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Décentralisation et gestion durable des ressources forestières au Cameroun

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par Fernande Abanda Ngono
Université de Yaoundé2-Soa/Cameroun - Diplome d'études approfondies 2009
  

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III. PRECISIONS TERMINOLOGIQUES

Nous convenons avec le Professeur Etienne LEROY, « qu'il n'est pas de démarche scientifique qui ne se préoccupe, en toute première approche d'un sujet, du sens des termes utilisés pour le qualifier28(*) ». L'intitulé de l'étude s'articule autour d'un ensemble de termes et concepts qui doivent nécessairement être explicités pour une meilleure compréhension.

1- La décentralisation.

Les définitions données à la décentralisation se référent à un phénomène générale : celui de la répartition ou de la distribution des compétences et des pouvoirs entre un organe central/national et des organes non centraux ou périphériques de la collectivité. Ce constat s'apprécie autant dans l'usage commun, législatif que doctrinal du concept.

De fait, la décentralisation est conçue comme un mode d'organisation de l'Etat, qui accorde des pouvoirs de décisions et de gestion à des organes autonomes régionaux ou locaux29(*). De même, dans le vocabulaire juridique, elle est le mode d'aménagement des structures de l'administration dans lequel la personnalité juridique ayant été reconnue à des communautés d'intérêts ou à des activités de services publique, le pouvoir de décision est exercé par des organes propres à ces personnes agissant librement sous un contrôle de simple légalité30(*). La décentralisation, consiste alors à accroitre les pouvoirs d'autorités élues qui ne sont compétentes qu'à l'égard d'une fraction de la collectivité étatique31(*). On retrouve alors dans ces définitions, des critères communs à la doctrine, qui affichent la dualité fonctionnelle de l'opération de décentralisation, et sa distingue par rapport à la déconcentration qui renvoi pour sa part à une délégation de pouvoirs de décisions à des représentants locaux du pouvoir central.

Aussi, pour René CHAPUS, « la décentralisation se traduit par le transfert d'attribution de l'Etat à des institutions (territoriales ou non) juridiquement distinctes de lui, et bénéficiant sous sa surveillance d'une certaine autonomie de gestion32(*) ». Charles EISENMANN33(*) y voit un procédé d'octroie à des autorités à compétence locale des pouvoirs d'action, donc d'abord de décision indépendantes des autorités centrales. C'est dire que l'opération peut prendre plusieurs formes.

Dans le contexte camerounais, la décentralisation «  consiste en un transfert par l'Etat aux collectivités territoriales décentralisées de compétences particulières34(*) ». L'énoncé explicite de l'option territoriale de la décentralisation se conjugue néanmoins à la reconnaissance des critères communs35(*). Il s'agit : de la désignation démocratique des autorités décentralisées, l'autonomie juridique et financière et la distinction entre affaires locales et affaires nationales.

Ainsi, la décentralisation territoriale se fait au profit des collectivités locales sur la base d'un critère géographique. On voit donc que « le dessein et le dessin de la décentralisation peuvent déployer plusieurs thèmes plus ou moins généreux36(*) ». Au plan politique, elle constitue une modalité de partage de pouvoir entre les autorités centrales et les autorités locales. Elle est alors conçue comme un outil permettant d'améliorer le fonctionnement démocratique, en assurant un meilleur équilibre des pouvoirs entre différentes autorités de sensibilités politiques divergentes, sur l'ensemble du territoire national. L'autre finalité impartie à la décentralisation, est « de faire surgir un nouveau mode de définition de l'intérêt général, non plus seulement conçue par les acteurs nationaux, mais aussi, imaginé et porté par les acteurs locaux 37(*)». C'est ce dernier volet qui intéresse notre travail, il convient toutefois d'en préciser les contours dans la sphère environnementale.

En effet, le concept de décentralisation lorsqu'il se réfère à la gestion de l'environnement conserve la même logique, mais la particularité est beaucoup plus subtile. Elle conserve son attribue territoriale, mais elle se réfère plus spécialement au transfert de pouvoir de l'Etat aux collectivités locales riveraines de la ressource naturelle concernée38(*). Il s'agit en fait, du renversement de la logique centraliste pour un partage de la gestion de la ressource, on pourra ainsi apprécier d'une « compétence personnelle, car ce n'est pas le territoire en tant que tel qui est visé par la règle de droit, mais les individus qui y vivent 39(*)». Aussi, dans le cadre de la gestion des forêts, la décentralisation s'appréhende davantage comme un processus dévolutif. Il s'agit véritablement d'un procédé, où l'intérêt général n'est plus seulement mis à l'oeuvre au niveau territorial en fonction des finalités et des modalités retenues par la souveraineté nationale. Mais aussi, partiellement construit par les citoyens et leurs responsables politiques à différents niveau territoriaux40(*). Aussi, pour Samuel ASSEMBE MVONDO41(*), « la décentralisation de la gestion des forêts concerne tout transfert de responsabilité et de ressources du haut vers le bas ».

