II - MOTIFS DE L'ENGAGEMENT DES DIPLOMES DE
L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR DANS LE VOLONTARIAT
De ce qui précède, nous savons que les
volontaires ont pour la plupart obtenu un diplôme universitaire (75 %) et
il y en a même qui sont toujours inscrits à l'université ;
D'autre part, la majeure partie de ceux qui ont quitté
l'université ne l'ont pas fait par ce qu'ils ont « cartouché
». Cela nous autorise à dire que les VE sont majoritairement dans
une situation académique qui pourrait leur permettre d'avoir une
activité professionnelle socialement et économiquement plus
valorisée. C'est le cas de M.S, 28 ans stagiaire à l'EFI de
Rufisque qui déclare : « Je sus inscrit en Licence de Lettres
Modernes et en même temps, je suis titulaire du diplôme d'assistant
social. Je suis sorti de l'ENDSS cette année, mais puisque l'emploi
n'est pas garanti, je me suis engagé dans le volontariat en attendant de
trouver mieux. Je suis marié donc je ne peux rester sans rien faire...
».
L'analyse de ces propos de M.S montre que l'engagement dans le
volontariat peut trouver explication dans la saturation du marché de
l'emploi car, quand bien même il est détenteur d'un diplôme
professionnel (diplôme d'Etat d'assistant social) l'insuffisance de
l'offre de d'emploi empêche M.S de trouver l'emploi désiré.
Le volontariat devient ainsi pour lui une simple « issue de
secours », il y est « en attendant de trouver mieux
».
Aussi, ressort-il de ce discours l'idée que le VE
accède à ce métier par contraintes économiques et
nécessité : « Je suis marié » dit-il,
ce qui sous-entend qu'il a des responsabilités sociales et
financières qui l'obligent à gagner sa vie quelque part
même s'il n'aime pas cette activité.
En sus, l'analyse du tableau 13 relatif au projet de
carrière des VE montre clairement qu'ils n'avaient pas comme ambition
initiale de devenir enseignant. En effet, 05 % seulement des personnes
interrogées ont déclaré avoir l'enseignement comme projet
de carrière. Les 95 % qui restent, évoquent les professions comme
: administrateur civil, journalisme, diplomate, sage-femme d'Etat,
interprète, etc. certains espèrent même, à travers
le volontariat accéder aux fonctions d'administrateur civil par le biais
des concours professionnels.
Ces données nous révèlent que ces
diplômés de l'enseignement supérieur débarquent dans
le volontariat juste pour échapper au chômage. L'idée de S.
Gomis35 développée dans son étude citée
plus haut en est une parfaite illustration. Il écrit : « Ils
(les étudiants originaires des milieux populaires) se présentent
à plusieurs concours sans grande motivation et atterrissaient là
où ils sont admis sans forcément connaître au
préalable les contraintes et les compétences exigées par
la profession. Ils accèdent à ce métier comme à un
autre non par conviction mais plutôt par accident.. ».
Nous voyons bien à travers ces propos que l'origine
sociale est largement déterminante par rapport à l'attitude des
diplômés vis-à-vis du marché de l'emploi.
Tableau 13 : Projet de carrière
Métier souhaité
|
Effectif
|
%
|
Enseignant
|
01
|
05
|
Autres professions
|
19
|
95
|
Total
|
20
|
100
|
35 Gomis (S) : La relation famille-Ecole au
Sénégal, op.cit
Il apparaît clairement de ce tableau que les VE
interrogés n'ont pas une vocation enseignante. Cela illustre
parfaitement l'idée de Bertraux36 selon laquelle il faut
penser le choix du métier comme choix par le métier ; c'est
à dire par exemple que les VE n'ont pas choisi
délibérément d'être volontaires ; ils ont
été contraints par des facteurs comme l'origine sociale.
Concernant cette dernière, nous avons justement découvert que la
majeure partie des VE (85 %) sont originaires de familles à niveau de
vie faible (95 % ont une mère ménagère ou
couturière, et 85 % ont un père appartenant à la
catégorie des « ouvriers, employés, artisans et autres
agents »-o.e.a.a.a-).
