collectivisation extrême, la totalité du coté public peut l'amener à se substituer intégralement à la responsabilité privée et à abolir la responsabilité parentale en même temps que son pouvoir »94(*). L'État peut s'immiscer dans les affaires privées ou familiales. Au cas où les parents n'assument pas la totalité de leur responsabilité, l'État peut le contraindre à le faire ou les en dépouiller. Les parents éduquent les enfants pour faire d'eux des bons citoyens ce qui est avantageux pour l'État. D'où la tâche de l'éducation n'est pas seulement l'affaire des seuls parents, mais aussi de l'État qui a une grande part de responsabilité, pour ne pas dire la totalité. Devenu mature, l'enfant devient totalement citoyen. Il se trouve chez les parents un sentiment d'amour envers la personne dont ils sont eux-mêmes géniteurs ou auteurs. Un sentiment d'amour analogue à celui des parents se trouve aussi chez l'homme politique envers la communauté dont il n'est pas géniteur, avec laquelle il a des liens de fraternité. A l'instar des parents, se crée chez l'homme d'État une « identification émotionnelle avec l'ensemble, `la solidarité' ressentie qui est analogue à l'amour à l'égard de l'individu »95(*). * 90 Ibid., p. 145. * 91 Ibid. * 92 Ibid., p. 137. * 93 Ibid., p. 145. * 94 Ibid., p. 147. * 95 H. JONAS, Le Principe responsabilité, p. 148. |
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