1.1.1.2. Le brevet et son champ d'application et ses
avantages
L'étude de la notion du brevet nous amène à
nous intéresser à sa définition et à son
champ d'application.
1.1.1.2.1. Qu'est-ce qu'un brevet au sens juridique du
terme
Un brevet est un droit de propriété
intellectuelle sur une invention. Les droits de propriété
intellectuelle sont accordés à des personnes physiques ou
morales, sur des créations mentales, comme le droit d'auteur sur un
ouvrage ou les droits des musiciens sur leurs enregistrements, la marque de
commerce distincte d'une entreprise pour ses produits ou le brevet sur une
invention technologique. Le brevet confère à son détenteur
(ou titulaire) le droit d'empêcher les autres de fabriquer, d'utiliser,
d'importer ou de vendre cette invention dans le pays où elle est
brevetée. Autrement dit, le fait de breveter une invention
confère au titulaire du brevet un monopole sur cette invention.
L'attribution de brevets est régie par les lois nationales de chaque
pays; ces lois sont influencées par les lois internationales. Un brevet
est habituellement accordé pour un temps limité (20 ans). Il
peut
préciser des conditions ou des exceptions aux droits
exclusifs accordés au titulaire. Le brevet est analogue (mais non
identique) à un droit de propriété9 sur
l'invention, et en comporte bien les trois composantes (selon les art. 554-556
du code civil français) :
· l'usus (droit d'usage),
· le fructus (droit d'en recueillir les "fruits"),
· l'abusus, (droit d'en faire tous usages non
prohibés par les lois),
Mais, il est :
· limité dans le temps : 20 ans dans le meilleur
cas, souvent moins, rarement plus10 ;
· révocable par décision judiciaire,
(juridiction civile);
· périssable, en cas de non paiement des taxes,
annuités et redevances prescrites;
· négatif, car il constitue, pour son titulaire,
un droit d'interdire plutôt qu'un droit de faire, ce dernier pouvant
être sujet à restrictions.
1.1.1.2.2. L'étendue du droit des brevets
Le monopole d'exploitation conféré au titulaire
du brevet varie selon les revendications. Ce qui veut dire qu'en fonction de la
catégorie d'inventions revendiquées dans le brevet, un certain
nombre d'actes d'exploitation seront interdits à des tiers en l'absence
du consentement du titulaire du brevet. La portée de la protection varie
selon que le brevet tend à couvrir un produit industriel ou une
application nouvelle d'un moyen connu pour l'obtention d'un résultat
d'un produit industriel.
S'agissant de la protection des produits, tout produit nouveau
résultant de l'invention d'une molécule chimique nouvelle est
protégée en lui-même quel que soit le procédé
qui a permis de l'obtenir ou l'utilisation à laquelle il est
destiné. Ce brevet offre alors la
9Dès l'origine des systèmes de
brevets, les juristes ont beaucoup discuté sur le problème du
"droit de propriété" de l'inventeur sur son invention ; L'article
1er de la loi française de 1791 sur les brevets énonçait :
"Toute découverte ou nouvelle invention, dans tous les genres
d'industrie, est la propriété de son auteur".
10 Les brevets protégeant les médicaments
bénéficient de dispositions particulières. En effet,
compte-tenu des longs délais qui peuvent s'écouler entre le
dépôt du brevet et l'accord de l'A.M.M. (autorisation de mise sur
le marché), la durée réelle de protection ne permettrait
pas au fabricant d'amortir ses frais de recherches. Il en est de même
pour certains produits phytosanitaires. D'où la création du
"certificat complémentaire de protection" (Art. L.611-2 §3 et 611-3
du Code de la Propriété Intellectuelle), titre qui prend effet au
terme légal du brevet auquel il se rattache, pour une durée ne
pouvant excéder sept ans à compter de ce terme et dix-sept ans
à compter de la délivrance de l'A.M.M. Ces dispositions
s'appliquent également aux brevets européens, et il en existe
d'analogues, par ex. aux États-Unis et au Japon.
protection la plus étendue puisqu'il couvre le produit
dans toutes ses voies d'accès ainsi que toutes ses
applications11.
En revanche, la protection des procédés nouveaux
est quant à elle plus faible dans la mesure où le brevet ne
protège qu'un procédé défini, c'est-à-dire
une technique de fabrication d'un produit. Ce qui signifie que l'inventeur ne
peut s'opposer à ce qu'une autre personne fabrique le même produit
ou obtienne le même résultat en utilisant un procédé
différent.
Enfin, concernant les applications thérapeutiques
nouvelles, c'est-à-dire la découverte de nouvelles
propriétés thérapeutiques d'une substance, elles suscitent
de nombreuses polémiques12. L'hypothèse est la
suivante : un médicament est déjà connu pour une
application thérapeutique déterminée, mais
ultérieurement on découvre que ce médicament
possède une autre propriété curative ou préventive.
L'invention a donc consisté à mettre en lumière certaines
propriétés pharmacologiques à l'origine d'applications
thérapeutiques, jusque-là inconnues.
L'article L.611-11 du Code de la propriété
intellectuelle, considère comme dépourvue de nouveauté et
exclue de la brevetabilité toute invention ayant pour objet une nouvelle
application thérapeutique.
Dès lors, « si un produit breveté ou non
est connu comme hypertenseur, antibiotique ou antidiabétique, etc...,
son utilisation pour toute autre application thérapeutique, serait-elle
d'un intérêt capital (telle celle fondée sur des
propriétés anticancéreuses), ne peut faire l'objet d'une
protection par brevet »13.
La majorité des auteurs ont adopté cette analyse
et considèrent que la protection est limitée à la seule
application qui est revendiquée14.
11 Si un tiers découvre « un nouveau
procédé d'obtention du produit ou une nouvelle application, une
telle invention qui peut être brevetable constituera une invention
dépendante dont l'exploitation implique une licence du brevet principal
couvrant le produit », Lamy droit commercial 1996, n° 1913.
12 Voir à ce sujet A. Casalonga, G. Dossmann, « La
protection du brevet d'invention de l'application thérapeutique et du
produit pharmaceutique », J.C.P. 1987.I. 14898.
13 Lamy droit commercial, op. cit., n° 1617, p. 736
14 Selon M. Vivant, « une telle invention ne peut
être brevetée car elle n'est pas nouvelle. Et elle n'est pas
nouvelle car lorsqu'un médicament est déjà connu dans une
application déterminée, la découverte que ce
médicament produit dans cette application est un résultat qui
n'avait jamais encore été décelé ne peut pas
être brevetable parce que ce résultat était
inévitablement atteint et qu'il avait, plus que probablement,
été même
« Si la nouvelle application thérapeutique est
incluse « ipso facto » dans l'utilisation du médicament tel
qu'il est dosé et présenté pour les applications
déjà connues, la nouvelle application était
déjà contenues dans l'état de la technique et donc
dépourvue de nouveauté conformément au droit commun. Si en
revanche la nouvelle application implique une nouvelle forme galénique
ou un nouveau dosage de la substance active et a fortiori une combinaison avec
d'autres éléments, il ne s'agit plus du même produit mais
d'un produit différent qui est alors présenté pour la
première fois comme médicament et doit être
considéré comme brevetable »15.
Toutefois, en l'état actuel du droit, des incertitudes
demeurent toujours quant à la brevetabilité de la deuxième
application thérapeutique, cette possibilité étant
toujours sujette à controverses doctrinales.
De toute manière, l'acceptation de la
brevetabilité de la seconde application thérapeutique du
médicament en limiterait dans une certaine mesure l'accès. Il
n'en demeure pas moins que le brevet présente certains avantages
incontournables.
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