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L'accès aux médicaments et le droit des brevets

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par Magloire AKOGBETO
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master droit et management des structures sanitaires et sociales  2005
  

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1.1.1.2. Le brevet et son champ d'application et ses avantages

L'étude de la notion du brevet nous amène à nous intéresser à sa définition et à son

champ d'application.

1.1.1.2.1. Qu'est-ce qu'un brevet au sens juridique du terme

Un brevet est un droit de propriété intellectuelle sur une invention. Les droits de propriété intellectuelle sont accordés à des personnes physiques ou morales, sur des créations mentales, comme le droit d'auteur sur un ouvrage ou les droits des musiciens sur leurs enregistrements, la marque de commerce distincte d'une entreprise pour ses produits ou le brevet sur une invention technologique. Le brevet confère à son détenteur (ou titulaire) le droit d'empêcher les autres de fabriquer, d'utiliser, d'importer ou de vendre cette invention dans le pays où elle est brevetée. Autrement dit, le fait de breveter une invention confère au titulaire du brevet un monopole sur cette invention. L'attribution de brevets est régie par les lois nationales de chaque pays; ces lois sont influencées par les lois internationales. Un brevet est habituellement accordé pour un temps limité (20 ans). Il peut

préciser des conditions ou des exceptions aux droits exclusifs accordés au titulaire. Le brevet est analogue (mais non identique) à un droit de propriété9 sur l'invention, et en comporte bien les trois composantes (selon les art. 554-556 du code civil français) :

· l'usus (droit d'usage),

· le fructus (droit d'en recueillir les "fruits"),

· l'abusus, (droit d'en faire tous usages non prohibés par les lois),

Mais, il est :

· limité dans le temps : 20 ans dans le meilleur cas, souvent moins, rarement plus10 ;

· révocable par décision judiciaire, (juridiction civile);

· périssable, en cas de non paiement des taxes, annuités et redevances prescrites;

· négatif, car il constitue, pour son titulaire, un droit d'interdire plutôt qu'un droit de faire, ce dernier pouvant être sujet à restrictions.

1.1.1.2.2. L'étendue du droit des brevets

Le monopole d'exploitation conféré au titulaire du brevet varie selon les revendications. Ce qui veut dire qu'en fonction de la catégorie d'inventions revendiquées dans le brevet, un certain nombre d'actes d'exploitation seront interdits à des tiers en l'absence du consentement du titulaire du brevet. La portée de la protection varie selon que le brevet tend à couvrir un produit industriel ou une application nouvelle d'un moyen connu pour l'obtention d'un résultat d'un produit industriel.

S'agissant de la protection des produits, tout produit nouveau résultant de l'invention d'une molécule chimique nouvelle est protégée en lui-même quel que soit le procédé qui a permis de l'obtenir ou l'utilisation à laquelle il est destiné. Ce brevet offre alors la

9Dès l'origine des systèmes de brevets, les juristes ont beaucoup discuté sur le problème du "droit de propriété" de l'inventeur sur son invention ; L'article 1er de la loi française de 1791 sur les brevets énonçait : "Toute découverte ou nouvelle invention, dans tous les genres d'industrie, est la propriété de son auteur".

10 Les brevets protégeant les médicaments bénéficient de dispositions particulières. En effet, compte-tenu des longs délais qui peuvent s'écouler entre le dépôt du brevet et l'accord de l'A.M.M. (autorisation de mise sur le marché), la durée réelle de protection ne permettrait pas au fabricant d'amortir ses frais de recherches. Il en est de même pour certains produits phytosanitaires. D'où la création du "certificat complémentaire de protection" (Art. L.611-2 §3 et 611-3 du Code de la Propriété Intellectuelle), titre qui prend effet au terme légal du brevet auquel il se rattache, pour une durée ne pouvant excéder sept ans à compter de ce terme et dix-sept ans à compter de la délivrance de l'A.M.M. Ces dispositions s'appliquent également aux brevets européens, et il en existe d'analogues, par ex. aux États-Unis et au Japon.

protection la plus étendue puisqu'il couvre le produit dans toutes ses voies d'accès ainsi que toutes ses applications11.

En revanche, la protection des procédés nouveaux est quant à elle plus faible dans la mesure où le brevet ne protège qu'un procédé défini, c'est-à-dire une technique de fabrication d'un produit. Ce qui signifie que l'inventeur ne peut s'opposer à ce qu'une autre personne fabrique le même produit ou obtienne le même résultat en utilisant un procédé différent.

Enfin, concernant les applications thérapeutiques nouvelles, c'est-à-dire la découverte de nouvelles propriétés thérapeutiques d'une substance, elles suscitent de nombreuses polémiques12. L'hypothèse est la suivante : un médicament est déjà connu pour une application thérapeutique déterminée, mais ultérieurement on découvre que ce médicament possède une autre propriété curative ou préventive. L'invention a donc consisté à mettre en lumière certaines propriétés pharmacologiques à l'origine d'applications thérapeutiques, jusque-là inconnues.

L'article L.611-11 du Code de la propriété intellectuelle, considère comme dépourvue de nouveauté et exclue de la brevetabilité toute invention ayant pour objet une nouvelle application thérapeutique.

Dès lors, « si un produit breveté ou non est connu comme hypertenseur, antibiotique ou antidiabétique, etc..., son utilisation pour toute autre application thérapeutique, serait-elle d'un intérêt capital (telle celle fondée sur des propriétés anticancéreuses), ne peut faire l'objet d'une protection par brevet »13.

La majorité des auteurs ont adopté cette analyse et considèrent que la protection est limitée à la seule application qui est revendiquée14.

11 Si un tiers découvre « un nouveau procédé d'obtention du produit ou une nouvelle application, une telle invention qui peut être brevetable constituera une invention dépendante dont l'exploitation implique une licence du brevet principal couvrant le produit », Lamy droit commercial 1996, n° 1913.

12 Voir à ce sujet A. Casalonga, G. Dossmann, « La protection du brevet d'invention de l'application thérapeutique et du produit pharmaceutique », J.C.P. 1987.I. 14898.

13 Lamy droit commercial, op. cit., n° 1617, p. 736

14 Selon M. Vivant, « une telle invention ne peut être brevetée car elle n'est pas nouvelle. Et elle n'est pas nouvelle car lorsqu'un médicament est déjà connu dans une application déterminée, la découverte que ce médicament produit dans cette application est un résultat qui n'avait jamais encore été décelé ne peut pas être brevetable parce que ce résultat était inévitablement atteint et qu'il avait, plus que probablement, été même

« Si la nouvelle application thérapeutique est incluse « ipso facto » dans l'utilisation du médicament tel qu'il est dosé et présenté pour les applications déjà connues, la nouvelle application était déjà contenues dans l'état de la technique et donc dépourvue de nouveauté conformément au droit commun. Si en revanche la nouvelle application implique une nouvelle forme galénique ou un nouveau dosage de la substance active et a fortiori une combinaison avec d'autres éléments, il ne s'agit plus du même produit mais d'un produit différent qui est alors présenté pour la première fois comme médicament et doit être considéré comme brevetable »15.

Toutefois, en l'état actuel du droit, des incertitudes demeurent toujours quant à la brevetabilité de la deuxième application thérapeutique, cette possibilité étant toujours sujette à controverses doctrinales.

De toute manière, l'acceptation de la brevetabilité de la seconde application thérapeutique du médicament en limiterait dans une certaine mesure l'accès. Il n'en demeure pas moins que le brevet présente certains avantages incontournables.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo