CHAPITRE II : CONDITIONS DE TRAVAIL ET DIFFICULTES
RENCONTREES DANS L'EXERCICE DU METIER
Depuis le démarrage du projet, le volontariat de
l'éducation n'a pas cessé de faire parler de lui. Les volontaires
se sont organisés en syndicat : le S.E.L.S (Syndicat des Enseignants
Libres du Sénégal) et chaque année on assiste à des
grèves répétées de leur part visant à
l'amélioration de leur condition car les VE sont confrontés
à des difficultés aussi bien financières et
matérielles que pédagogiques (difficulté à tenir
correctement une classe). C'est ainsi que nous avons jugé
nécessaire de voir comment les VE, eux-mêmes,
apprécient-ils leur situation ?
I - SITUATION ET DIFFICULTES FINANCIERES DES VE :
I-1 - Problèmes financiers des VE :
Comme nous l'avons dit précédemment, les
volontaires n'ont pas de salaire mais plutôt une bourse de 60.000 F CFA
mensuelle versée par l'Etat, soit moins de la moitié du salaire
d'un instituteur adjoint. C'est ainsi que, ce qui a été
payé aux VE de 1995 à 1999 est de 7.847.800.000 F CFA . Ce que
l'Etat aurait dû payer s'il avait recruté des IA
s'élève à 18.233.861.200 soit une différence de
10.386.061.20038 alors que le VE effectue exactement le même
travail que l'instituteur adjoint (IA). 85 % des VE déclarent ainsi ne
pas être d'accord avec le principe de la bourse et en considèrent
le montant souvent comme insuffisant, dérisoire ou modique. Pour eux,
c'est une injustice car on ne peut pas comprendre
qu'ils effectuent le même travail que leurs
collègues non volontaires au moment oüceux-ci peuvent
leur payer trois fois S.ND que nous avons cité plus haut de dire
: « Nous ne saurons être d'accord avec cette bourse de
misère qui ne nous permet
38 MEN : Tableau au comparatif du coût des VE et
des IA (1995-1999)
même pas de survivre ; surtout quand on a une
famille en charge. C'est de l'exploitation, seulement nous n'avons pas le choix
[...].Le S.E.L.S doit radicaliser la lutte et tordre la main aux
autorités de ce pays ».
N.S n'est qu'un exemple parmi presque tous ses autres
collègues qui se considèrent comme étant victimes d'une
injustice.
Certains VE pensent que non seulement la bourse ne leur permet
pas de vivre, mais aussi et surtout sa modicité leur empêche de
faire convenablement leur travail. S. ND continue : « ...Il m'arrive,
quand la fin du mois approche de ne plus aller en classe juste parce que je
n'ai pas de quoi payer le ticket de transport. J'éprouve
également des difficultés réelles pour me payer des fiches
pendant cette période du mois ».
Tableau 17 : Etes-vous d'accord avec le principe
de la bourse
Réponse
|
Effectif
|
%
|
Oui
|
01
|
05
|
Non
|
17
|
85
|
N.R39
|
02
|
10
|
Total
|
20
|
100
|
Tableau 18 : Comment jugez-vous le montant de la
bourse ?
Réponse
|
Insuffisant
|
Dérisoire
|
Minime
|
Modique
|
Minable
|
Acceptable
|
Total
|
Effectif
|
09
|
04
|
03
|
02
|
01
|
01
|
20
|
%
|
45
|
20
|
15
|
10
|
05
|
05
|
100
|
39 Non réponse
De ces deux tableaux, nous nous rendons compte que les VE sont
loin d'être satisfaits du traitement financier dont ils sont l'objet. La
plupart d'entre eux ne sont d'accord ni avec le principe, ni avec le montant de
la bourse versée par l'Etat. Autrement dit, ils estiment qu'un
travailleur doit avoir non pas une bourse mais plutôt un salaire.