Il importe toutefois de distinguer décentralisation et dévolution. Il existe en effet une certaine confusion conceptuelle entre la dévolution et la décentralisation ; même si la synonymie au plan fonctionnel est évidente et que le glissement sémantique s'avère plus stratégique qu'évolutif. Un effort de classification donnerais ce qui suit : la décentralisation représente l'acte à travers lequel l'Etat, qui jusque là centralisait tout et s'arrogeait tout se dessaisit de certaines de ses responsabilités et de certaines de ses fonctions au profit des acteurs situés hors du centre au marge de la prise de décision, c'est un acte essentiellement politique lié à la construction d'une autre vision de la gestion de la territorialité, des ressources publiques y compris les ressources naturelles. La dévolution par contre n'est pas toujours politique, elle est essentiellement une démarche individuelle ou collective, privée ou publique.

C'est par le truchement de ces considérations définitionnelles que sera saisit notre recherche.

2- forêt.

La doctrine ne s'est véritablement jamais accordée sur le sens du mot forêt, cette ambigüité dans la définition d'une des composantes majeures de l'écosystème est tributaire de l'effervescence internationale de la protection de l'environnement. Avant d'adopter notre position sémantique, il convient de clarifier la controverse.

Pour le sens commun, la forêt est une vaste étendue de terrain couverte d'arbres42(*). Par contre, dans les conventions internationales, le couvert forestier n'a plus la même importance. On le voit bien dans la définition du FAO43(*) , qui considère comme forêts, tous les écosystèmes où la densité minimale du couvert d'arbres et/ou de bambous est de 10%. De plus, l'arbre n'est plus la composante essentielle de la forêt, on parle alors d'écosystème forestier pour mieux rendre compte de l'interconnexion qui existent entre ses différentes composantes. Aussi, la forêt dans la convention de RIO sur la diversité biologique est «  le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et de micro organismes et de leur milieu non vivant qui, par leur interaction forment une unité fondamentale44(*) ». On retrouve la même logique dans la plupart des rapports de l'UICN, elle y est perçue come l'unité fondamentale formée par l'association d'une communauté d'espèces vivantes appelée biocénose, et d'un environnement physique nommé biotope en continuelle interaction45(*).Les forêts sont généralement associées à une faune et à une flore sauvage ainsi qu'à des conditions pédologiques naturelles et ne font pas l'objet de pratiques agricoles. La forêt apparait alors dans la vision internationale comme un milieu complexe ou coexistent végétaux, animaux et climat d'où la diversité des typologies qui varient selon le type de formation végétale.

Il reste tout de même que, les diverses définitions s'accordent sur le fait que les différents éléments du milieu forestier constituent un tout indissociable dont l'arbre reste l'élément fondamental. La législation camerounaise semble associée ces différentes logiques dans la loi du 20 janvier 199446(*), elle défini la forêt comme « un terrain comportant une couverture végétale dans laquelle prédominent les arbres, arbustes et autres espèces susceptibles de fournir des produits autres qu'agricoles ».

Le milieu forestier se caractérise par le foisonnement d'éléments qui le compose, les ressources forestières sont donc l'ensemble des richesses tirées des milieux forestier. On distingue deux principales catégories de ressources issues de la forêt, il s'agit des produits forestiers ligneux et des produits forestiers non ligneux. Les produits forestiers ligneux sont l'ensemble de produits constitués par les bois dérivés des forêts, il s'agit principalement de bois d'oeuvres et d'essences issus de l'exploitation et coupes d'arbres.

Au cours de l'étude, le terme forêt fera donc référence non seulement à la forêt en tant qu'espace, mais également à ses ressources ligneuses qui subissent généralement une exploitation industrielle considérable.

3-Gestion durable

Le terme gestion implique l'action de gérer d'administrer ou d'organiser quelque chose. Dans le vocabulaire juridique le terme est synonyme d'administration au sens large du terme. Aussi, l'exploitation désigne la mise en valeur d'une richesse donc l'activité consistant à faire valoir un bien, à accomplir les actes nécessaires à sa mise en valeur. On comprend donc que la gestion se distingue de l'exploitation en ceci qu'elle est générale et recouvre aussi bien l'exploitation que l'aménagement. Mais la gestion n'implique pas nécessairement la propriété ni la jouissance.

