La question technologique à la genèse du discours éthique de Hans Jonas. Une lecture du principe responsabilité( Télécharger le fichier original )par Bertin NKENGELE Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius de Kimwenza en RDC - Bachelier en philosophie 2013 |
2.4.19. 2.3. DE LA MÉTHODE : HEURISTIQUE DE LA PEURAprès avoir recouru à la métaphysique pour fonder l'éthique de la responsabilité qui se veut une éthique du futur, Hans Jonas se donne une méthode susceptible de nous aider à nous faire une idée sur les éventuelles catastrophes écologiques pouvant conduire l'humanité tout entière à son extinction. En d'autres termes, cette méthode nommée par Jonas « heuristique de la peur », nous donne un savoir anticipé, lequel nous permettrait de prendre des précautions sur les éventuels dangers auxquels notre monde peut être exposé. Nul n'est censé ignorer les méfaits de la technologie. Celle-ci a fait des promesses colossales à l'humanité, mais elle est devenue un couteau à double tranchant : elle aide et nuit simultanément. Devant cette ambivalence, l'éthique de la responsabilité s'avère la mieux placée pour pouvoir prendre en charge toutes les questions posées par la technologie. La première obligation de l'éthique du futur consiste à se procurer une idée des effets lointains de la technoscience pouvant mettre en danger l'existence de l'être-tel futur. La mobilisation du sentiment adéquat aux effets que la technoscience pourrait infliger à l'humanité dans l'avenir est certes la seconde obligation. Il s'agit de partir de la prévision de la menace que peut connaître l'homme à cause des plaies infligées à la nature. Face à ce savoir prévisionnel ou anticipé de l'éventuel danger, l'idéal serait de prendre des précautions, de mobiliser un sentiment adéquat pour ne pas tomber dans le mal. Ce sentiment est de prime abord un sentiment de crainte. N'ayant aucune idée sûre sur ce que sera demain, l'homme doit développer un sentiment de crainte. Il doit craindre pour le bien de l'humanité. C'est une peur bénéfique qu'il s'agit de développer ici. La question que Jonas se pose est celle de savoir comment nous pouvons craindre ce que nous n'avons jamais éprouvé et qui n'a aucune analogie dans l'expérience actuelle ou passée ? Comment se le représenter ?82(*) Pour Jonas, « le malum imaginé doit donc assumer le rôle du malum éprouvé et cette représentation ne s'impose pas automatiquement, mais il faut se la procurer »83(*). Il renchérit en disant que « n'étant pas le mien, ce malum imaginé ne provoque pas la crainte de la même façon automatique que le fait le malum que j'éprouve et qui me menace moi-même »84(*). Connaissant les conséquences de la crise écologique ayant eu lieu dans le passé, nous pouvons nous faire une idée sur les conséquences que peut avoir la crise écologique dans l'avenir. Ce savoir prévisionnel doit installer en nous -- pas de manière automatique -- la crainte : nous craignons que ce qui s'est passé dans le temps ne puisse se répéter et que d'autres dégâts plus grands et non encore connus ne puissent se produire. Face à l'idée d'une disparition de l'humanité, la crainte que nous devions éprouver ne doit pas être de type pathologique, mais une sorte d'attitude spirituelle que nous sommes tenus d'adopter. Cependant, il convient de dire que le malum a plus d'attrait chez l'homme que le bonum. En d'autres mots, de manière automatique, le mauvais pronostic se laisse vite apercevoir que le bon ce qui est avantageux à notre avis. Il faut « davantage prêter l'oreille à la prophétie de malheur qu'à la prophétie de bonheur »85(*). La première est « faite pour éviter qu'elle ne se réalise »86(*), elle est une sonnette d'alarme, un avertissement auquel il faut prêter plus d'attention. (...) la reconnaissance du malum nous est infiniment plus facile que celle du bonum ; elle est plus immédiate, plus contraignante, bien moins exposée aux différences d'opinion et surtout qu'elle n'est pas recherchée : la simple présence du mal nous l'impose alors que le bien peut être là sans se faire remarquer et peut rester inconnu en l'absence de réflexion (celle-ci réclamant des raisons spéciales). Par rapport au mal nous ne sommes pas dans l'incertitude ; la certitude par rapport au bien nous ne l'obtenons en règle générale que par le détour de celui-ci.87(*) * 82 Cf. H. JONAS, Le Principe responsabilité, pp. 50-51. * 83 Ibid., p. 50. * 84 Ibid., p. 51. * 85 Ibid., p. 54. * 86 Ibid., p. 168. * 87 Ibid., p. 49. |
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