L'appellation même de bourse donnée au pécule reçu
par les VE pose ainsi problème pour ceux-ci ;
D'un autre côté, le jugement porté sur le
montant montre qu'ils ne sont pas satisfaits du tout. C'est d'ailleurs ce qui
explique que la plupart des VE ont des activités parallèles
(commerce, pêche, menuiserie bois etc.). Nous avons eu à
rencontrer un VE qui continue à gérer son atelier de menuiserie
tout en enseignant.
En outre, l'analyse du tableau 19 montre que la
quasi-totalité des VE n'ont rien réalisé de concret avec
leur bourse. Ils ne font que soutenir leur famille et survivre avec leur bourse
quand bien même ils étaient engagés pour épargner et
financer d'autres projets. C'est peut-être ce qui justifie le fait
évoqué plus haut par un inspecteur selon qui les VE ne
démissionnent que très rarement. Ils peinent à trouver un
emploi meilleur et n'ont pas, d'un autre côté, la
possibilité d'épargner pour investir éventuellement dans
d'autres secteurs. C'est ainsi qu'ils risquent souvent de faire carrière
dans l'enseignement sans une grande motivation.
Tableau 19 : Quelles réalisations
faites-vous avec votre bourse ?
Réponse
|
Soutien familial
|
Survie
|
Commerce
|
Aucune
|
NR
|
Total
|
Effectif
|
05
|
04
|
01
|
09
|
01
|
20
|
%
|
25
|
20
|
05
|
45
|
05
|
100
|
Pour ce qui est du retard dans le paiement de la bourse, ils
estiment à l'unanimité qu'ils sont payés à temps
actuellement. Seulement, les anciens disent qu'au début ils pouvaient
rester deux mois sans percevoir, mais avec les acquis du S.E.L.S, ce
problème est devenu un mauvais souvenir.
Le logement également n'a pas posé de
problème car la plupart d'entre eux habitent Rufisque et ceux qui sont
dans les villages environnants sont hébergés gratuitement par les
communautés d'accueil.
Concernant la prise en charge sociale, les VE ne l'ont pas mais
ont une mutuelle qui offre un certain nombre de prestations.
2°) La mutuelle des volontaires de
l'éducation
Dés le lancement du PVE, le gouvernement du
Sénégal a pris la décision de sensibiliser les 1200
volontaires de la première génération pour les amener
à mettre sur pied une mutuelle qui devrait prendre en charge leurs
problèmes de santé.
C'est ainsi que 31 délégués
représentants les VE recrutés dans les 31 circonscriptions
scolaires se sont réunis en assemblée générale le
10 décembre 1995 pour constituer la mutuelle des volontaires de
l'éducation. Les textes fondamentaux (statuts, règlement
intérieur) ont été étudiés et adoptés
et un conseil d'administration de dix (10) membres élus a
été constitué avec à sa tête un
Président (tous des VE).
L'Etat a mis à la disposition de cette mutuelle un
gestionnaire de formation et des locaux, à la demande des VE.
Depuis février 1996, la mutuelle est fonctionnelle (locaux
équipés) et elle prend en charge :
- 100 % des frais d'hospitalisation des VE malades et 5 membres
de sa famille (pour les mariés),
- 100 % des frais d'accouchement
- 40 % des soins externes (consultation, ordonnance
etc.)40,
- En outre, la mutuelle fait un prêt de 60 000 FCFA
remboursable sans intérêt au VE en 6 mois en raison de 10 000 F
par mois.
Ce prêt est donné au mois d'octobre pour
permettre au VE de payer les frais de déplacement vers leurs lieux
d'affectation. Les fonds de la mutuelle proviennent de la cotisation de ses
membres et de l'aide de partenaires. Les VE donnent chaque mois 2 700 F soit 32
000 annuel.
La mutuelle avait un deuxième domaine d'intervention
correspondant à la réinsertion future des VE qui souhaiteraient
s'investir dans l'enseignement privé et dans le non formel (cela parce
qu'au début, le projet de devait durer que 04 ans au bout desquels les
VE devraient être remerciés).
Il s'agissait donc de financer des projets éducatifs
initiés par les VE arrivés au terme de leur engagement (04
ans).
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