Nous pouvons donc dire que si leur origine sociale modeste n'a
pas empêché les volontaires de réussir à
l'école, elle n'en est pas moins une entrave quant à leur
insertion socioprofessionnelle. Autrement dit, à diplômes
égaux, celui qui a une origine sociale élevée a plus de
chance de réussir socialement que celui qui est issu de familles
à niveau de vie faible. On peut ainsi déduire que ces VE qui ont
des diplômes élevés sont victimes de leur origine sociale
modeste qui est la principale cause de leur engagement dans le volontariat de
l'éducation. La plupart avaient d'autres ambitions que l'enseignement et
évoquent souvent l'argent et les difficultés économiques
pour justifier leur entrée dans le métier comme en atteste le
tableau 14.
Tableau 14 : Pourquoi avez-vous été
volontaire ?
Motif évoqué
|
Effectif
|
%
|
Faute de mieux
|
07
|
35
|
Argent
|
05
|
25
|
Echec à l'université
|
02
|
10
|
Destin
|
02
|
10
|
Tremplin
|
02
|
10
|
Amour du métier
|
02
|
10
|
Total
|
20
|
100
|
Source : Enquête
36 Bertraux (D) : op.cit
L'analyse des causes évoquées par les acteurs
conforte bien la position que nous avons défendue plus haut selon
laquelle l'engagement des diplômés de l'enseignement
supérieur dans le corps des VE s'explique sinon exclusivement, du moins
en partie par leur origine sociale modeste dans la mesure où seulement
10 % des VE justifient leur engagement en évoquant « l'amour du
métier ». Tous ceux qui restent parlent d'argent, de
contraintes économiques ou d'absence de choix. En tout cas l'argent est
le mot qui revient le plus. D'ailleurs certains enseignants non volontaires
considèrent que ceux-ci sont là que pour amasser des sous et
financer d'autres projets. C'est le cas de cet enseignant cité dans le
rapport de l'étude d'évaluation37. Il déclare :
« Ils (les VE) ne sont là que pour l'argent, et partiront
à la première occasion sans crier gare ».
Par ailleurs, le tableau 15 révèle que la
plupart d'entre eux ne comptent pas rester dans l'enseignement (75 %) et ils
estiment à 55 % ne considérer le volontariat de
l'éducation que comme une « simple issue de secours
».
En revanche, l'avis des inspecteurs montre que même
s'ils ne veulent pas, ils ne quittent que très rarement le
métier, peut-être qu'ils n'aiment pas le métier au
début, mais une fois entrer dans le corps, ils finissent par aimer et
décident de faire carrière. M.D, inspecteur-formateur à
l'EFI de Rufisque de dire : « Je ne suis pas sûre que les VE
entrent dans le métier par amour ou vocation, mais ce qui est certain
c'est qu'ils finissent presque tous par aimer l'enseignement. J'en veux pour
preuve le fait que nous ne voyons que très rarement des VE qui
démissionnent.».
Nous pouvons rétorquer à M.D que le fait de ne
pas démissionner n'est pas une preuve de l'amour du métier car
celui qui y est entré par contraintes économiques ne quittera pas
tant que la contrainte persiste.
37 PVE : Rapport général , op.cit
Nous pouvons dire en bref que la principale cause de
l'engagement des VE est leur origine sociale modeste. Le volontariat constitue
pour eux une sorte « d'issue de secours ». C'est pour eux un
passage pour accéder à une situation sociale plus
élevée.
Tableau 15 : Comptez-vous rester dans
l'enseignement ?
|
Effectif
|
%
|
Oui
|
04
|
20
|
Non
|
15
|
75
|
Non réponse
|
01
|
05
|
Total
|
20
|
100
|
Source : Enquête
Tableau 16 : Le volontariat est-il pour vous une
simple issue de secours ?
|
Effectif
|
%
|
Oui
|
11
|
55
|
Non
|
09
|
45
|
Total
|
20
|
100
|
Nous pouvons en définitive, dire que même si le
volontariat est parfois accepté comme acte de civisme voire de
patriotisme, la raison profonde qui motive le choix des candidats (souvent
issus de famille à niveau de vie faible) est l'obtention d'un emploi
régulièrement rétribué.
Mais quelles sont les difficultés rencontrées par
les VE dans l'exercice de leur métier ?
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