Dans le cadre de l'environnement, le terme prend une connotation particulière car il s'associe à la durabilité. Par conséquent, la gestion durable des ressources veille à ce que les effets des actions de l'homme ne réduisent, ni augmentent la qualité de la vie dans sa relation avec l'environnement pour le bien des générations présentes et futures. On comprend donc la confusion sémantique entre la gestion durable est l'exploitation durable, puisque le but essentiel est l'utilisation écologiquement rationnelle de la ressource. MAURICE KAMTO pense d'ailleurs que l'exploitation durable consiste à prélever des ressources renouvelables en quantité qui n'affectent par leur aptitude à se renouveler, mais aussi à utiliser rationnellement les ressources non renouvelables et à affecter les bénéfices tirés de leur utilisation à la recherche des matériaux de remplacement, ainsi que dans les techniques de réutilisations et de recyclages des ressources47(*). Cette définition rejoint un peu celle donnée par Richard EBA'A et Marie MBOLO48(*) à la gestion durable. Pour eux, « la gestion durable est un ensemble de pratiques et de techniques que les gestionnaires des ressources naturelles renouvelables mettent en application pour essayer d'atteindre l'idéal de développement durable ».

Le concept de gestion durable apparait donc propre à la protection de l'environnement, et aux ressources naturelles en particulier. Ses critères, la protection de l'environnement et le développement économique sont formellement reconnu par la doctrine. De plus, les critères économiques et écologiques de la gestion durable s'apparentent aux indicateurs de développement durable. L'analyse des considérations jurisprudentielles49(*) du concept de développement durable, et la littérature en la matière, démontre cependant que, le développement durable reste l'objectif et la gestion durable le moyen. Le Doyen MICHEL PRIEUR estime que, la définition donnée à la Conférence de HELSINKI en juin 199350(*) est celle qui nous renseigne le mieux sur le lien étroit qu'entretient gestion durable des forêts et développement durable. Il y est en fait précisé que la gestion durable des forêts «  renvoi à la gérance et l'utilisation des forêts et des terrains boisés, d'une manière et à une intensité telle qu'elles maintiennent leur diversité biologique, leur capacité a satisfaire actuellement et pour le futur, les fonctions écologiques, économiques et sociales pertinentes aux niveaux local, national et mondial et qu'elles ne causent pas de préjudice à d'autres écosystèmes 51(*)» ; on y retrouve en substance le fameux débat doctrinal sur la notion de patrimoine commun de l'humanité associée à la forêt.

* 28 LEROY (E) in Droit, Forêts Et Développement Durable sous la direction de MICHEL PRIEUR et STEPHANE DOUMBE-BILLE : actes des premières journées scientifiques du réseau «  droit de l'environnement »de l AUPELF-UREF. Limoges ; France ; 7-8 novembre 1996

* 29 Dictionnaire Petit Larousse, éd 2005.

* 30 CORNU (G), Vocabulaire juridique

* 31 DUHAMEL (o) MENY (Y), Dictionnaire Constitutionnel, PUF 1992 ; p 256

* 32 CHAPUS (R), Droit Administratif General, éd Montchrestien, 15éd., Paris 2001, P 103

* 33 EISENMANN (C), cité par EDOUA BILONGO, La répartition des compétences entre les régions et la commune, Mémoire de D.E.A en Droit Public, Université de Yaoundé II-SOA.

* 34 Article 2 alinéa 1 de la d'orientation de la décentralisation du 22 juillet 2004

* 35 ROIG (C), « Théorie et réalité de la décentralisation », R.F.S.P, vol 16, n°3, p. 446.

* 36 BLANC (J) et REMOND (B), Les collectivités locales. Presses de SCE.PO et Dalloz, 1994, p 18.

* 37 Idem

* 38 RIBOT (J), Democratic decentralization of natural resources : institutionalizing popular participation, Washington World Resources institute,2002, P12

* 39 EISENMANN ( C), «  les fonctions des circonscriptions térritoriales dans l'organisation de l'administration »,in mélanges WALINE, cité par FOURNIE (F) : Recherches sur la décentralisation dans l'oeuvre de Maurice Hauriou. LGDJ,2005 P 96.

* 40 BLANC (J), op.cit. p 18.

* 41 ASSEMBE MVONDO (S), Décentralisation des ressources forestières et justice environnementale : analyse des évidences empiriques du sud-Cameroun. In Law, environment and development journal 1/1, 2005, P 35.

* 42 Dictionnaire Petit Larousse édition 2005

* 43 Programme des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

* 44 Article 2 de la Convention de Rio

* 45 Voir à cet effet le rapport de l'UICN de juin 2005 sur `état ressources forestières mondiales.

* 46 Article 2 de la loi su 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche au Cameroun.

* 47 KAMTO (M), op cit. p.56.

* 48 EBA'A( R) et MBOLO ( M ), «  la bonne gestion forestière » in Exploitation Et Gestion Durable Des Forets En Afrique Centrale, sous la direction de Robert NASI, JC NGUIGUIRI, DRISS IZZIME De Blas. HARMATTAN 2006 ; P3.

* 49 Affaire du Projet GABCIKOVO-NAGYMAROS. Paragraphe 140.

* 50 Conférence d'HELSINKI sur la protection des forêts en Europe. Juin 1993.

* 51 Cité par M. PRIEUR conclusion général Droit, Forets Et Développement Durable op. cit.P510.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon